Anthologie permanente : Robert Marteau

Par Florence Trocmé

Dans l’ombre puis dans la clarté, le rouge-gorge
Apparaît, avant-courrier de l’hiver, merveille
Qui surprend la vue à chaque apparition.
Abréviation du feu, il ne consume
Pas le bois dont il fait son bref abri. La forge
Qu’il allume, le fer qu’il forge, ont habité
La mémoire depuis si longtemps que la braise
Là-bas dans l’huis par où passe le froid nous reste
Une surprise immémoriale. Regarde
Comment il offre à l’air encore teint de roses
De l’automne son plastron : il annonce ainsi
La neige, lui qui en aime les fleurs, qui marque
De son passage la nappe cristallisée,
Puis se tient en haut avec la dernière pomme.
  (jeudi4 décembre 1997)
Le houx est coupé. La symphorine a fleuri.
La valériane épanouit ses corymbes
Dans la haie où le ciel tombe en ajours, en voiles
Qui se déchirent dès que le soleil en armes
Miraculeusement inaugure un nouveau
Règne. C’est aussitôt que de leur bec armé
Les pics en tribus vous aident à déchiffrer
La mythologie au secret entre l’écorce
Et le liber. Clameur en forêt. À la porte
On crie : au parlement des oiseaux on n’est plus
D’accord. La chevêche est cachée au fond de l’arbre.
Sans elle on ne peut rien décider. La hulotte
S’est retirée avant l’aube. La buse tourne
Où la lune était. On a des soucis nouveaux.
   (vendredi 28 août 1998)
Robert Marteau, Rites et offrandes (Liturgies IV, 1996-1998), Champ Vallon, 2002, p. 147 et 229.
Grenouilles vertes, vous chantez comme la Chine
Et le piano hongrois, tantôt sous la pluie,
Tantôt dans l’ombre du cerisier. Vos discours
S’accordent mieux que le miel aux temps qu’ils déchirent ;
Vos accrocs disent mieux le temps qui nous a faits
Ce que nous sommes. Chez vous les oiseaux qui volent
Viennent rafraîchir leur plumage et boire au ciel
Où vous nagez comme à l’envers et suspendues.
Interrompre l’éclat, instaurer le silence
Exercices qui vous sont coutumiers, dont tire
Profit la faune volatile habituée
À la musique. Muet, l’iris d’eau vient-il
À fleurir, que bruyamment vous en saluez
Le soufre jaune, vous assurant l’empli du temps.
  (mardi 28 avril 2009)
Robert Marteau, extrait de 7 Sonnets de printemps, revue Rehauts, n° 24, octobre 2009, p. 30

Contribution de Tristan Hordé et Florence Trocmé
bio-bibliographie de Robert Marteau
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