Anthologie permanente : Eric Clémens

Par Florence Trocmé

Enfoncez-vous dans le Southside
de Chicago (toujours des Deep South que vient
la renaissance) dans le blues obscène de
Junior Wells : sharp, sobre de corps
et de sons, souffle et sexe au même rythme,
harmonica, musique à bouche crachée,
parturition blanche
et noire, ragtime jazztime
gladrags ! Enfoncez-vous plus loin
dans la couleur, l’autre réplique
à la question : comment s’échapper du vertige
des sky-scrappers dans le vent, des espaces
sans temps ? Passez de Matisse
à Rothko, les peintres si vous voulez
de la couleur, mais qui viennent
de longtemps, des cibles, pas
des fenêtres, des tableaux-cibles
d’avant Noland et Jasper Johns,
et des bâtons, des mâts-totems.
Nous aussi dans l’enfance, nous avons joué
aux cow-boys et aux indiens. La couleur
fait la matière du temps, le commencement,
toujours mêlé du blanc. La peinture
devient la capture ! Inversement,
le temps vire à la couleur, la flambe.
Black Mountains ! Comment faire du temps
avec l’espace, faire du langage avec l’image,
ou se dénaturer – les jeux de mots ou
les films enchaînés désintègrent nos pictogrammes,
forcent les gestes, comme la voix, le premier
cri pas technique. Arts and crafts pourtant :
de la profusion se gagne la chance
d’un autre temps, et du danger –
Hölderlin déjà… Mazel-Tov !

Eric Clémens, Babel, in De r’tour, Txt, 1987, p. 45

eh bien (finale)

mais oui
aux joutes et aux rires homériques
oui aux obscénités latines
oui aux argots de la bastoche
oui au comique gros et rabas
oui aux infinis tragiques
mathématiques
et même philosophiques
oui aux passions aux transgressions oui transgressions
oui aux dépenses
et au jeu génésique
oui aux récits dans le récit dans le récit
et aux vocales luminations d’elles
et au mal mal
au hasard
au babel
et au cri
et aux perfs
des rythmes
et oui au non
au si
au double non

jouir mourir
oui au populo anar
et crapulo rigolo
et tout de même tout le temps
renaissant

et que le bouc lâché saccage les lieux clos des ‘crates pendus de peur aux lustres

et
pour ne pas finir
eh bien
oui au degré zorro
des imagimères
par la voix-de-l’écrit

Inédit d’Eric Clémens, pour lire l’intégralité de ce poème dédié à Christian Prigent et Jean-Pierre Verheggen, Télécharger ce fichier.doc

Bio-bibliographie d’Eric Clémens.

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