TRAITE DE LISBONNE / CONSTITUTION EUROPEENNE et Droit des Femmes

Publié le 07 novembre 2009 par Zelast

Retour sur un article lu dans Le Courrier paru en 2005 :

La Constitution flatte le patriarcat européen

Paru le Mardi 08 Mars 2005    VIRGINIE POYETTON   

DROIT - Pour le réseau européen «Femmes et pouvoir» issu des forums sociaux, la nouvelle Constitution européenne est rétrograde. 
Il est des chefs d'Etat qui mobilisent médias et amitiés politiques pour faire triompher le «oui» européen. Il est d'autres citoyens qui s'inquiètent des conséquences que l'entrée en vigueur de la Constitution européenne pourrait avoir sur l'avancée du droit des femmes. Parmi ces derniers, le réseau européen «Femmes et pouvoir», réuni lors du dernier Forum social européen à Londres, appelle à signer l'initiative féministe pour le non à la constitution. Selon le réseau, la Constitution européenne, loin de porter un progrès, constitue une importante menace pour le droit des femmes. A la fois parce qu'elle omet certains droits, mais aussi parce qu'elle affiche des régressions par rapport aux droits existants. De plus, pour le réseau féministe, la politique néolibérale, considérée comme le fondement du texte, programme à plus ou moins long terme le recul social, l'aggravation des inégalités ainsi que la précarité qui touchent majoritairement les femmes européennes. 
OÙ SONT MES DROITS?
Le droit à la contraception, à l'avortement et à l'orientation sexuelle de son choix. Le droit à vivre sans violence. Le droit au divorce. L'interdiction de la traite des êtres humains à des fins de prostitution. Omission ou acte délibéré? Aucun de ces droits essentiels aux femmes n'est inscrit dans la nouvelle Constitution européenne. 
Or certains pays comme le Portugal, la Pologne ou l'Irlande continuent à restreindre le droit l'avortement, voire à l'interdire carrément. De même que les discriminations frappent de nombreux Européens homosexuels. Que dire également de l'absence du droit au divorce, alors que le «droit de se marier et de fonder une famille» est garanti? La reconnaissance de l'héritage religieux européen et la volonté de favoriser le dialogue avec les églises, inscrites dans le texte fondamental, participent-elles de ce mouvement de recul patriarcal? Religion rimant difficilement avec libération de la femme, le réseau européen exige que «la laïcité soit inscrite comme un principe de base de la constitution». 
Par ailleurs, si le texte fondamental interdit explicitement l'esclavage et le travail forcé (art. II-65), la prostitution ne figure dans aucun article. De même, le viol ou tout autre forme de violences ou persécutions subies par les femmes du fait de leur sexe ne sont pas reconnus comme des motifs suffisants pour demander l'asile. 
L'absence de ces droits est d'autant plus incompréhensible que, définis dans la Charte européenne, ils ne seraient pas contraignants, mais au contraire devraient être interprétés en harmonie avec les traditions nationales (art II-112). 
DE L'OMISSION À LA RÉGRESSION
Dans son article II-75, la Constitution européenne consacre le droit de travailler et la liberté de chercher un emploi. Mais pas le droit au travail, reconnu pourtant par la Déclaration universelle des droits de l'homme. Or, dans l'Union des 25, le taux de chômage s'élève à 9% (celui des femmes est de 11%). La réduction du taux de chômage ne constitue pas non plus un objectif primordial de la Constitution. Alors que pour le réseau féministe européen «Femmes et pouvoir», rendre effectif un véritable droit à l'emploi est particulièrement important pour les femmes. C'est la condition de leur autonomie. 
Également reconnus par la Déclaration de 1948, les droits à un revenu minimum, à une pension et aux allocations chômage ne sont pas inscrits dans la Constitution européenne. Or, tous ces droits concernent en premier lieu les femmes, majoritaires parmi les chômeurs non indemnisés, les rmistes et les bénéficiaires de l'aide sociale. 
De son côté, la Stratégie européenne de l'emploi consacre l'importance du temps partiel ainsi que de la flexibilité de l'emploi et prône la «diversification des contrats en terme de temps de travail». La conciliation entre la vie familiale et professionnelle –plutôt que le partage équitable du travail domestique et parental– est, pour le réseau, utilisé comme justificatif à la généralisation du temps partiel. «Femmes et pouvoir» dénonce la valorisation du temps partiel surtout bénéfique aux entreprises, souvent imposé et toujours très défavorable aux salariés. 
Mais la critique féministe ne s'arrête pas là. Si la constitution consacre l'égalité entre hommes et femmes (art. I-3), le réseau européen lui reproche de faire dans la légèreté. Une réelle prise en considération du problème «aurait supposé de doter l'Union européenne de compétences dans ce domaines et d'instruments ambitieux». Dans une déclaration sur les politiques européennes et le genre, le Réseau des citoyennes d'Europe réclame par exemple une loi de procédure électorale consacrant une représentation équilibrée, la création d'une Direction générale de l'égalité liée à la présidence de la Commission européenne et d'un Observatoire de genre indépendant.