Je ne serai jamais Henri Guaino

Publié le 21 octobre 2009 par Francisbf

Vous en êtes bien conscients, amis écologistes, ce blog est un blog responsable qui s'ingénie à recycler toute ce qui est possible. Dans cette optique, je me permets donc de vous présenter un article de commande, ou plus exactement un discours de commande. Je n'ai aucun scrupule à le mettre, parce qu'il n'a sans doute pas été lu, c'est une honte.

Pour ceux que ça intéresse, la commande était "on a besoin d'un discours pour présenter un concert avec deux musiciens, une pianiste et un flûtiste, ils jouent du Bach, Pergolesi, Glück, Mozart, Fievet, Classens, Fauré et Kriesler, faut que ce soit présenté avec humour et raffinement, tu nous fais ça pour bientôt, l'ambassadeur en a besoin". Et je ne suis pas homme à laisser les ambassadeurs dans l'embarras.

Quoique.

Enfin, le problème était que j'étais en train d'essayer de faire un article pour une semaine thématique sur un site où vous pouvez peut-être encore vous inscrire deux notes plus bas, semaine consacrée à l'érotisme absurde (j'ai pas réussi). Du coup, ça a influencé mon discours qui se voulait sérieux et sophistiqué. Tant pis, je vous l'inflige quand même.

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Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, chers amis,

Je voudrais tout d'abord vous remercier d'être venus en si grand nombre assister à ce concert organisé avec enthousiasme par [insérez ici le nom du responsable], que je remercie par la même occasion. (pause applaudissements)

La musique, comme un philosophe l'a sans doute dit quelque part à un moment ou à un autre, est ce qui distingue l'homme de l'animal. Certains argueront que ce n'est pas toujours pour le meilleur, rappelant Woody Allen et son célèbre « Quand j'entends du Wagner, ça me donne des envies d'envahir la Pologne », mais nous ne sommes pas ici pour faire du mauvais esprit. Nous dirons donc, comme le pensait cet hypothétique et fervent mélomane, que la musique est ce qui sépare l'homme de l'animal dans le bon sens, vers un esprit de partage qui ne saurait que le grandir.

Car oui, la musique, plus que tout autre art, est un art de partage. Partage entre les artistes que sont le compositeur, l'arrangeur, l'interprète, et bien sûr le public averti que vous êtes, vous, auditeurs à l'oeil brillant, à l'oreille attentive et au téléphone portable soigneusement configuré en mode veille.

Ce partage, nous allons le célébrer sous peu dans la joie. Comment pourrait-il en être autrement, quand tout récital est la célébration d'une union tout aussi profonde qu'un mariage consentant, et qu'en plus le couple d'aujourd'hui s'allie sous les auspices d'aussi dévoués et talentueux entremetteurs que sont Mozart, Glück, Fauré ou Bach (je passe les autres sous silence, non pour leur manquer de respect, mais bien pour vous laisser la surprise, d'autant que si vous êtes comme moi, leurs noms vous évoqueront plus des marques de voiture de luxe que les géniaux artistes qu'ils furent) ?

Ce soir, en effet, est consacrée l'union parfaite entre le piano, guidé par les mains sûres aux doigts agiles de [censurée] et la flûte animée par le souffle ardent de  [censuré], un duo admirable qui donnera à cette nuit de noces musicale le caractère impérissable que seul permet un long et charmant entraînement.

Loin de moi l'idée de décrier les charmes rudes des concerts philarmoniques, mais ils m'ont toujours paru trop proches de l'orgiaque pour me mettre tout à fait à l'aise, bousculé que je me sens par la frénésie qui emporte toujours une meute de plusieurs dizaines d'instruments, fussent-ils contrôlés par l'agile baguette d'un chef qui m'apparaît toujours trop petit et trop loin pour maîtriser quoi que ce soit. Je ressors toujours de ces démonstrations brutales avec la tête qui tourne et la démarche un peu flageolante, épuisé et quelque peu déboussolé, me demandant ce que j'étais venu faire là.

C'est pourquoi je préfère et préfererai toujours la délicate alchimie entre deux instruments maniés avec tendresse, et parmi tous les duos possibles, je préfererai toujours celui entre la profonde majesté tellurique du piano, avec ou sans queue, pondéré par l'agilité féline des trilles flottantes d'une flûte phallique, légère et aérienne. Les écouter se parler, se répondre, entremêler leurs voix pures m'emplit régulièrement d'un ravissement que je ne trouve nulle part ailleurs.

Mais je parle, je parle, je m'enflamme, je m'excite, et j'en oublie d'en venir aux faits. Mesdames et messieurs, veuillez accueillir chaleureusement les deux artistes qui ont accepté de s'exhiber devant vous ce soir malgré leur modestie.

Applaudissez donc [censurée] et [censuré], venus nous prouver que la musique assouplit les moeurs !

Hmmm ? Ha, on me signale dans l'oreillette qu'elle est censée les adoucir. Je... Je suis confus. Veuillez oublier ce que je viens de dire et brûler les éventuels enregistrements. Et place à la musique !

Gageons que nos deux virtuoses sauront nous donner un plaisir intense avec leurs instruments !

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