Déterminer la nationalité des migrants grâce à leur ADN

Publié le 29 septembre 2009 par Jpa

Le ministre de l’immigration français Eric Besson a enterré la loi de son prédécesseur prévoyant des tests ADN pour les candidats au regroupement familial. Au même moment, la presse britannique a révélé que la UK Border agency envisageait elle aussi des tests ADN. Non pour savoir, comme le prévoyait l’amendement Mariani, si l’un est père/mère/sœur/frère de l’autre, mais pour déterminer la nationalité du candidat à l’asile.

Tous les scientifiques vont dans le même sens. Ces tests ne sont pas assez précis pour déterminer l’origine d’un candidat à l’asile. Les services de l’UK border agency prélèveraient sur “la base du volontariat” des échantillons de salive, de cheveux ou d’ongle, explique le Guardian :

“L’agence des frontières britannique croit que [de telles analyses] limiteraient les fausses demandes d’asile de personnes arrivant au Royaume-Uni en prétendant fuir des zones de guerre pour ne pas être expulsées.”

Ce projet lancé sans tambour ni trompette par les autorités britanniques vise en particulier les nombreux Kényans qui se déclareraient Somaliens pour obtenir l’asile outre-Manche.

La revue Science y consacre un long article – dont le résumé se trouve sur leur blog Science insider. Elle a cherché à en savoir plus sur ce projet déjà contesté et s’est procuré un document le résumant. Et l’a fait commenter par les scientifiques concernés.

Le “Human provenance project”  vise à déterminer la nationalité d’une personne grâce à son ADN, mais aussi, ce que ne disaient pas les précédents articles, grâce aux isotopes présents dans les tissus. Les chercheurs interrogés, dont les réactions sont rassemblées sur cette page, sont unanimes : scientifiquement le projet ne tient pas la route.

  • ADN : “Les gènes ne respectent pas les frontières”

Selon les documents qui sont en possession de Science, les tests se concentreraient sur l’ADN mitochondrial, sur le chromosome Y et sur une forme de variation génétique appelée SNP. Pour Alec Jeffreys, spécialiste des empreintes génétiques à l’université de Leicester, ces tests sont scientifiquement invalides.

“Les recherches nécessaires pour déterminer [la correspondance] entre une structure génétique et un groupe ethnique n’ont simplement pas été faites. Même si cela marchait – j’en doute – assigner une personne à une population donnée ne donne pas la nationalité. Les gens bougent ! Le projet entier est naïf et scientifiquement défectueux (’flawed’, en anglais dans le texte original)“.

Une autre limite est pointée par le généticien des populations David Balfding :

“Les gènes ne respectent pas les frontières, les citoyens légitimes étant des migrants ou des descendants de migrants. Par ailleurs, de nombreuses frontières séparent les groupes ethniques.”  

  • Isotopes : Un centimètre de cheveux par mois de voyage

Le “Human provenance project” porterait aussi sur les analyses des ratios d’isotopes dans certains tissus humains. L’étude des concentrations de certains isotopes peut aider à déterminer l’environnement ou l’époque dans laquelle une personne a vécu. Mais, là aussi, la méthode est trop imprécise pour déterminer une origine, et a fortiori, une nationalité.

Même si les isotopes étudiés ne sont pas connus, “la référence aux ongles et aux cheveux suggère que les tests porteront sur les isotopes ‘légers’ comme l’hydrogène, l’oxygène, le carbone ou l’azote”, écrit Science. Ce qui ne convainc pas James Ehleringer de l’university de l’Utah.

“Les isotopes de l’hydrogène et de l’oxygène dans les cheveux révèlent la provenance géographique récente. En estimant que les cheveux poussent d’un centimètre par mois, un cheveu de dix centimètres a ‘enregistré’ les dix derniers mois de voyages de la personne.”

Photo : Mark Cummins