11 novembre: la fausse Europe de Nicolas Sarkozy

Publié le 12 novembre 2009 par Juan


Pour le 11 novembre, célébration fériée de la fin du premier conflit mondial, l'image était belle : Angela Merkel et Nicolas Sarkozy étaient côte à côte à Paris pour raviver la flamme du soldat inconnu sous l'Arc de Triomphe. Le Monarque français s'est pris pour le Général de Gaulle, l'espace d'un discours écrit par Henri Guaino.
Ô Europe !
Nicolas Sarkozy a profité de l'occasion pour "plaider une association plus étroite avec l'Allemagne", comme le rapportait Le Monde. Apparemment, le président français n'avait pas de mots assez doux pour célébrer l'union franco-allemande et la construction européenne : "votre présence parmi nous est un geste exceptionnel d'amitié." a-t-il commencé par déclarer. Il fallait oublier "Nous partageons les mêmes valeurs, la même ambition pour l'Europe, la même monnaie" a-t-il déclaré mercredi 11 novembre. "Dès lors, il est naturel que s'organise l'association de plus en plus étroite de nos politiques" ou encore : "L'amitié de l'Allemagne et de la France est un trésor. Nous devons à nos parents qui ont tant souffert de tout faire pour préserver et faire fructifier ce trésor". "Nous le devons aussi aux peuples d'Europe, nous le devons à tous les peuples du monde". Nicolas Sarkozy se voulait lyrique : "Madame la chancelière, en acceptant l'invitation de la France, vous avez fait une geste historique. Vive la France ! Vive l'Allemagne !".
Sarkozy, européen ? Le Monarque français revendique d'abord un rapprochement qu'il a lui-même affaibli en 2007. A l'époque, Sarkozy croyait en l'Union pour la Méditerranée, négligeait l'Allemagne. Angela Merkel se moquait même de ce monarque égocentrique surpris en train de subtiliser un stylo lors d'une cérémonie officielle en Bulgarie. Pendant la crise financière de l'automne, Sarkozy critiquait violemment sa voisine Merkel pour sa "timidité", elle qui pourtant avait déjà mis en oeuvre, avant la France, un plan de relance de son économie, et plafonné certaines rémunérations de patrons de banques aidées par l'Etat.
Les petites hypocrisies du monarque
Mercredi, Nicolas Sarkozy a choqué. Il a récupéré le dernier poilu, et la cause des résistants contre la boucherie de la Grande Guerre. Sarkozy s'est d'abord permis de célébrer le dernier poilu, né italien, entré clandestinement en France. Ce dernier poilu, s'il avait croisé les années Sarkozy-Besson, aurait été renvoyé dans son pays, par charter ou par train. L'Italie des années 1900 était comme l'Algérie, le Sénégal ou l'Afghanistan d'aujourd'hui. Dans la Sarkofrance de 2009, on discoure de l'identité nationale, mais on expulse des Afghans vers leur pays en guerre. On dresse des barrières, on filtre les métiers, on rafle aux sorties d'écoles.
En rendant hommage aux "fusillés pour l'exemple qu'on attende qu'on leur donne justice", Nicolas Sarkozy portait enfin son attention sur ces soldats français qui refusèrent d'engager le combat pendant la Grande Guerre. Des héros mis en valeur par le film "Joyeux Noël" de Christian Carion. L'armée française, soutenu par tous les pouvoirs politiques depuis 1918, a toujours refusé de réhabiliter les quelques 600 poilus fusillés pour l'exemple vers 1917. Sarkozy lâche cet hommage, sera-t-il suivi d'action ? En Grande Bretagne, ces fusillés de la paix ont été réhabilités depuis des lustres. En France, la Grande Muette résiste.
Sarkozy affaiblit l'Europe
Cette "hymne à la joie franco-allemande" est surtout une belle façon d'affaiblir un peu plus les institutions européennes. Créée initialement pour tirer un trait aux traditionnels déchirements européens, de la guerre de 1870 à celle de 1939-1945, la communauté européenne a laissé place, chez certains, à une volonté farouche d'unir un peu plus les pays de la vieille Europe. En sur-célébrant une amitié franco-allemande qu'il a négligé au début de son mandat, Nicolas Sarkozy enterre un peu plus l'Europe comme projet politique. Pendant sa campagne électorale, Nicolas Sarkozy avait déjà bâti son ambiguïté européenne personnelle en fustigeant l'euro-fort et la banque centrale européenne. Nous l'avions déjà écrit lors de la présidence française de l'UE. Sarkozy a revalorisé le poids des Etats membres, les relations bilatérales, le poids des exécutifs nationaux aux détriments de l'institution européenne. José Manuel Barroso était et reste un pantin. Sarkozy a aussi démarré la présidence française en minorant l'axe franco-allemand (pour le retrouver par la suite), au profit d'un atlantisme anachronique, à quelques semaines de l'élection d'Obama. Dans quelques jours, l'Union se posera la question d'élire ou désigner son président. Prudent, Sarkozy a soutenu la candidature d'un Tony Blair. Il pensait faire un sale coup au parti socialiste. Il faisait un sale coup à l'idée européenne, en proposant un candidat britannique valet de son grand frère américain. Finalement, ce président sera désigné, et non pas élu. Un nouveau probable pantin qui ne tirera sa légitimité, et donc son autorité, que de 27 chefs d'Etat. Certain(e)s, comme Luc Mandret, suggèrent une élection au suffrage universel. Ce serait effectivement l'une des façons d'assoir une autorité qui autrement restera défaillante.
Mercredi, Nicolas Sarkozy souhaitait sortir, encore une fois, des polémiques qui accablent son narcissisme.