De La Soul Is Dead…

Publié le 19 octobre 2009 par Lifestylemagazine

DE LA SOUL « 3 feet high and risin’ », premier effort du trio de Long Island, sorti en 1989, avait bousculé les codes du rap et lancé une nouvelle ère: le D.A.I.S.Y age (ère de la marguerite). Les trois « gus » affichaient alors fièrement de grosses fleurs sur la pochette du disque, s’habillaient en chemises à motifs colorés, arboraient des colliers Peace & Love, n’hésitaient pas à sampler une leçon de français destinée aux étudiants américains dans l’un de leurs titres… bref donnaient un grand bol d’air frais à la musique rap qui commençait déjà à s’égarer dans des stéréotypes bas de gamme. A la sortie de ce premier opus, les avis furent plutôt contrastés, une opinion les réunissant toutes: ce n’était pas du rap « classique ». Certains se demandaient même si c’était du rap… Pour régler le problème, on parla de « hip hop hippie », de « rap psychédélique » voire de « hip pop » et les trois rappeurs commencèrent à sentir enfermés dans une image qu’ils ne revendiquaient pas.

Deux ans plus tard, De la Soul décida de mettre les choses au point, de la plus belle des façons, par le biais d’un album au titre évocateur: « De la Soul is dead ».

Dès la pochette du disque, le ton est donné. Le rêve est mort, adieu les grosses fleurs flashys, à la place un banal pot de marguerites brisé. Le message est clair: que le D.A.I.S.Y age repose en paix. Pour autant, il n’y a pas réellement de rupture dans la musique même du groupe, tous les ingrédients faisant le charme du premier album étant de nouveau réunis: prise de risque musical, paroles loufoques, sens de la dérision,… Certes sur quelques titres, telle que le mélancolique et sublime « Millie pulled a pistol on Santa », le propos se fait plus grave, le thème abordé étant l’inceste. Cependant, fidèles à leur éthique, les De la Soul ne lancent pas une déclaration de guerre aux critiques ou à la communauté hip hop, préférant faire un simple pied de nez aux esprits trop étroits qui n’avaient pas compris leurs intentions. Ainsi, la mort musical du groupe devient un bon prétexte pour délirer.

Musicalement, ça swingue hardcore. L’assemblage des samples est parfaitement réussi, tout comme le choix de ces derniers. L’homme aux manettes de l’album se nomme Paul Huston, aka Prince Paul. Architecte sonore génial, expert en détournement de sons, il éclabousse l’album de ses talents de beatmaker et de DJ. L’écrivain américain Alvin Toffler disait qu’ « un bon collage est quelque chose de nouveau, même si ses éléments ne le sont pas ». C’est tout à fait ce qu’on ressent à l’écoute de la musique de De la Soul, fabriquée à base de samples. On est loin du copier/coller de Police par Puff Daddy ou du pompage facile du « Move on up » de Curtis Mayfield par Kanye West. Le maestro Prince Paul télescope les samples de façon subtile pour aboutir à un résultat absolument neuf et riche musicalement. Les breaks sont monstrueux et façonnent des morceaux à la structure complexe. Le titre « Bitties in the BK lounge » est ainsi divisé en trois parties. Cet album fait partie de ceux qui ont donné au sampling ses lettres de noblesse, faisant taire, pour reprendre la formule de Kool Shen, « les critiques comme quoi le sample serait le sida de la musique ». S’éloignant du vivier « soul » traditionnel, De la Soul est allé puisé dans le répertoire musical d’artistes tels que les Doors, Tom Waits, Aerosmith ou encore Serge Gainsbourg. Les différents horizons musicaux explorés confèrent un son propre au trio, résidant dans une synthèse réussie entre un son strictement hip hop et des incursions dans des styles tels que la house (« Kicked out the house ») ou le hard rock (« Who do U workship »).

Décomplexé, drôle, furieusement funky, étonnamment moderne pour un album de 1991, « De la Soul is dead » est loin de marquer le décès du combo de Long Island. Au contraire, le disque participa activement à la naissance de toute une frange du hip hop qualifiée d’alternative, bric à brac réunissant des artistes rap tels que les Roots, Deltron ou encore MF Doom, soucieux de s’écarter des contraintes du rap « classique ». De la naissance à la mort, la route est décidément bien courte.