129ème semaine de Sarkofrance : les vraies polémiques

Publié le 24 octobre 2009 par Juan


Cette semaine, la 129ème depuis l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, les supporteurs du Président ont lancé une charge facile contre les médias et le Net. Il paraît qu'on ne parle pas des vrais sujets.
Immigration
Eric Besson pensait avoir trouvé la formule gagnante : jouer au naïf. Élève appliqué de son maître Nicolas, le traître-transfuge de Sarkofrance a expliqué dans les colonnes de Libération qu'il fait la même politique que Jean-Pierre Chévènement et Daniel Vaillant en leurs temps. Mais son "Sarko-mimétisme" est en train de le perdre. Peu apprécié à droite, détesté à gauche, Eric Besson souffre. Mardi, en catimini, à minuit à Roissy, 3 Afghans clandestins ont été expulsés par avion vers leur pays d'origine. Expulser des sans-papiers vers un pays en guerre ne pose aucun souci éthique à Eric Besson. Le Nord du pays est occupé, tant bien que mal, par une coalition internationale conduite par les Etats Unis, et le Sud est à feu et à sang. Mais Eric Besson a eu des "garanties". En fait, cette expulsion est également inefficace : ces 3 Afghans reviendront dès qu'ils le pourront. S'ils ne sont pas tués avant. Eric Besson a eu l'audace d'expliquer que ces Afghans étaient reconduits vers des zones "sécurisées" d'Afghanistan. Le pauvre ministre n'a même pas pris la peine de lire les consignes du Quai d'Orsay à l'égard des touristes français : "La rébellion a étendu ses actions en province dans de nombreux districts du sud et de l’est du pays ainsi que dans ceux limitrophes de Kaboul." Un scandale n'arrivant jamais seul, une autre affaire éclabousse le ministre : mercredi, une jeune Congolaise de 19 ans n'est jamais arrivée à son lycée technique : elle a été arrêtée et renvoyée directement au Congo. La Préfecture de Police de Paris explique qu'elle était "volontaire". Sa maman ne le savait pas, et n'a pas été prévenue. La jeune fille s'est précipitée au Consulat de France à Brazzaville pour demander son rapatriement.
Ces expulsions sont à la mesure de la politique d'immigration de Sarkofrance : indignes et inefficaces. Eric Besson a toutes les peines du monde à trouver suffisamment d'immigrés clandestins à expulser. Et le traitement de ces "éloignements" atteint un coût prohibitif. Qui peut raisonnablement croire qu'une demi-douzaine de milliers de sans-papiers pose problème à la cohésion nationale ?
Insécurité
Le bilan de Nicolas Sarkozy en matière de lutte contre l'insécurité est mauvais. Et ce depuis 2002. Il a fallu attendre quelques mois après l'élection de 2007 pour que la vérité éclate. Sarkozy, ministre de l'intérieur, peut remercier les constructeurs d'alarme car seules les atteintes aux bien diminuent réellement. Les violences aux personnes ne cessent d'augmenter, malgré la boulimie législative du ministre devenu président. Brice Hortefeux, aux manettes des polices du pays depuis peu, tente de faire son trou, mais il a dû reconnaître des "failles", jeudi soir sur France 2. L'ami de 30 ans du Président tente de répondre à chaque fait divers par un nouveau gadget. Il s'est ainsi saisi du prétexte de dérapages violents de quelques marginaux lors d'une manifestation contre un transfert de prisonniers il y a 10 jours à Poitiers pour faire publier deux décrets, dimanche dernier. Deux fichiers issus du controversé "Edvige" furent ainsi créés un dimanche d'octobre, sans débat ni explication. Certains députés, y compris à droite, sont furieux. La Commission des Lois de l'Assemblée venait d'adopter un texte à l'unanimité prévoyant que les fichiers de police ne pourraient être créés "que par la loi". Hortefeux leur grille la politesse.
Mercredi, le ministre s'est aussi permis de porter plainte contre un avocat, pour "injure envers la police". L'avocat ne nie pas sa déclaration, mais rappelle qu'elle n'était qu'une "boutade" prononcée dans un cercle privé. Qu'un ministre responsable, il y a un mois, d'une plaisanterie publique jugée raciste s'attaque à ainsi à la blague douteuse d'un avocat a quelque chose de tristement cocasse.
Fiscalité
Jeudi, le gouvernement et les députés UMP sont parvenus à un accord sur la taxe professionnelle. Le gouvernement a dû lâcher de belles concessions au Medef: l'UMP a accepté d'exonérer les entreprises réalisant moins de 500.000 euros de chiffre d'affaires des "contributions" de remplacement.
Les discussions furent houleuses, et ce n'est pas fini. La politique fiscale du gouvernement fait débat. Plus nombreux sont les parlementaires de droite à fustiger les choix inconséquents du gouvernement. Sarkozy s'accorche à son symbole, le bouclier fiscal. Tels des lapins Duracel, ses proches répètent à l'envie qu'on ne devrait pas être taxé pour plus de 50% de ses revenus du travail. Sauf que l'argument est faux. Le taux marginal de l'impôt sur les revenus du travail n'excède pas 40%. Le bouclier fiscal n'est là que pour protéger les rentiers. Autre sujet, la commission des finances de l'Assemblée a proposé une surtaxation des profits bancaires de 10%. La mesure rapporterait 2 milliards d'euros. Vendredi, l'amendement a été adopté... par erreur. Le gouvernement est contre, mais un député-godillot, Jean-François Lamour, s'est trompé de bouton pour voter ! Savez vous seulement quel est le taux réel d'imposition des grandes banques françaises ? Autour de 15%... bien loin des 33% du taux normal de l'impôt sur les sociétés, grâce à tous ces paradis et autres niches fiscales qui allègent la facture de solidarité.
Plus discrètes ont été les tentatives de Christine Lagarde pour faire adapter la réglementation française à la finance islamique. L'argent n'a pas d'odeur, ni de voile.

JusticeLe procès Clearstream est terminé. Comme l'a constaté Dominique de Villepin, il a bel et bien été "accroché à un croc de boucher", comme l'avait promis Nicolas Sarkozy dès 2004. Mardi, le parquet, c'est-à-dire le ministère public, a requis 18 mois de prison avec sursis contre l'ancien premier ministre, pour "silence coupable". Un motif que la (rare) jurisprudence retient habituellement pour des troubles de voisinage... L'un des avocats de Villepin a expliqué mercredi que, pour Sarkozy, "le mobile suffit en soi, c'est la preuve de la culpabilité. C'est un dossier qu'on a construit à rebours, en partant du mobile." Un mois d'audiences a certainement montré que Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy savaient que les listings étaient trafiqués. On a même eu la confirmation que des proches de Sarkozy ont approché Imad Lahoud, aujourd'hui accusé d'avoir trafiquer les listings.
Deux poids, deux mesures : l'affaire du Karachigate ne suscite bizarrement pas le même emballement médiatique. Le pouvoir tente de contenir l'affaire. Il a fallu trois mois pour lever le secret défense, et découvrir, par l'intermédiaire des juges, que les deux pistes évoquées au printemps dernier n'étaient pas si grotesques que cela : l'attentat qui a coûté la vie à 11 ingénieurs français en mai 2002 pourrait avoir été organisé par des militaires pakistanais, mécontents de n'avoir pas touché l'intégralité de leurs commissions corruptives versées en marge de l'achat de 3 sous-marins Français au gouvernement Balladur. Et le soupçon de rétrocommissions en faveurs de politiques français fait à nouveau surface.
Éthique
Lundi, Frédéric Lefebvre a sonné la charge contre les médias. Sans complexe, le porte-flingue de Sarkofrance a fustigé une pseudo-tentative collective de déstabilisation contre le chef de l'Etat. C'était le dernier contre-feu trouvé par les communicants de l'Elysée pour éteindre la polémique née de la nomination annoncée du Prince Jean à la tête de l'EPAD. Depuis 10 jours, trois conseillers du Président, Patrick Buisson, Christophe Lambert et Franck Louvrier, préparent les "éléments de langage" que les ministres de Sarkofrance et les responsables de l'UMP doivent régurgiter en public pour défendre le Prince Jean. Ces gars ne mesurent pas le ridicule de leur situation. Grâce au Net, et quelques médias encore indépendants, ces arguments pré-mâchés sont repris, compilés, et raillés en boucle. Bertrand, Copé, Lagarde, Lefebvre, Darcos, Kouchner et consorts paraissent tels des clones mimétiques de la parole du Monarque élyséen. La Présidence n'a pas mesuré combien cette minable affaire de népotisme allait faire des dégâts jusque dans les rangs de l'électorat UMPiste. Frédéric Lefebvre aurait dû critiquer les milliers de sympathisants de droite et/ou lecteurs du Figaro qui se sont lâchés contre l'affaire. Lefebvre aurait également dû critiquer la presse internationale. Si, à l'instar de son monarque, il ne sait pas lire l'anglais, qu'il feuillette Courrier International : "Avec Sarkozy, tout est vraiment possible" raille un quotidien canadien. Un journaliste colombien compare Sarkozy au président Uribe. Le Corriere della Sera compare Jean Sarkozy à Karim Wade, le fils du président sénégalais, Ali Bongo, le fiston du dictateur gabonais Omar, et Joseph Kabila, fils de Laurent Désiré au Congo. A l'étranger, on parle ploutocratie, dynastie, népotisme, et "prince sans rire".
Mercredi, Papa Nicolas et Fiston Jean se sont retrouvés à l'Elysée. Le monarque s'inquiète. Buisson lui explique que les intentions de vote en faveur du Front National remontent. Jeudi soir, le fiston annonce sur France 2 qu'il abandonne. Il se prend presque pour Guy Mocquet. Ce n'est que partie remise. Papa Nicolas le félicite dès le lendemain sur sa page Facebook. L'affaire est-elle close ?
Bouclier électoral
Le gouvernement est resté discret : l’un des progrès démocratiques de la réforme constitutionnelle de juillet 2008 ne verra pas le jour pour le moment. Mardi 20 octobre, 259 députés UMP et Nouveau Centre ont rejeté une proposition socialiste qui déclarait urgente « la mise en œuvre de la réforme de l’article 11 de la Constitution par l’adoption des dispositions organiques sans lesquelles cette réforme resterait sans objet. » Dans le camp sarkozyen, l’intervention du président devant le parlement réunie en Congrès, une autre des modifications constitutionnelles adoptées en juillet 2008, était urgente. L’organisation de référendum sous la double initiative parlementaire et populaire ne l’est pas. Deux poids, deux mesures.
Mardi 20 octobre, l’Assemblée a également examiné le projet de redécoupage des circonscriptions électorales, concocté par Alain Marleix ; et Nicolas Sarkozy a présenté sa réforme des collectivités territoriales. Deux projets qui consolident le parti majoritaire. Le premier, on l’a déjà écrit et commenté, se fait principalement aux détriments de circonscriptions aujourd’hui à gauche. Bizarrement, le critère démographique semble oublié, puisque, « sur l’ensemble du territoire métropolitain, les moyennes départementales varient du simple au double » comme le rappelait le député communiste Jean-Paul Lecoq. Même à droite, certains grincent, comme le député Nouveau Centre Yvan Lachaud, qui regrette que « le Gouvernement a donc ponctuellement fait le choix de s’écarter des propositions de la commission Guéna ».
Le second projet remet en cause une partie de la décentralisation, sous prétexte d’une simplification des structures qui reste somme toute marginale. La réforme comporte trois points : les régions et les départements demeurent, mais le cumul des mandats est institutionnalisé. Un même conseiller, dénommé « territorial » siègera aux deux niveaux. Le mode de scrutin retenu, uninominal à un tour (sauf pour 20% des sièges, calculés à l’échelon national), garantira au parti parvenu en tête de rafler la mise. Du jamais vu dans notre démocratie depuis plus de 30 ans.
Immigration, fiscalité, démocratie, insécurité ou justice, les vrais sujets ne manquent pas.
Ami Sarkozyste, où es-tu ?