Convergence, confluence, condoléances

Publié le 25 octobre 2009 par Eric Viennot
La convergence n'a jamais été autant à la mode. La raison en est simple : les différents acteurs de l’entertainment traversent tous une période de remise en question qui les forcent, chacun à leur manière, à envisager des formats transversaux. Prenons tout d’abord, le monde de la télévision. Bouleversé par Internet, les modèles économiques télévisuels classiques, basés sur les recettes publicitaires, sont en plein déclin, chute d’audience oblige. De nouveaux usages ont remis en question ces modèles classiques : VOD, multiplication des chaines, P2P… Ils sont bien forcés d’imaginer de nouveaux concepts. A la question comment voyez-vous l’avenir des séries américaines, Mathew Fox, héros de la série Lost, a répondu : « le futur des séries est certainement dans les supports multimédia multiples et aujourd’hui l'hégémonie des grand networks est terminée ». Pas con le Jack ! (ou alors il a été bien briefé par J.J Abrams ?). Que rajouter de plus ? Les producteurs de télé jouent là leur survie. Convergence ! Convergence !

De leur côté, les producteurs de musique, pressés par la dématérialisation du support et par le piratage, sont eux aussi contraints de renouveler complètement leur modèle économique, en tentant d’imaginer de nouveaux business models : groupes virtuels multimédia (Gorillaz), labels communautaires sérieux (MyMajorCompany) ou ludiques (Black Mamba Nation), partenariats avec des jeux musicaux (Guitar Hero, Singstar, Rock Band...). L'édition musicale n'a pas d'autres choix que de se remettre en question, sinon... Condoléances... Heu... convergence !

Les éditeurs de jeux vidéo, enfin, ne sont pas épargnés par le doute et la nécessité de trouver des modèles économiques plus rentables. (Voir un précédent billet). Pour amortir des coûts de production et de marketing de plus en plus pharaoniques, ils ont besoin, plus que jamais, d’élargir le périmètre de leurs marques en les déclinant en BD, en télévision ou en cinéma. Après avoir racheté le studio canadien Hybride Technologies, reconnu pour son savoir-faire en matière d'effets spéciaux cinéma, Ubisoft a annoncé il y a quelques mois son intention de créer un label dédié la la bande-dessinée. Les autres ne sont pas en reste. Electronic Arts, par exemple, a créé autour de son jeu Dead Space un environnement cross-média riche et créatif, décliné sur différentes consoles, mais aussi en film d'animation et en comics.


Convergence ? Non confluence, comme dirait plutôt Yves Guillemot, PDG d'Ubisoft.

Force est donc de constater que tous ces gens qui s’ignoraient voilà une dizaine d’années sont contraints aujourd’hui de tenter de se rapprocher, à défaut de travailler ensemble.
Or, dans les faits, on voit peu de projets réellement transmédia. S’ils prennent le cross-média de plus en plus en compte, afin d’élargir au maximum la diffusion de leurs marques, les producteurs de contenus perçoivent la convergence comme un ensemble de médias juxtaposés, dans lesquels, la plupart du temps, l’interactivité est cruellement absente. Aucun effort n’est fait pour créer, grâce aux nouveaux médias, des mécaniques narratives nouvelles, comme celles que nous avons vues apparaître ces dernières années dans les ARG, (alternate reality games) ou dans des jeux vidéo qui s’y apparentent comme Majestic ou In Memoriam.

Quand ils viennent de l’univers de la télévision, du cinéma ou du livre, les auteurs ont effectivement du mal à penser l’interactivité. Parce qu’il se situe à l’encontre de leur culture, ils voient plutôt arriver avec angoisse ce « pouvoir donné désormais à celui qui regarde sur ce qu’il regarde », selon l’expression entendue récemment dans la bouche d’un producteur de cinéma.

De leur côté, les créateurs de jeux vidéo restent souvent cantonnés à leur domaine. Si l’on voit de plus en plus de jeux vidéo adaptés en films, ceux-ci sont pensés la plupart du temps comme de simples produits dérivés. Il faut dire que les techniques de représentation 3D, majoritaires aujourd’hui dans le jeu vidéo, sont peu compatibles avec la vidéo et le film. A ce sujet, on suivra avec intérêt la sortie en novembre des courts métrages créés par Ubisoft autour du jeu Assassin’s Screed.

Résultat : on parle beaucoup de convergence, tout le monde a l’intuition que ça vient et que c’est l’avenir, mais on ne voit pas trop à quoi ça pourrait aboutir et par quel bout prendre le problème.

A suivre...

Illustrations : 1/ Making off du film Assassin's Screed Lineage 2/ ARG Lost, 3/ Couvertures Comics Dead Space.