Moi, Philippe S., Commentateur Qui Commente [*]

Publié le 24 octobre 2009 par Sagephilippe @philippesage


C’est tout de même formidable, ça, mâhâme Ferrari ? Non mais attendez ! Pour quoi croyez-vous que j’sois né ? Pour rester le clavier ballant et ne piper mot alors que, dans le même temps, des Chatel, des Bertrand ou des Lefebvre, commentent – et faut voir, comment, m’sieur Pujadas – les commentateurs-qui-commentent ?
Mais enfin, que dirait-on de moi, si j’prenais le parti de ne rien dire ? Que dirait-on de moi, si je n’faisais pas mon travail, celui de commentateur-qui-commente ? Croyez-vous que ma mère m’aurait porté neuf longs mois - dans son ventre ! - pour donner vie à un commentateur-qui-ne-commenterait-pas ?
Je n’ai pas, Laurence Ferrari, été mis au monde pour me taire !
Mes parents, David Pujadas, m’ont donné une mission que je compte bien mener à son terme ! Et ce n’est pas parce que je suis à mi-mandat de mon existence que j’vais, comme d’autres, comme beaucoup, renoncer à commenter-les-hommes-qui-agissent !
Pourquoi, et au nom de quoi, le ferais-je ?
Pour aller jouer aux boules ?
Que les choses soient bien claires, mâhâme Ferrari, je n’ai rien contre ceux-qui-jouent-aux-boules. Je les respecte. Profondément. Ils font un travail formidable ! Mais enfin, quel homme je serais si, plutôt que de dire – et je ne suis pas le seul - qu’à 23 ans, sans aucun diplôme, aucune qualification, on ne peut prétendre à un poste aussi lourd de responsabilités que celui de président de l’Epad, j’allais sur la place du marché, faire un carreau ou pointer ?
Croyez-vous que ça m’fasse plaisir de constater que, sur le sujet que j’viens d’évoquer, la France est la risée du monde, comme j’ai pu le lire chez les commentateurs-qui-commentent de la presse internationale ?
Monsieur Lefebvre, qui fait son travail d’opposant aux commentateurs-qui-commentent, a-t-il dit, ne serait-ce qu’une seule fois, que la presse internationale cherchait à “détruire” l’homme-qui-agit ? A-t-il accusé les commentateurs-qui-commentent de la presse internationale de faire partie d’un “monde politico-médiatique” dont le seul but – le seul but, David Pujadas ! - serait d’abîmer l’homme-qui-agit ?
Et pourquoi ne l’a-t-il pas fait ?
Parce qu’il est mon fils ou celui d’un commentateur-qui-commente ?
Vous savez bien que non !
Mais j’vais vous dire autre chose, Laurence Ferrari : estimeriez-vous normal que, dans une République irréprochable, un commentateur-qui-commente se taise quand on crée deux nouveaux fichiers de police – deux d’un coup, m’sieur Pujadas, deux d’un coup ! Et à la veille d’une législative partielle ! – sans passer par le Parlement ?
Estimeriez-vous normal qu’aucun commentateur-qui-commente ne rappelle à l’homme-qui-agit qu’il n’a pas été élu pour légiférer par décret mais pour donner plus de pouvoir au Parlement ? N’est-ce pas le devoir du commentateur-qui-commente que de le lui rappeler ? Comme, n’est-ce pas son devoir de lui rappeler qu’il a fait le serment, le 6 mai 2007, d’être du côté des opprimés, de ceux qui souffrent, quand il renvoie dans un pays en guerre, trois afghans, au beau milieu de la nuit ?
Croyez-vous que nous sortirons de l’hypocrisie en opposant à l’homme-qui-agit-par-décret-et-au-beau-milieu-de-la-nuit, un silence poli ?
Si l’homme-qui-agit a des droits et des devoirs, nous n’en avons pas plus, ni moins que lui, David Pujadas.
A travers cette polémique d’un soit-disant “monde-politico-médiatique” cherchant, paraît-il, à “déstabiliser” l’homme-qui-agit, franchement, qui est visé ?
Je vais vous le dire, David Pujadas. Ce n’est pas homme-qui-agit ! Ce n’est pas non plus le-fils-de-l’homme-qui-agit ! C’est le fils-de-Craô que je suis, que nous sommes tous, nous les commentateurs-assis-qui-marchons-debout-et-faisons-preuve-d’action-civique-en-commentant-l’homme-qui-agit !
Je n’ai pas, en démocratie, à avoir honte d’être un commentateur-qui-commente, mâhâme Ferrari.
Je n’ai pas, David Pujadas, à m’excuser d’être ce que je suis.
Et ni moi, ni tous les autres commentateurs-qui-commentent ne se reconnaissent dans les commentaires qui sont faits, à notre égard, par les hommes-qui-agissent-et-qui-commentent-les-commentateurs-qui-commentent.
Encore une fois, Laurence Ferrari, nous n’avons pas été mis au monde pour nous taire. Et nous n’nous tairons pas. Nous continuerons à commenter, parce que c’est, à la fois, nécessaire et indispensable à toute démocratie digne de ce nom ; et nous le ferons, David Pujadas, sans aucun tabou et en toute transparence.
Je le dis, solennellement, aux hommes-qui-agissent : nous ne céderons pas un millimètre, nous n’éluderons pas nos responsabilités. Car si nous l’faisions, qui défendrait alors cette belle idée à laquelle nous tenons toutes et tous : celle d’une démocratie réelle ou chacun, Laurence Ferrari, et chacune, David Pujadas, ne se trouvent être ni au dessus de l’homme-qui-agit, mais ni en dessous non plus ?
Dans une démocratie, il faut des hommes-qui-agissent, des commentateurs-qui-commentent-les-hommes-qui-agissent, des hommes-qui-agissent-commentant-les-commentateurs-qui-commentent-les-hommes-qui-agissent, des hommes-qui-jouent-aux-boules-sur-la-place-du-marché, des judokas-qui-font-du-parachute-dans-une-circonscription-UMP-où-même-un-âne-serait-élu et des hommes-qui-agissent-et-se-réjouissent-que-l’âne-fasse-"Hi-Han" !
C’est cela la démocratie, mâhâme Ferrari !
Maintenant, si certains n’en veulent plus, de cette démocratie, de ce modèle français, qu’ils nous le disent franchement, et nous nous f’rons un plaisir, par des commentaires - oui, David Pujadas, par des commentaires ! - d’expliquer aux français ce que cela signifie.
J’ajoute, Laurence Ferrari, que dans un pays où la liberté de la presse est passée en sept ans – en sept ans ! - de 2002 à 2009, du 11ème au 43ème rang, il ne me semble pas que ce soit une attitude responsable de la part d’un homme-qui-agit de désigner comme coupables, comme présumés responsables, les commentateurs-qui-commentent de la baisse constante de sa côte de popularité auprès de l’opinion, y compris au sein de sa propre majorité, à tel point qu’elle en vient à voter des lois, soit-disant, par erreur ?
Voter une loi par erreur ! C’est tout de même formidable, ça, mâhâme Ferrari !
Croyez-vous que ce soit le fait d’un complot “politico-médiatique” dont nous serions les ourdisseurs ?
Ou, est-ce que certains députés de la majorité, n’auraient pas, comme nous, les commentateurs-qui-commentent, plus la moindre envie de se taire, se rendant compte qu’ils n’ont pas été élus, ni mis au monde, pour flatter, chaque jour, l’homme-qui-agit ?
Non, David Pujadas, ne comptez pas sur moi, pour ajouter, à cette évidente fronde de la majorité, un commentaire quel qu’il soit.
Quand bien même préférerais-je, au nom de la démocratie et de la liberté d’opinion, un excès de commentaires, fussent-ils caricaturaux, à pas de commentaires du tout.
[*] Billet écrit sur le ton de l’acteur qui, lui, agit …