"Mary et Max"

Par Loulouti




Les films d’animation sont de plus en plus nombreux à arriver sur nos écrans. Et pour retenir notre attention il faut que l’œuvre soit originale à plus d’un titre. "Mary et Max" de l’australien Adam Elliot prend place au rang des très bonnes surprises de cette année 2009 déjà largement pourvue.
1976, Australie. Mary Daisy Dinkle est une petite fille introvertie qui vit dans la banlieue de Melbourne. Elle a une tâche de naissance en plein milieu du front et subit les moqueries blessantes de ses "camarades" de classe. Pour combattre cette solitude, elle pioche un nom au hasard dans l’annuaire de New York et tombe sur Max Horowitz, juif, quadragénaire, obèse, qui souffre du syndrome d’Asperger et qui n’entretient aucune relation (amicale ou amoureuse).
Mary écrit à Max une première lettre qui sera suivie de beaucoup d’autres pendant plus de vingt ans. Une amitié, entière, vraie, voit le jour entre les deux êtres que tout oppose.
Le monde de "Mary et Max" est particulier, sombre par moments, triste même, mais rempli à la fois d’une infinie douceur de vivre et d’une poésie des images qui nous ravit.
Nous sommes plongés au cœur d’une chronique ordinaire d’un réalisme hautement travaillé. Cette amitié épistolaire s’attache à mettre en relief les difficultés existentielles d’une petite fille esseulée et d’un adulte à la limite de l’impotence. Deux êtres qui souffrent physiquement et moralement dans leur chair et dans leur âme.
"Mary et Max" est un conte original, plein de finesse qui repose sur un scénario inventif, détaillé et plein de surprises. L’idée de départ est sacrément culottée. Nous suivons pendant 90 minutes les péripéties de deux personnes qui ne rencontrent pas, enfin presque pas…
Le propos aurait pu rebuter les producteurs de cette aventure peu commune mais le traitement imposé par Adam Elliot avec une mise en scène innovante, dynamique et surprenante, emportent l'adhésion de tous.
"Mary et Max" joue la carte de l’émotion avec mesure mais efficacité. Le spectateur oscille entre une certaine joie de vivre et un profond chagrin. Nous passons de la gaieté aux larmes en quelques secondes. Les personnages principaux et secondaires sont attachants, entiers, émouvants. Chaque protagoniste a un trait de caractère qui retient notre attention.
 
La naïveté de petite Mary fait littéralement fondre notre cœur. Elle représente la figure de l’innocence dans l’absolu. Son regard sur le monde nous charme à chaque séquence. Les démêlés de sa mère avec l’alcool sont extrêmement drôles et pathétiques à la fois. Quelle charge à supporter pour une gamine !!!
La vie de Max nous remplit d’une infinie grisaille. Sa consommation boulimique de hot dog au chocolat nous fait sourire dans un premier temps mais la gravité de sa pathologie nous ramène à une triste réalité.
Mais n’imaginez pas qu’il s’agit d’un long métrage d’une noirceur infinie. "Mary et Max" fait beaucoup rire. Il y a une foule de petits moments truculents qui nuancent l’impression d’ensemble (des animaux de compagnie nommés "Sonny" et "Cher", Max écrit à un maire de New York qui s’appelle "Ridiculani", des poissons rouges qui meurent à intervalles réguliers et qui portent des numéros en plus du prénom initial).
Le rire savoureux et discret, attention "Mary et Max" n’est pas une bonne grosse pochade, permet de nous mettre à une certaine distance cette sinistre société.
A chaque instant nous sentons qu’Adam Eliott a beaucoup de sympathie pour les créatures qui peuplent son long métrage. L’originalité du propos tient aussi au fait que le réalisateur a réellement correspondu avec une personne touchée par le syndrome d’Asperger. Max, personnage imaginaire, n’est que le reflet d’une individualité bien vivante et le metteur en scène traite la maladie, le handicap avec beaucoup de pudeur et de tact. Le comportement de Max nous fait sourire mais à aucun moment il ne s’agit de moquerie.
Sur le fond le film ressemble à une leçon de tolérance. Adam Eliott n’est absolument pas moralisateur dans son propos. Ses créatures sont juste là pour nous rappeler quelques évidences bien senties.
Visuellement nous constatons également que deux univers se confrontent en permanence. Max vit dans la grisaille de New York avec la saleté des rues et la fumée des usines proches alors que les couleurs chaudes de l’Australie nimbent le monde de Mary d’un écrin de sépia et de Marron.
L’ombre et la lumière jouent des rôles prépondérants dans le déroulement de "Mary et Max". Les lettres de Mary sont comme des rayons de soleil qui envahissent l’existence taciturne de Max. Ces tonalités qui se complètent et qui s’opposent sont relativement restreintes sont la concrétisation des sentiments et des émotions qui animent Mary, Max et consorts.
La couleur rouge est employée pour souligner l’importance particulière de certains objets à des moments charnières de l’intrigue.
Le film bénéficie d’une technique hors pair. Les personnages de pâte à modeler sont animés avec une précision inouïe. Le tournage a duré 57 semaines. Il fallait une journée entière pour réaliser 4 secondes d’images avec une équipe de 6 animateurs. 133 décors ont été créés ainsi que 122 marionnettes. A cela s’ajoute des centaines d’objets qui rendent le long métrage crédible.
J’ai énormément de respect pour ce colossal ouvrage. Quand une technologie parfaitement maîtrisée, la stop motion, est au service d’un long métrage au contenu si riche, le spectateur ne peut être qu’au comble du bonheur.
"Mary et Max" est un long métrage qui a beaucoup d’âme. Le travail d’Adam Eliott et de ses équipes nous touche par la méticulosité du labeur et par l’éventail des sensations éprouvées. Au final on peut se dire que le film est bien triste et sombre.
Mais le final nous prouve que chaque situation, chaque moment de crise ou chaque événement triste comprennent en leur sein un infime espoir.