170 - Hamida nous a quittés

Publié le 05 novembre 2009 par Ahmed Hanifi

J'apprends à l'instant la disparition de notre amie Hamida Bensadia (le 29 octobre 2009). Je suis très peiné. Nous avions fait ensemble et avec d'autres un bout de chemin côte à côte pour les libertés individuelles au sein de la LDH et du Front des forces socialistes, à Paris.
Je l'ai vue pour la dernière fois au Salon du Livre Maghrébin, à Paris en février dernier.
Qu'elle repose en paix.
_____________
Le Parti de Gauche tient à rendre hommage à Hamida Ben Sadia, décédée jeudi des suites de maladie. Nous sommes nombreux à avoir côtoyé Hamida aux différents moments de son engagement politique et citoyen : dans les mouvements lycéens, le combat antiraciste, plus récemment contre le Traité Constitutionnel européen. Hamida était une féministe, ardente défenseuse des droits de l‘ homme pour lesquels elle a reçu un prix international notamment pour ses prises de position courageuses contre l'intégrisme en Algérie. Elle était également une militante active dans les quartiers populaires de son département de la Seine St Denis. Enfin, même quand sur d'autres causes nos engagements ont été différents, nous avons apprécié sa fraternité. Le Parti de Gauche s'associe à la douleur de ses deux enfants et de ses proches.
in: http://www.lepartidegauche.fr/editos/actualites/954-hommage-a-hamida-ben-sadia
Vendredi, 30 Octobre 2009 21:33
___________
HOMMAGE DE HOCINE AÏT-AHMED à HAMIDA BEN SADIA
Hamida, la très chère
Hamida, ma très chère
Quand je pense à toi Hamida, tout se bouscule : les discussions politiques, les souvenirs personnels, la chaleur de tant de soirées amicales…Mais dans cette profusion, une idée de toi s’impose: si il fallait incarner la difficulté d’être une femme, et une femme libre, dans nos sociétés, ce serait toi et nulle autre.
Nulle autre car, nous le savons, ta vie aurait pu être fracassée. Seuls t’ont sauvé ton tempérament indomptable et la passion des livres dans lesquels tu t’es réfugiée dès l’enfance.
Malgré tout ce que tu as subi, cette liberté, ta liberté, ne se sont jamais affirmées sur le mépris de valeurs et de traditions qui ont pourtant failli faire ton malheur. Tu es sortie de toutes ces épreuves sans haine, sans ressentiment.
Le miracle, ou plutôt ta force, c’est d’avoir su transformer le malheur en énergie positive, en moteur pour l’action, sur le plan personnel comme sur le plan politique. Ce malheur a fait de toi une femme à la fois fragile et déterminée à changer les choses et les ordres immuables. Une femme mue par une obsession permanente : ne jamais trahir les tiens. Et en cela déjà, tu restes unique.
Comment parler de toi, Hamida, sans t’enfermer dans l’une de tes vies ou dans l’un de tes combats, au sein de notre parti bien sûr, dans tant et tant d’associations, pour les libertés des femmes, pour que les enfants ne soient pas coupés de leur langue d’origine, pour les sans papiers, à la Ligue des Droits de l’Homme…
Ta richesse c’est d’avoir mené, en France comme en Algérie, tous les combats successivement et parfois de front, mais sans jamais les dissocier. Dans toutes ces luttes en effet, tu as toujours eu un seul fil conducteur, un seul dénominateur commun : «le droit, que le droit, rien que le droit», comme tu l’écris dans Itinéraire d’une femme française, le très beau livre que tu laisses comme viatique pour la vie à Kamel et Samy, tes deux fils tant aimés.
«Le droit, que le droit, rien que le droit», écho aussi à ta volonté initiale et radicale de refuser l’enfermement et de décider toi même de ta propre vie.
Comment rendre hommage à une comète ? Ce n’est pas une formule. Il y a trop d’affection et trop de respect entre nous pour que les formalismes de circonstance et bien de «chez nous» aient place entre toi et moi. Cela n'a d'ailleurs jamais été le cas. Dans notre Algérie de trahisons, ta loyauté s’est en effet toujours conjuguée avec «vérité». Tu as su me dire sans détour les choses qui fâchent avec la liberté de parole, la bienveillance …et la capacité de propositions concrètes qui te caractérisent. Ton fameux "volontarisme positif" Hamida.
Pourquoi occupes-tu une place toute particulière pour moi Hamida ?
Est-ce parce que j’ai vu en toi une insoumise viscérale mais responsable? Est-ce à cause de ton exigence radicale, pacifique et décomplexée d’égalité, de justice et de liberté ? Est-ce à cause de ta détestation des faux semblants et de tous les dogmatismes?
Je revois notre première rencontre. C’était à Alger en 1990 et tu «gérais» une assemblée générale de notre parti. Tu n’avais pas 30 ans et au milieu de cet aéropage à la composante bien masculine, ta maturité et ta lucidité politiques annonçaient la militante atypique que tu allais devenir.
Je te l’ai dit : si tu représentes comme personne cette génération de femmes issues de l’immigration, c’est aussi parce que tu as su prendre le meilleur des valeurs de notre société. C’est le formidable héritage que tu laisses à Kamel et Samy, tes enfants auxquels nous pensons tous très fort aujourd’hui.
Hamida, ma très chère, ta passion du dialogue et de la concertation, ta lucidité, ta révolte et ta tolérance, tes coups de gueule, ton humanité, ton rire, ta capacité à ne jamais baisser les bras, même devant la maladie qui nous prive de toi aujourd’hui…Je voulais juste te dire que tout de toi nous manque déjà atrocement.
Hocine
in: http://www.algeria-watch.org/fr/article/div/hommage_haa_hamida.htm