(Mini-série UK) The Project (Les Années Tony Blair) : l'histoire d'une désillusion

Publié le 05 novembre 2009 par Myteleisrich @myteleisrich

The Project (Les Années Tony Blair) est un drama en deux parties, durant au total 4 heures, créé par le toujours très inspiré Peter Kosminsky. Jamais sorti en DVD, il a été diffusé sur la BBC en 2002, puis, en France, sur Arte, pour la première fois en septembre 2003. Porté par un casting solide, à commencer par l'excellent Matthew Macfadyen (Spooks, Little Dorrit...), on y retrouve également Naomie Harris, Paloma Baeza...

Ce drama constitue un modèle de fiction politique qui amène le téléspectateur à réfléchir sur le fonctionnement de nos démocraties modernes. et sur la gestion du pouvoir. Mais il fait, de plus, office de quasi-documentaire : c'est la lente métamorphose du Parti Travailliste (Labour) au cours des années 90 qui nous est décrite, à partir d'anecdotes réelles recueillies par les scénaristes grâce à des interviews auprès de membres du parti. Un travail de journaliste en amont qui assoit la crédibilité de la fiction, tout en accroissant la force de ses propos. La morale de l'histoire n'est pas optimiste : le constat dressé est celui d'un désanchantement. Dans la première partie, c'est le temps de l'opposition, de l'abstraction à travers ses idéaux. Une réflexion s'opère progressivement sur les moyens d'accéder au pouvoir. L'apogée arrive : c'est évidemment 1997, la victoire de Tony Blair, la concrétisation des rêves tout autant que le fruit d'un intense travail. Puis, vient la seconde partie, mettant cette fois en scène l'exercice du pouvoir par la nouvelle majorité. De 1992 à 2002, ce sont les mutations d'un parti qui va peu à peu perdre son âme, sous la férule de son chef, auxquelles on assiste. Peter Kosminsky dépeint un portrait sans concession, au vitriol, de l'évolution de cette génération blairiste. Une lente perte des illusions face à laquelle chacun des protagonistes va réagir différemment.

The Project chronique la vie de quatre amis qui se sont connus sur les bancs de l'université : ardents militants du temps de l'opposition, ils accèderont ensuite aux responsabilités avec le succès électoral. Au coeur de l'histoire, on suit le destin croisé de deux jeunes gens, passionés par la politique : Paul (Matthew Macfadyen), qui s'investit dans la communication, et Maggie (Naomie Harris), jeune représentante élue dans l'euphorie de 1997. Tandis que Paul se retrouve orienté vers l'orchestration des basses manoeuvres, de manipulations en traîtrises, Maggie se voit tiraillée entre la discipline de parti et ses propres idéaux. Confrontés à ces choix difficiles, chacun réagit différemment et évolue. The Project se révèle particulièrement dur, car ce à quoi le téléspectateur assiste, ce sont les cruelles désillusions de personnes initialement sincères dans leur intérêt dans la politique. Ce n'était pas une question d'ambition. Mais le remodelage du parti autour de Tony Blair a bouleversé la donne. La pratique du pouvoir achèvera les derniers idéaux.

A la différence d'une série comme The West Wing (A la Maison Blanche) qui, tout en nous immergeant dans les coulisses du pouvoir, cultive un certain idéalisme qui tend à réconcilier le téléspectateur avec la politique, The Project offre une vision brutale et désabusée de ce milieu. Il raconte une disparition progressive des repères, au cours de laquelle les personnages principaux perdent leurs illusions, mais surtout leur sincérité initiale. Cette chronique du désanchantement politique est d'autant plus forte que, même s'il s'agit d'un récit réel, se voulant un aperçu de l'évolution du Parti Travailliste au cours d'une décennie (de 1992 à 2002), il est aisé de généraliser le propos. Car, de manière générale, c'est une fable sur la perversion qu'entraîne la course au pouvoir : c'est le creuset des démocraties modernes.

Bilan : The Project est un passionnant drama politique qui, sous ses allures de fiction à la rigueur documentaire, raconte une décennie de vie politique britannique ; tout en engageant une réflexion sur les enjeux du pouvoir et sur ce que l'on est prêt à lui sacrifier.
Si jamais vous parvenez à mettre la main dessus (ce qui n'est pas chose aisé), cela mérite vraiment une découverte.


NOTE : 9/10