ATM 15 sept 2009 : du mash up dans la distribution

Publié le 11 octobre 2009 par Christophe Benavent

« Mashup », mot de la semaine pour le Nouvel Observateur du 01 octobre 2009 ! Décrit comme « l’art de mixer les sons et les images », l’hebdomadaire cite en exemple le mashup Barack/West qui cartonne sur http://www.youtube.com/watch?v=yjTkPpUrYTk. Cette vidéo est un habile mixage d’une intervention de Barack Obama devant le congrès interrompue par le rappeur Kanye West lançant un décalé « la meilleure c’est Beyoncé ». Pourtant, les mashups ne sont pas qu’un outil de show-biz ou de Buzz. Ils sont surtout identifiés comme une des dix technologies stratégiques des années à venir par le Gartner.

Nous sommes tous des fabricants potentiels de mashups

Les mashups sont une des rares technologies à la portée de tous. Les plus connus des mashups sont les widgets, de petits programmes que l’on peut intégrer au bureau de notre PC pour avoir la météo ou l’état du trafic en direct. En fait, les mashups sont des applications composites connues pour leurs développements en géomarketing.

Le mashup le plus connu est celui de Google Earth qui mixe les images satellite, les cartes, les informations géographiques et permet une personnalisation par l’internaute de ce service : enregistrement des lieux visités, partage avec d’autres personnes…

Son utilisation va aujourd’hui plus loin que la stricte localisation d’un réseau de distribution. Une gamme étendue de e-services se construit autour de la technologie mashup. Le mashup intègre différents composants (services Web, sources de données, parties de pages Internet). Il est surtout composé comme un lego de petits éléments qui peuvent s’imbriquer les uns avec les autres : les API. Les API (Application Program Interface), qui sont généralement au cœur de la construction du mashup, sont des interfaces permettant d’appeler une application à partir d’une autre (hybridation). La combinaison de plusieurs API peut donner une infinité de possibilités. Le mashup utilisé par Facebook combine Flickr (API de photo) et Twitter (API de réseau social). Il permet de partager photos et vidéos avec son réseau.

Résumons nous : tout internaute lambda peut fabriquer un mashup. Il lui suffit de savoir pour quelle utilisation il veut créer un mashup, quelless API il souhaite sélectionner et suivre le tutorial mis en ligne par le site, Programmableweb (http://www.programmableweb.com/howto ), qui répertorie l’ensemble des mashups existants (4353 répertoriés aujourd’hui, vraisemblablement deux fois plus).

Parmi les mashups les plus tendance, on peut citer les mashups géodémographiques qui combinent des informations fournies par Google Earth et des mégabases de données permettant de cibler des zones en fonction des profils ethniques, des revenus, de l’âge… Autre tendance, les mashups écologiques qui vous indiquent les zones où on peut vivre sans voiture pour se faire soigner ou acheter son pain (www.walkscore.com/).

Les mashups : du géomarketing au commerce en ligne

Les sociétés de vente en ligne les plus connues ont fait une utilisation très en amont de la technologie mashup. Amazon ou eBay ont conçu leur suivi de commande autour d’un mashup permettant de mixer les informations du transporteur et celles de l’entreprise. L’API de eBay intègre des fonctionnalités telles que l’analyse et le suivi des ventes, la création de catalogues. L’API de FedEx permet à un commerçant de présenter sur son propre site Web l'état d'avancement d'une livraison. Le mashup mis en place entre M6 Boutique et Mediatis donne une information sécurisée sur la santé financière du client.

Pour le consommateur, les implications de ce nouvel outil sont multiples : géolocalisation, recommandation communautaire, personnalisation de la recherche. Ainsi, la localisation offre des économies de coûts non négligeables pour les internautes. Baymalin (www.baymalin.com) (mashup regroupant les applications de Googlemaps et eBay) permet aux acheteurs de réserver les produits les plus proches de leur domicile, ce qui diminue les frais d’expédition.

Métamoteurs versus Moteurs spécialisés : bataille à coup de mashups

Quant à la personnalisation de la recherche, elle est au cœur d’un marché, celui du search (ou SEM pour search engine marketing), qui représentera selon les prévisions 11 milliards de dollars en 2010. Dans ce flot d’argent, 22% est consacré à la recherche naturelle, d’où l’importance et la profusion des nouveaux moteurs de recherche ou des plateformes de regroupement de sites spécialisés.

D’un côté l’émergence de métamoteurs (alliance des grands moteurs mais également des réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Friendfeed…) ou des sites de photos et vidéos (Flickr, Youtube), qui donne naissance à des produits comme Searchmerge (http://twitteradar.com/searchmerge-le-mo...), des moteurs mashups fondés sur l’instantanéité des tweets. De l’autre, des moteurs mashups ultraspécialisés comme www.waka.ca. Waka.ca permettent de chercher d'un seul endroit des maisons à vendre annoncées sur plus de 200 sites immobiliers différents au Québec et au Canada avec géolocalisation, photos, prix soldes… Ainsi, la recherche du meilleur produit ou service par le consommateur est donc profondément modifiée par l’utilisation des mashups et ce sur deux critères : les filtres de recherche, la mise à jour des requêtes via les flux RSS. Certains mashups sont conçus pour contourner les classements des moteurs de recherche ou pour les agréger.

Une redécouverte de la distribution locale ? Pas sûr

Les mashups accélèrent la contribution en y adjoignant un aspect évaluatif permanent. Le site Dismoioù (www.dismoiou.com/) peut se définir comme un mashup local. Chaque contributeur apporte une information permettant l’évaluation d’un point de vente : grands magasins, petits commerces, cafés, restaurants… Le site couple la contribution à la localisation de la communauté. Dès l’enregistrement, l’internaute a la possibilité de visualiser les plus proches adhérents de son lieu de résidence et de les intégrer à sa liste de « fans ». Les commentaires sont notés et les meilleurs contributeurs cités sur la page d’accueil. L’aspect communautaire est mis en avant et se construit sur l’affinité. Chaque affilié dispose d’une fiche personnalisée comprenant sa photo, son âge, ses hobbies et peut communiquer via Twitter (twitter.com/Dismoiou) ses impressions en direct. A travers des sites comme Dismoioù, les mashups renforcent en apparence le poids de la distribution locale dans le commerce en ligne. Néanmoins, certains mashups comme les widgets alertent immédiatement l’internaute sur les promotions ou bonnes affaires des grands distributeurs. La possibilité d’avoir des widgets dédiés par magasins (Fnac, La Redoute…) offre aux acteurs importants du e-commerce de nouvelles voies d’optimisation de leur politique promotionnelle ainsi qu’une proximité renforcée avec le consommateur.

La guerre des mashups a commencé : le business mashup survivra-t-il ?

Le marché des mashups est partagé entre les grands de l’Internet (Yahoo pipes) orientés grand public, les grands de l’informatique (IBM Mashup Starter Kit) orientés applications d’entreprises, Web services, bases de données, et de nouveaux acteurs comme Kapow (Kapow Mashup Server). Les sites de commerce en ligne sont dépassés en terme d’offres de services fondées sur la technologie mashup par ces nouveaux entrants. Différentes stratégies se dessinent sur le marché. La stratégie de prescription est mise en place par les éditeurs d’API pour répandre et diffuser librement leur contenu. Néanmoins, il est probable que l’on assiste à un glissement stratégique poussant des éditeurs comme Amazon ou eBay à protéger leur technologie mashup, celle-ci étant exploitée par de nouveaux entrants. La stratégie de coercition est appliquée par des acteurs comme l’IGN, qui ne souhaitent pas voir leur capital technologique détourné. La stratégie de séduction est déployée par des professionnels du marché des mashups qui tentent d’amener les entreprises de e-commerce à se servir de ce type de service. Nous citerons Critéo (www.criteo.com) qui développe des widgets personnalisés pour les blogrolls (blogrolls automatiques fondées sur la proximité de contenu entre deux blogs ou deux sites) permettant de créer de véritables réseaux d’affiliation pouvant être commercialisés. Quant aux entreprises, ces dernières, du fait de l’insuffisance de sécurisation de la technologie mashup, suivent, pour l’instant, dans leur grande majorité une stratégie de cantonnement.

Alors, les mashups symboles de l’esprit Web 2.0 fondé sur l’open-source et l’UGC, ou technologie destinée à être verrouillée et récupérée ?


Par Maria Mercanti-Guérin
Maître de conférences
Université d'Evry-Val-d'Essonne