Petite histoire des tempéraments (première partie)

Publié le 11 août 2009 par Lancelet

Qu’avaient de commun Lady Diana et le Mahatma Gandhi ? Madonna et Churchill ? Mère Teresa et Harry Truman ? Albert Einstein et Walt Disney ? Si l’on en croit certains psychologues, les membres de chacune de ces quatre paires d’individus partagent le même tempérament : Idéalistes pour les premiers, Artisans pour les seconds, Gardiens pour les troisièmes, et Rationnels pour les derniers.

D’où viennent ces adjectifs, et que veulent-ils dire ? Avant de répondre à ces questions, demandons-nous d’abord ce qu’est un tempérament.  Et puis, quelle différence avec la personnalité ? Ou le caractère ? Le tempérament, ce serait notre nature intrinsèque, notre façon innée d’agir ou de réagir. Le caractère, ce serait l’ensemble de nos comportements acquis au fil des années de notre vie. Et la personnalité, ce serait l’ensemble des deux, le tempérament (le « hardware ») plus le caractère (le « software »), ce qui fait que nous sommes en fin de compte nous, et pas quelqu’un d’autre. Le conditionnel est ici de rigueur, car le consensus est loin d’être établi, ne serait-ce que sur la part de l’inné et de l’acquis dans nos petites habitudes quotidiennes…

Si chaque être humain est unique, pourquoi se limiter à quatre tempéraments ? Hippocrate, le premier, vers 400 avant J.C., tenta de classer la variété des comportements qu’il observait. Pour lui, c’était bien simple : puisque toute chose en ce monde est composée de quatre éléments en proportions variables (l’air, le feu, la terre et l’eau – ça, c’était avant les quarks et les gluons), et qu’il y a quatre saisons dans une année, alors les gens doivent eux aussi être de quatre sortes. En bon médecin qu’il était (le serment d’Hippocrate, c’est lui), il estima que ces différences de tempéraments étaient dues à l’influence de quatre substances fondamentales du corps humains : le sang, la bile (jaune), la bile noire, et le phlegme. Ces quatre substances portaient le nom d’humeurs, et ce terme est d’ailleurs passé dans le langage, puisque l’on peut encore entendre dire de quelqu’un qu’il est de bonne ou de mauvaise humeur. Le mot humeur vient du grec chymos, qui signifie le jus ou la sève, ou encore la saveur.

Hippocrate

Hippocrate associa chacune des ces quatre humeurs à un organe supposé la sécréter et puis, tant qu’à faire, à une saison et à un élément. Le sang correspond au foie, au printemps, et à l’élément air. La bile jaune correspond à la vésicule biliaire, à l’été, et à l’élément feu. La bile noire correspond à la rate, à l’automne, et à l’élément terre. Le phlegme correspond au cerveau (ou aux poumons), à l’hiver, et à l’élément eau. L’insuffisance ou l’excès de l’une des ces quatre humeurs était, selon Hippocrate, la source de nos problèmes de santé. Elle était aussi à l’origine de nos différences de tempérament. Trop de sang, et vous voilà sanguin. Trop de phlegme, et vous êtes un phlegmatique (ou flegmatique). Un excès de bile fait de vous un bilieux (ou un colérique). Enfin, vous serez mélancolique si d’aventure vous avez trop de bile noire (c’est d’ailleurs la signification du mot mélancolie). Ces adjectifs ont été proposés par Galien, lui aussi médecin, et à l’origine du serment prêté par les docteurs en pharmacie.

Alors, à quoi ressemblent ces quatre tempéraments ?

Le sanguin est en général enjoué, il aime faire la fête, il est spontané, sa confiance en lui peut confiner à l’arrogance. Il peut être impulsif et imprévisible. Respecter les règles et les procédures n’est pas son activité favorite, mais en cas de situation imprévue, il saura trouver des solutions créatives.

Le bilieux est actif, voire hyperactif. Il est animé d’une grande énergie, qu’il essaie d’insuffler à son entourage. Il s’impatiente facilement, et se met facilement en colère. Son autorité naturelle lui permet d’entraîner les autres à le suivre, mais il ne prend pas toujours le temps de s’assurer de leur motivation.

Le mélancolique est un penseur solitaire. Il est souvent perfectionniste, attentif aux moindres détails et rarement satisfait du résultat. Pour lui, il est important de respecter les règles, et il ne manquera pas de le rappeler à son entourage.

Le phlegmatique est souvent perçu comme quelqu’un de timide par son entourage. Pourtant, il s’intéresse aux gens, mais préfère écouter et observer que de prendre part à une conversation animée, à moins de se sentir en confiance. Il a horreur des conflits, et fait preuve d’une grande compassion.

Sur la base de ces descriptions rapides, quel est à votre avis votre tempérament principal ? Il est en effet rare de se reconnaître exclusivement dans un seul tempérament. Nous les utilisons un peu à la manière d’un stylo à quatre couleurs : il y a une hiérarchie dans l’utilisation que nous en faisons, ainsi que le montre cette photo des cartouches extraites d’un tel stylo après quelques mois.

Quatre tempéraments, quatre couleurs

Cette typologie à quatre catégories va se retrouver aux cours des siècles, sous différents noms, avec différentes explications sous-jacentes, mais avec des descriptions qui restent remarquablement similaires pour les quatre tempéraments. Ainsi, Aristote identifiait quatre sources possible de bonheur selon les individus : les plaisirs des sens, l’accumulation de richesses, le respect de l’éthique, et l’exercice de la logique. Plus tard, Avicenne,  lui aussi médecin, a adopté et étendu le modèle des quatre tempéraments, en prenant en compte aussi bien l’aspect physiologique que psychologique, ainsi que l’influence des saisons.

Dans un prochain article, nous examinerons sous quelle forme ce modèle des tempéraments a évolué à l’époque moderne. Dans l’intervalle, je vous laisse réfléchir à la correspondance entre les appellations récentes Idéaliste, Artisan, Gardien, Rationnel et les appellations anciennes Sanguin, Bilieux, Mélancolique et Phlegmatique

Morphologie des tempéraments (selon J.K.Lavater)