Perpignan : le yoyo du champion.

Publié le 12 octobre 2009 par Lben

Chronique du lundi 12 octobre 2009.

Perpignan a perdu à Trévise. En soi, cela n’a rien de déshonorant, alors que les conditions climatiques étaient compliquées et que l’équipe Italienne a une bonne expérience européenne et surtout en voulait plus. Cela peut arriver à n’importe qui. Le problème c’est que cette défaite a lieu en Coupe d’Europe alors que les Catalans avaient affiché leur volonté d’y bien figurer et qu’elle marque un coup d’arrêt dans la progression du champion. Ca peut paraître surprenant alors que les Catalans ont plutôt dominé leur sujet en Top14 mais ça ne l’est finalement pas tant que ça en ce début de saison d’après le titre. Explications.

Un titre de champion de France ne se digère pas complètement :

Imaginez. 55 ans à attendre. Vous ne voudriez pas non plus que les Catalans fassent comme s’il ne s’était rien passé en juin dernier et que tout le monde se focalise sur la saison qui vient de démarrer en étant capable de se concentrer comme si rien n’était. Difficile de toute façon alors que, histoire de sortir le Bouclier, la ronde des cérémonies et autres inaugurations à la c… continue pour les joueurs Perpignanais, célébrés comme jamais. En effet, quand vous êtes champion de France, il est toujours très compliqué de se reconcentrer sur son rugby alors que le Graal vient d’être atteint. Et à Perpignan, alors que l’attente était énorme et que le poids des supporters dans le quotidien reste fort, ce sera encore plus vrai qu’ailleurs.

Les joueurs vont, tout au long de la saison, avoir du mal à être aussi affamé de victoires qu’ils ne l’étaient l’année précédente. Ils vont avoir tendance à se dire qu’une défaite, ce n’est finalement pas si grave, là où l’an passé, la frustration et surtout l’envie de mieux faire auraient été beaucoup plus fortes. Difficile de le leur reprocher. Ils ont atteint l’objectif ultime avec ce titre de champion de France. Comment le leur reprocher alors que la saison de rugby dure 10 mois et que le championnat va s’étaler à l’infini avec la possibilité de mettre un coup de collier début 2010 ? De toute façon, la saison des entraîneurs Catalans allait être compliquée. Entre la frustration de ne pas pouvoir tirer tout le potentiel d’un groupe qui, en passant le palier du titre, n’a maintenant plus de limite et l’obligation de se montrer répressif là où ils auraient envie de faire ami-ami, la saison 2009-2010 sera éprouvante pour Jacques Brunel et ses adjoints. Et ce d’autant plus qu’ils sont les seuls à pouvoir infléchir le cours des choses, à pouvoir  influer sur la capacité des joueurs a se remettre l’esprit au travail et seulement au travail. Entre discipline, coups de gueule et prises de décision symboliques tout ne s’annonce pas rose pour les sang et or…

Que faire pour retrouver l’excellence ?

L’avantage d’une défaite à Trévise, c’est qu’elle ne passe pas inaperçue là où la même contre-performance à Bourgoin ou Montpellier n’est interprétée que comme un incident de parcours facile à rattraper, vu le nombre de matchs.  Du coup, cette défaite peut permettre de faire un véritable état des lieux et de prendre quelques décisions importantes pour le reste de la saison. D’abord, il est important de retrouver de la sérénité à l’intérieur du groupe. Pour cela, les entraîneurs peuvent profiter de ce faux-pas pour mettre fin à la ronde des célébrations. Si vous tirez la sonnette d’alarme quand tout va bien, personne ne vous écoute. Par contre, si vous le faîtes après une défaite retentissante, vous avez plus de chances d’être écouté. C’est donc le bon moment pour ranger le Bouclier dans l’armoire à souvenir.

Ensuite, il s’agit de redonner aux joueurs le goût de la souffrance et de l’envie de tout gagner. A vrai dire, de ce côté-là, les joueurs ont plutôt répondu présent jusque-là. Il y a bien les défaites contre Montpellier et Bourgoin qui font désordre, du fait que ces clubs font plutôt partie de la 2ième partie du championnat, mais le niveau de jeu laisse penser que les joueurs s’investissent avec un niveau correct. Le problème, c’est que correct n’est pas suffisant pour réussir de grandes choses. Les Catalans doivent à nouveau avoir faim, faim de rugby et faim de victoires pour redevenir l’équipe capable, comme la saison dernière, de gagner les matchs dans les dernières minutes et surtout de tirer vers le haut leur niveau de jeu.

Bien sûr, Perpignan va réagir. Et ce, dès le week-end prochain, contre Northampton. Après l’explication de texte de ce début de semaine, les Catalans qui ont de la fierté vont se transcender pour battre les Anglais. C’est évident. Mais après ? Une victoire en elle-même ne suffira pas à assurer une belle saison aux Catalans. Pour cela, il doit y avoir un véritable contrat d’objectif passé entre les joueurs et leur encadrement. Un contrat où tout le monde s’engage à tout donner pour remplir les objectifs, à retrouver cette faim qui faisait leur force la saison dernière. Ca parait pas très sexy à regarder comme cela mais c’est le seul moyen pour les entraîneurs de reprendre le contrôle du groupe. Si le contrat d’objectif ne suffit pas en soi, il permet par contre de passer ensuite à une phase plus répressive s’il n’est pas rempli.

Les entraîneurs doivent garder le contrôle de leur équipe et tout tenter pour la rendre ou la garder performante. Dans le cas de Perpignan, si le contrat d’objectif ne suffit pas à assurer les résultats, il faudra que Jacques Brunel soit capable de se passer de certains joueurs cadres qui ne lui donnerait pas satisfaction pour les remplacer par des joueurs peut-être moins talentueux mais dont l’envie et la volonté de bien faire aideront l’équipe à se remettre dans le sens de la marche. Bien sûr il faut lui souhaiter de ne pas en arriver à cette extrémité car cela voudrait dire, pour lui, de punir certains joueurs qui lui ont apporté le plaisir ultime de ce premier titre de champion de France. Pas facile à faire et puis, en plus, cela serait la traduction d’un état d’esprit beaucoup plus délétère dans l’équipe, bien loin des joies partagées au début de l’été. Cela voudrait dire que la force collective que les joueurs avaient réussi à créer en fin de saison dernière est remplacée par une volonté individualiste de profiter de l’instant plutôt que de continuer à repousser les limites de l’équipe. Ce serait vraiment dommage si l’équipe de Perpignan en arrivait là car au vu de sa capacité de jeu entrevue, par instant, en ce début de saison, les joueurs ont vraiment les moyens, s’ils le désirent, de passer à nouveau  un cap cette saison et de poser les bases pour devenir l’équivalent du Stade Toulousain, au moins pour cette décennie…