Autisme fulgurant

Publié le 20 octobre 2009 par H16

Rien de tel qu’écouter les hommes politiques s’exprimer pour tomber sur des pépites. Pour celle-ci, c’est Copé, le stratège de Meaux, le tacticien du Brie qui coule, qui s’y colle avec bonheur et facilité. Le sujet ? L’intégration et la burqua. Le cadre ? Un habitué de la rubrique Pignouferies de Presse, Le Monde. Il n’en fallait pas plus pour un petit article synthétique…

Et c’est parti mon kiki pour une interview entre le président du groupe UMP à l’Assemblée et la fine fleur du journalisme d’analyse politique et du titillement neuronal par la face nord.

L’idée est d’en savoir un peu plus sur ce que pense notre aimable député multi-casquettes sur l’intégration, son patron président, le bouclier fiscal et, rapidement parce qu’on doit aller au golf là maintenant, la dette et la fiscalité.

Les questions s’enchaînent dans une atmosphère qu’on devine sans peine feutrée, respectueuse voire obséquieuse, et en quelques paragraphes rapidement troussés, les réponses sont notées et retranscrites telles quelles. Les journalistes, consciencieux scribouillards appelés un dimanche à pondre un articulet rasoir qu’ils espéraient cachés dans les méandres d’un journal peu lu, ont certainement un repas de famille à digérer, une soirée scrabble à boucler ou quelque autre activité plus ludique ; ils ne s’attarderont pas à chercher plus loin que les réponses formatées d’un Jean-François badin et tout détendu du sophisme.

C’est lorsque l’information est reprise et résumée par leurs confrères endormis d’une radio nationale que la juxtaposition des effarantes bêtises du tacticien député donne une dimension nouvelle à l’Intégration Vue Par La France d’En Haut Pleine De Bonnes Idées.

Je cite l’article, c’est stupéfiant :

« La burqa, ce sont des intégristes qui veulent tester la République… Si on ne fait rien, on va laisser se banaliser un phénomène qui est contraire à nos principes. » A propos de l’intégration, il affirme: « Il faut que l’on positive le fait d’être une population aussi diverse que l’est devenue la nôtre, qu’on le vive comme une chance. Que l’on arrête de vouloir faire croire à nos enfants que nos ancêtres étaient tous des Gaulois.« 

Oui, vous avez bien lu : la burqua, c’est mal, l’intégration, c’est chouette, faire croire à nos enfants que nos ancêtres étaient tous des Gaulois, c’est pas top, la population diverse, c’est chouki, mais il faut éviter de manger trop gras, trop sucré et trop salé sinon ça attaque les petites cellules grises. En gros.

Non mais, sérieusement, monsieur Copé, c’est quoi, cette attaque d’autisme fulgurante ? Vous vous êtes relus quand vous êtes sobre ?

Au moins, quand votre ami Borloo déclare dans son inimitable style vasouillard d’ébouriffantes conneries a-t-il l’excuse facile mais solide d’une alcoolémie défavorable à la conduite sans chauffeur ! Vous, manifestement, n’avez qu’un éventuel excès de caféine pour expliquer vos raisonnements consternants !

Soyons clairs : la droite et la gauche, dans cet ensemble musical cacophonique mais bien calé sur la même partition, ont depuis longtemps abandonné le terrain de l’analyse de fond sur l’intégration et l’immigration en générale pour le laisser en jachère, libre à la récupération du Front National trop heureux d’y trouver un terrain de jeu.

Le souci étant que, d’années en années, le terrain, au départ restreint, s’est étendu dans des proportions alarmantes au point d’englober maintenant bien plus que les clivages faciles entre les démocrates en carton des « partis traditionnels » et les nationalistes décriés des extrêmes.

Regardons en effet ce qui se passe, actuellement, sur ce sujet chatouilleux de l’intégration, de la burqua, de l’immigration et, de façon générale, de tous ces débats qu’on évite maintenant soigneusement pour montrer à l’électeur la face lisse d’une approbation et d’un consensus électoralement simple mais factuellement complètement bidon.

D’un côté, nous avons l’écrasante masse des démocrates Républicains de combat, dont manifestement, Copé veut faire partie. Ils prônent, en toute cohérence, à la fois l’obligation pour certains de ne pas arborer de signes ostentatoires d’une provenance différente et la nécessité pour les autochtones de s’adapter aux nouvelles cultures en leur faisant positiver cette différence qu’on entend pourtant gommer. C’est du béton.

Dans cette masse des thuriféraires de l’égalitarisme gommant et de la différence positive, on retrouvera aussi la nébuleuse d’associations de gauche (il n’y en a aucune à droite) qui défendent chacune leur petite communauté parmi celles qui sont officiellement autorisées à toucher des fonds publics.

On retrouvera les ligues bigarrées trans-bi-gay-lesbiennes et autres possibilités démonstratives d’une sexualité alternative, certaines associations féministes étonnamment couillues, les défenseurs des veuves de couleurs et des orphelins sans papiers à l’exclusion de tous les autres, bref toutes ces myriades de groupements plus ou moins hystériques, dont la démarche quotidienne vise à instaurer une société frémissante de ses différences assumées et portées fièrement en étendard tant qu’il s’agit de valeurs compatibles République Socialiste Populaire Française et Par Ici La Bonne Soupe Subventionnée.

En général, on nomme ce bloc le Camp Du Bien. Il s’agit des gentils démocrates républicains qui aiment le vote des gens quand ils sont contre tous les fascismes et l’argent (car l’argent, c’est mal), les discriminations (car discriminer, c’est mal) et adorent le consensus et la technique du Tous Ensemble, On Peut Y Arriver. En général, on entend « Youpi ! » à ce point de la présentation.

De l’autre, on retrouve dans le même sac à la fois les habituels tenants d’une société taillée au cordeau, où pas une tête (de préférence à la coupe de cheveux règlementaire) ne dépasse, et où chaque différence se devra d’être totalement et irrémédiablement oubliée dans un moule là encore Républicain (mais c’est pas le même, suivez, quoi), mélangés de façon quasi accidentelle avec les personnes qui n’en peuvent plus de compter les différences et ne savent plus exactement comment procéder pour ne pas froisser une communauté quelconque dont l’étude des dénominations et des spécificités relèguent l’entomologie au rang de passe-temps simpliste pour retraité gatouillard.

Ce bloc hétéroclite est généralement appelé le Camp du Mal. Ce sont des nazis et des fascistes, et ils sont tous méchants. S’ils vont à la messe, c’est parce qu’ils sont intégristes. S’ils ont une famille de trois enfants qui sont polis et blonds, c’est qu’il s’agit de triplés, qu’ils sont forcément bourgeois, payent l’ISF – ce qui est bien fait – et mériteront la tonte le jour où la France choisira enfin de tomber, pâmée, heureuse et satisfaite, dans les bras du Camp du Bien.

Pour le Camp du Bien, la route médiatique est tracée : puisque le Camp du Mal compte d’authentiques nazillons, tous ceux qui s’en rapprochent sont, rédhibitoirement, des nazillons. Et tant pis si, finalement, dans le camp du mal, s’élèvent des voix qui sont pourtant pleines de bon sens : de là où ils parlent, ils sont tachés, impropres, impurs, ni citoyens, ni festifs.

Ainsi, dénoncer le racisme lorsqu’il est le fait de gens de couleurs n’est pas dans les cordes de SOS Racisme. Eux ne s’occupent que d’un type de racisme : celui des méchants blancs (camp du mal) contre les gentils noirs ou maghrébins (camp du bien). Que la réalité ne s’accorde pas toujours avec cette vision manichéenne commode est sans importance : l’autre racisme n’existe pas !

Dénoncer les extrémismes politiques, digne des zeures les plus zombres de nôtristoire, c’est valable lorsqu’il s’agit de petit fachos de droite. On n’entendra en revanche aucune de ces effervescentes associations s’exprimer lorsque les débordements festifs proviennent … de petits fachos de gauche.

C’est très gênant.

Parce que de fil en aiguille, des déclarations affligeantes d’un Copé complètement à l’ouest en oublis commodes d’une réalité complexe, il n’existe bientôt plus aucune réponse politique concrète, architecturée et construite de façon cohérente, aux soubresauts de plus en plus violents d’un corps social français qui a de plus en plus de mal à intégrer quoi que ce soit de nouveau tant la sauce collectiviste rend l’ingéré irritant.

On en arrive à des épisodes tragi-comiques où, toujours dans la cohérence parfaite des démocrates d’opérettes, les automates de l’égalitarisme anti-discriminant positivant la différence dans le respect citoyen (et éco-conscient, bien sûr) se mettent à hurler dès que ceux qui en ont assez de se faire récupérer et rejeter d’un bord à l’autre de la sphère politique s’organisent pour clamer, eux aussi, leur différence en positivant leurs origines culturelles minoritaires de blancs chrétiens qui mangent de la choucroute.

Autrement dit, le droit à la différence, la liberté d’expression, c’est très bien, sauf quand c’est pour être différent de la mauvaise façon (i.e. s’affirmer autre chose que de gauche, laïc, et festif). En clair, s’il est parfaitement normal de faire une association « Touche pas à mon pote », il serait délicat de faire une association « Protégeons mon ami » si ce dernier s’appelle Jean, Edouard ou Tristan. Une association « Touche pas à ma messe » n’aurait probablement droit aux titres de presse que pour dénoncer l’assaut d’intégristes catholiques aux subventions républicaines…

A la relecture, je pense que ce billet fera polémique. Et puis il est encore trop long. Je devrai tenter le moins de 2000 mots, pour rire.

Mais est-il normal qu’un type aussi visible que Copé puisse sortir des absurdités pareilles sans qu’aucun journaliste ne le reprenne ? Est-il normal d’accumuler, dans un même interview, un plaidoyer à la fois pour un rejet d’une marque religieuse et une intégration des différences ? Est-il normal qu’on laisse ainsi de tels vides  intellectuels se développer et fournir des éléments solides pour un retour de bâton, dans les prochaines années, qui promet d’être violent ?

Je ne suis pas très optimiste.