La vérité sur les pré-collections

Publié le 13 octobre 2009 par Littlestylebox

Jalouse est un de mes magazines féminins préférés. Je l'apprécie autant pour les pages mode que pour leur sélection musicale pointue, même si leur über-coolitude permanente peut exaspérer certaines lectrices. J'ai donc été assez contente d'y voir dans le magazine du mois d'octobre un article de Théodora Aspart sur les précollections. Enfin un article qui parle avec profondeur et sagesse du fonctionnement de la mode !
Intitulé Y'a plus de saisons !, l'article décrit le principe des précollections, ces collections qui arrivent de plus en plus tôt en magasin, rompant le rythme des 2 collections par an. Théodora Aspart explique ainsi que ce phénomène est apparu depuis plusieurs années dans la plupart des maisons. Ces précollections correspondraient ainsi à un tiers du chiffre d'affaires des marques, voire plus de 60% pour certaines.


Mais pour qui connait le milieu de la mode, la réalité est quelque peu différente. Il y a toujours eu 2 collections pour chaque saison et cela depuis des temps immémoriaux !
En effet, les défilés Printemps-Eté en Octobre et Automne-Hiver en Février sont bien trop tard dans la saison pour permettre une livraison des produits dès la fin des soldes. Une collection est ainsi toujours scindée en 2 parties: la précollection et le défilé. Si je prends l'exemple d'une collection Printemps-Eté, la précollection Eté est achetée en juin et arrive en magasin fin décembre tandis que le défilé est acheté en octobre et arrivera en magasin entre février et mars. Il est juste impossible pour une grande maison de ne vivre que de son défilé: le nombre de référence est trop petit et les délais trop courts pour assurer la production. Une précollection est ainsi souvent constituée de pièces plus commerciales (le core business) et le défilé de pièces fortes pour l'image. Cela explique en grande partie ce que dit Liliane Jossua, acheteuse de Montaigne Market, citée par Théodora Aspart dans l'article: En termes de proportions, il m'est arrivé de constituer mon stock avec 65% de pièces issues de précollections, contre 35% prélevées dans les collections principales. Liliane Jossua parle ici bien de vraie précollection et non pas de Cruise ou de pré-Fall !! (ce serait tout bonnement absurde)
A noter, que cette proportion est très proche de la réalité: une marque dans ses propres boutiques ira même sur un mix 80% précollection contre 20% défilé. Un multimarque branché comme Montaigne Market, L'Eclaireur ou Maria Luisa achètera plus de défilé, mais pour autant gardera une part importante de précollection dans ses achats.
Donc, contrairement à ce que dit Théodora Aspart dans son article, les précollections ont donc toujours existé ! Mais ces présentations sont réservées uniquement aux acheteurs, ce qui explique que le grand public ne les connaisse pas.
En fait, ce dont parle Jalouse, ce sont les collections Croisière et pré-Fall. La collection Croisière est née aux Etats-Unis, car les Américains ont deux soucis aux périodes de Noël: ils partent en croisière dans les Caraïbes (et n'ont rien à se mettre sur le dos) et ils soldent beaucoup plus tôt que le reste de la planète. D'où l'idée d'une collection Eté qui arriverait très tôt dans la saison (mi-novembre) et qui permettrait de rebooster un peu les ventes avant Noel. La collection Croisière a un avantage important: sa durée de vie est beaucoup plus longue qu'une précollection été ou qu'un défilé. Elle a donc les meilleurs taux de revente ! Devant ce principe, certaines maisons ont poussé jusqu'à créer une croisière pour l'hiver: la collection pré-Fall. Au total, pour ces maisons, on ne parlera pas de 4 collections par an, mais bien de 6 !!
Pour revenir à l'article de Jalouse, la présentation de Phoebe Philo pour CELINE en juin dernier n'était pas une collection croisière, mais bien une précollection été ! Devant tant de confusions, le vocabulaire a désormais un peu évolué. Dans l'ordre des saisons, on parlera de Collection Cruise, Spring, Summer, Pré-Fall, Fall et Winter. Dommage en tout cas que cet article fort intéressant pour qui s'intéresse au business de la mode soit faux en grande partie !
Voilà, j'espère que je ne vous ai pas rendu encore plus dubitatifs qu'à la lecture de l'article de Jalouse :-)