La Hollande en Pédalo

Par Eric Mccomber
Myope à Drenthe

Je suis supposément dans le plus beau coin des Pays-Bas. Mais je vois à peine plus loin que le bout de mon guidon pour cause de pluie, crachin et brouillard. Oui, quatre heures dans une telle slotchée que même mes sacs imperméables laissent passer l'eau. Ma sacoche de guidon, théoriquement inviolable, termine sa journée mouillée de part en part. Ma caméra, mon téléphone, mes cartes, le cuir de mon porte-feuille, pourtant enfermé dans une poche hydrofuge, tout ruisselle. Mes rares billets de banque sont pâteux et collants comme des mouchoirs. On va dire que c'est de l'argent liquide ! C'est toute ma maison nomade qui se transforme en bête aquatique.
Dangereux Malentendu
J'arrive comme prévu chez mes hotes vers 16h, mais il n'y a personne. Je suis trempé dedans pour cause de sueur, trempé dehors pour cause de pluie. J'appelle en vain sur mon mobile. Au bout d'une heure, le soir tombe et le mercure se met à dégringoler. Je pense à ma pneumonie et je tente de ne pas trop angoisser. Je me réfugie dans le garage, dont la porte est déverrouillée, et je laisse un réflecteur allumé devant la fenêtre de la cuisine en guise de signal. Une demi-heure passe. Je défais les sacs de la Gachou et je me prépare à passer la nuit ici s'il le faut. Je retire mes souliers humides et glacés et je m'engouffre dans mon gros sac de couchage.
Par la vitre de la remise je peux aperçevoir des centaines de migrateurs striant le crépuscule de leurs gracieuses glissades, escadron par escadron. Nous filons tous vers le Sud devant l'invasion imminente des armées du général Hiver. J'attends finalement trois heures ainsi, résigné, blotti entre la Gaxuxa dégoulinante et une voiture inerte, pestant contre les aléas du voyage sans-le-sou. Quand mon sympathique hébergeur finit par venir me libérer, il fait à peine plus d'un degré. La douche me brûle les paumes et le nez. Nous mangeons rapidement, ils ont à peine le temps de me raconter un peu leurs cyclo-voyages autour du monde. Puis dodo, réveil, et... en selle. C'est pas tous les jours glorieux !© Éric McComber