Notes sur la poésie : Paul Valéry

Par Florence Trocmé

L'alexandrin, les rimes, etc., ont leur noblesse, qui est de marquer tout le mépris qu’on doit avoir pour ce que le commerce des gens appelle sa "pensée", et dont ils ignorent que les conditions ne sont pas moins futiles, ni fortuites que les conditions d’une charade.
Les règles nous enseignent par leur arbitraire que les pensées qui nous viennent de nos besoins, de nos sentiments, de nos expériences, ne sont qu’une petite partie des pensées dont nous sommes capables.

La poésie a pour devoir de faire du langage d’une nation quelques applications parfaites.

Les vers.
La puissance des vers tient à une harmonie indéfinissable entre ce qu’ils disent et ce qu’ils sont. « Indéfinissable » entre dans la définition. Cette harmonie ne doit pas être définissable. Quand elle l’est c’est l’harmonie imitative, et ce n’est pas bien.
L’impossibilité de définir cette relation, combinée avec l’impossibilité de la nier, constitue l’essence du vers.
Ce vers, le plus beau des vers : Le jour n’est pas plus pur, etc. est transparent comme le jour même.[1]
Celui-ci : Ô rêveuse, pour que je plonge... avec ses muettes si délicates. [2]

Le poème − cette hésitation prolongée entre le son et le sens.
Paul Valéry, Rhumbs, dans Tel Quel, Œuvres, tome II, Pléiade, 1960, p. 636, 636, 637 et 637.
[1] Racine, Phèdre, acte IV, scène 2
[2] Premier vers d’un poème de Mallarmé, Éventail (mis en musique par Debussy).
Contribution de Tristan Hordé