Une inscription énigmatique dans l'amphithéâtre d'Arles (13)

Par Jean-Michel Mathonière

Un de nos visiteurs, Monsieur Franck Bouix, nous signale cette inscription énigmatique relevée dans l'amphithéâtre d'Arles (Bouches-du-Rhône).

© Photographie Franck Bouix, D.R.

A première vue, l'alphabet employé est l' « arcanum », mis à la mode à la Renaissance par les hermétistes et kabbalistes, mais bien plus connu encore à partir du XVIIIe siècle comme étant « le chiffre des francs-maçons ». Toutefois, outre le fait que les deux principales clés de cet alphabet (voir le Tuileur de Vuillaume en 1830) ne donnent rien de cohérent pour les deux premières lignes de l'inscription, la troisième ligne comporte deux signes qui ne figurent pas dans ce système cryptographique : celui du milieu, en forme de rectangle avec ses deux diagonales et deux points en marquant symétriquement le milieu, et celui de la fin, en forme de cercle ou, plus exactement, d'ovale.

Il semble probable, au vu des autres graffiti qui l'entourent, que cette inscription date seulement du XIXe siècle. Franck Bouix s'est posé la question, devant le fait que cette inscription a été soigneusement réalisée, s'il ne s'agirait pas d'une inscription compagnonnique, et c'est la raison pour laquelle il a pris contact avec le site.

Suite:

Si rien d'équivalent ne m'est connu dans un contexte spécifiquement compagnonnique, il n'est effectivement pas impossible qu'un Compagnon de passage par Arles, ville compagnonnique importante (par exemple, les Compagnons Étrangers tailleurs de pierre y possédaient une Chambre), ait pu faire un emprunt à la cryptographie maçonnique (mais avec une autre clé que celle en usage chez les Maçons) pour marquer son passage. De fait, le signe central de la troisième ligne peut évoquer, même s'il est différent, celui employé dans certains corps comme hiéroglyphe de la Réception, auquel cas cette dernière ligne pourrait être l'indication de la date de Réception (initiation), les deux premiers chiffres d'un côté du hiéroglyphe, les deux derniers de l'autre (le dernier étant alors, tout simplement, un zéro, chiffre inexistant dans le système de l'arcanum). À l'appui de l'hypothèse de la date, on notera que selon la clé dite « ancienne » (Vuillaume) de l'arcanum, le premier signe de la ligne, en forme de U, est justement le premier signe alphabétique du système, le A, ce qui lui vaudrait en équivalence numérique la valeur de 1 (la date aurait donc été indiquée selon l'ère « vulgaire » et non selon l'ère maçonnique, ce qui est au demeurant conforme aux usages du début du XIXe siècle). Reste cependant à déchiffrer de manière cohérente les deux autres « chiffres »…

La même piste de la date pour la troisième ligne peut concerner un franc-maçon, sans aucun rapport avec le compagnonnage, le signe central pouvant tout aussi bien évoquer la Loge maçonnique, justement représentée habituellement par un « rectangle long », auquel aurait été ajouté diagonales et points. On remarquera dans tous les cas que les systèmes cryptographiques et hiéroglyphiques ont été nombreux jusque dans les premières décennies du XVIIIe siècle, les rits maçonniques rivalisant d'ingéniosité pour se différencier les uns des autres de toutes les manières possibles et imaginables. Plus ésotérique que moi, tu meurs… (parole d'Hiram !)

Je reproduis ci-dessous les deux clés données par Vuillaume dans sa 2e édition de son Manuel maçonnique ou Tuileur des divers Rites de Maçonnerie pratiqués en France…, Paris, 1830, planche 26.

Les commentaires, suggestions et décryptages de nos visiteurs sont les bienvenus. Attention ! il n'y a rien à gagner… si ce n'est la considération générale.