Qu’Est-Ce Que Tu Viens M’Emmerder Avec Ton Identité Nationale ?

Publié le 28 octobre 2009 par Sagephilippe @philippesage

Avant d’être français, de chair et de sang, je suis. Fait et refait.
Et cette chair, et ce sang, n’appartiennent à aucune patrie, n’obéissent à aucun drapeau, ils sont miens, pour toujours, à jamais. Ils sont ma seule et unique propriété, et je revendique le droit d’en user comme bon me semble.
Mon identité, c’est mon sang, c’est ma chair, et tu ne peux rien y changer.
Tu ne peux rien y faire.
Avant d’être français, je suis fils, frère, cousin et oncle de.
Avant d’être français, je suis aimant, amant, compagnon de.
Et fier de l’être.
C’est ainsi que je suis, c’est ainsi que je vis, et tu ne peux rien y changer.
Tu ne peux rien y faire.
Je ne suis ni le fils d’un drapeau, pas plus que je le suis d’une nation ou d’un hymne.
Je ne suis pas rejeton de Charlemagne ou de Napoléon, mais de Verlaine et Rimbaud.
Je préfère me nourrir de Villon ou de La Boétie, que de Besson ou de Sarkozy.
Et si je dois mourir que ce soit sous la plume d’un Hugo plutôt que sous celle d’un Guaino !
Je ne suis pas et ne serais jamais le posthume héros de vos guerres et de vos carnages, ce temps-là est révolu, et d’ailleurs, si, comme je l’entends, vous avez tant l’amour de votre patrie, alors crénom de Dieu, montrez l’exemple, pour une fois ! En Afghanistan, donnez votre sang ! En Somalie, donnez votre vie ! Plutôt que de sacrifier, toujours, celui et celle des autres ! Donnez-lui vos propres fils, plutôt que les nôtres ! A nous l’Epad, à vous le front ! Allons quoi ! Vous l’aimez donc ou pas, votre patrie ? Eh bien, dans ce cas, vous dis-je, montrez l’exemple ! Que ce ne soit pas, toujours et encore, aux pauvres et autres miséreux d’engraisser votre République par la chair et le sang !
Puisqu’elle ne sera jamais, votre République, celle de l’égalité des chances – ô la belle foutaise ! La terrible enculerie ! – osons celle, moins chimérique, de l’égalité des risques ! Partageons-les au nom de la patrie et de l’amour de la nation ! Au nom du “vivre ensemble” ! Mais n’oubliez jamais que dans “vivre ensemble” il y a, avant tout : vivre !
Je vis et suis fait de chair et de sang, ensuite de quoi, peut-être, oui, je suis français.
Je n’ai pas honte de l’être, mais je n’en suis pas fier non plus ! Pourquoi, et pour quoi faire, serais-je fier d’être français ? Je pourrais, pourquoi pas, être fier d’avoir accompli ceci ou cela, oui, même ce peu-là, mais être fier d’être français .. Franchement, entre nous, n’est-ce pas un tantinet incongru ? Psychanalytiquement préoccupant ? Oh bien sûr, je l’avoue, j’eus comme une érection vaguement patriotique quand, et pour la première fois, l’équipe de France, celle de football, remportait en 1984, son premier titre ! Mais quand l’autre équipe, celle de Sarkozy, refile des Rafales aux brésiliens, ma foi, dois-je, la queue basse, faire acte de contrition tant, oui, je le confesse, je ne sens, là, aucunement vibrer une quelconque fibre nationale ?
Et si tu évoques ou me parles de République, je t’énumère, derechef, les noms de celles et ceux qui sont morts pour elle. Encore une fois, ce ne sont pas tes fils. Et pourtant, tu oses, toi, nous demander, à nous, ce que c’est d’être français et la fierté de l’être ? Toi qui refuses toujours, obstinément, de payer dignement ceux, sénégalais, kabyles ou marocains, qui se sont battus pour la France, notre pays ?
Non, je ne suis pas fier d’être français, je suis né français. Mais si d’aventure - et j’en suis fort marri - je devais en avoir honte, c’est à toi que je le devrais. Toi qui récite Pétain. Qui Lepénise nos fils et nos compagnes. Qui insulte et maltraite la Terre qui m’a vu naître. Cette Terre que j’aime, malgré tout, malgré toi.
Et si tu me parles de Moulin ou de ses ancêtres, je te répondrais, Joffrin, qu’ils ne sont pas morts pour la France, ou pour une je-ne-sais-quelle identité nationale, non, ils sont morts pour la liberté ! Et la liberté, par définition, n’a pas de nation, de patrie ou de drapeau !
La liberté, c’est un chant.
Un hymne, sa prison.
Avant d’être français, je suis libre. Libre de choisir mes liens, mes contraintes et mon fardeau.
Libre, entends-tu ?
Je suis libre et de l’être, je ris. Je suis librairie. Camus, Villon, La Boétie.
Et si tu me dis que cette liberté, je la dois, entre autres, à Moulin, ses ancêtres, j’en conviens. Mais puisqu’ils sont morts moins pour l’idée d’une nation que pour sauver la liberté, qu’est-ce que tu viens m’emmerder avec ta prison d’identité nationale ?
Ce n’est pas la nation qui fait l’identité, ni nos identités qui font une nation.
Et nous ne sommes pas plus français que nous n’étions, hier, tous des américains ou des juifs allemands.
Nous sommes, identitairement, au delà les nations. Et fiers de l’être.
Avant d’être d’une nation, je suis un être humain.
Or donc, voilà LA question, la seule qui vaille :
Qu’est-ce que c’est, être humain, aujourd’hui ?