Objets inanimés, avez-vous donc une âme?

Par Pmalgachie @pmalgachie
C'est Lamartine, je crois, qui posait la question. Mais les bonnes questions gagnent à revenir de temps à autre au premier plan, par le jeu de ces coïncidences de lectures comme je les aime.
Quitte à modifier légèrement l'énoncé si la notion d'âme vous est étrangère - ce qui m'arrange, dans la mesure où en outre cela "collera" mieux avec les deux passages qui m'ont frappé.
Je reformule donc la question: "Objets inanimés, avez-vous donc une histoire?" Il est évidemment plus facile de répondre oui...
Franz Bartelt le fait dans son dernier livre, Petit éloge de la vie de tous les jours, un inédit dans une collection peu coûteuse. Une suite de textes qui s'attachent aux détails, et que je rapprocherais volontiers de la fameuse Première gorgée de bière de Philipe Delerm si Franz Bartelt ne pratiquait, outre l'observation du quotidien, un humour bien plus ravageur.
Dans les dernières pages, il parle des objets qui se trouvent sur son bureau, juste devant le clavier.
Tous ces objets ne sont pas là par hasard. Certains viennent de loin. Ils ont parcouru des centaines de kilomètres. Le stylo a peut-être été fabriqué en Chine. L'enveloppe contenait une lettre qu'on m'adressait d'Allemagne ou d'Italie. Aucun de ces objets n'est seulement un objet. Ce sont des histoires, des parcours, des intentions, des volontés.
[...]
Mais si je les observe bien, si j'essaie d'établir des relations entre eux, si j'imagine de quelles manières et pour quelles raisons ils sont venus jusqu'à moi, alors je suis obligé d'écrire un roman. Ce roman sera d'autant plus extraordinaire que ce qui se trouve à son origine est insignifiant à première vue. C'est que derrière rien, il y a quelque chose. Ce quelque chose est une histoire.
Je vous l'avais bien dit...
Pour renforcer mon propos, j'appelle R.N. Morris, dont L'âme détournée vient de paraître en français. Il s'agit d'un de ces polars historiques comme on en trouve dans la série "Grands détectives", souvent excellents - celui-ci l'est. A Saint-Pétersbourg, quelques personnages de Crime et châtiment sont à nouveau convoqués, pour une tout autre affaire. Porphiri, le juge d'instruction imaginé par Dostoïevski, est donc à nouveau en scène. Et, pour les besoins de l'enquête autant que par goût personnel, il fouine chez un prêteur sur gages.
Il plongea la main dans des tonneaux de chaussures et dans des cageots de lunettes, caressa les boîtes à tabac et les dés à coudre sur leurs plateaux. On aurait dit que ces objets, livrés à eux-mêmes, faisaient la preuve d'une loi d'affinité naturelle: le magnétisme qui réunit les abandonnés. Et, bien sûr, il fallait aussi tenir compte du fait qu'un jour chacun d'eux avait joué un rôle dans la vie de quelqu'un; derrière chaque objet cependant, aussi banal fût-il, se dessinait une histoire désespérée, une tragédie parfois.
Alors? Et quantité d'autres écrivains confirmeraient cette impression...