Six pays peu sûrs pressentis pour la liste des pays d’origine « sûrs » (par J-F. Dubost, Amnesty)

Publié le 13 novembre 2009 par Combatsdh

Ce 13 novembre, le Conseil d’administration de l’OFPRA examine la liste des 15 pays d’origine dits « sûrs » et détermine s’il est nécessaire d’en retirer certains et/ou d’en ajouter d’autres.

Les 6 pays supplémentaires « pressentis » sont : Arménie, Comores, Kosovo, Serbie, Sri Lanka et Turquie.
Pour Amnesty international, le choix de ces pays risque à l’avenir d’empêcher un grand nombre de leurs ressortissants d’être reconnus réfugiés ou bénéficiaires de la protection « subsidiaire » car, aujourd’hui, beaucoup de leurs demandes sont rejetées en première instance par l’OFPRA et acceptées seulement au niveau du recours par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
En effet, la présence d’un Etat sur la liste des pays d’origine « sûrs » exclut ses ressortissants d’un certain nombre de droits et, surtout, elle autorise leur renvoi dans leur pays avant même que la CNDA ait statué sur leur requête.
Pour les six pays pressentis, les statistiques de l’OFPRA font apparaitre qu’en 2008, la grande majorité des demandeurs d’asile reconnus réfugiés ou bénéficiaires de la protection « subsidiaire » l’ont été au niveau de la CNCDA après un rejet de l’OFPRA : pour les 6 pays, 999 demandeurs reconnus par l’OFPRA, 2692 par la CNDA.

voir le tableau dans le communiqué d’Amnesty

pos-6-pays-pressentis-11-09.1258099050.pdf

Dans ce communiqué, Amnesty International France rappelle son opposition à la notion de pays d’origine « sûr » contraire au principe de non discrimination en raison du pays d’origine et qui permet de tirer d’une situation générale, prévalant dans un Etat, des conséquences qui s’imposent pour des situations éminemment individuelles.

Liste actuelle: Bénin, Bosnie Herzégovine, Cap-Vert, Croatie, Géorgie, Ghana, Inde, Macédoine, Madagascar, Mali, Maurice, Mongolie, Sénégal, Tanzanie, Ukraine.

CPDH:

 A noter qu’au cours du conseil d’administration de l’OFPRA de ce matin, le directeur de FTDA Olivier Brachet (qui avait contribué à l’adoption des listes précédentes), a quitté la séance:

“La méthode de travail a été jugé inacceptable par Olivier Brachet, administrateur de Forum réfugiés et membre du CA de l’OFPRA, qui a quitté la séance. En particulier, les décisions ne peuvent se prendre dans un délai aussi court et ne peuvent ignorer les rapports des ONG internationales sur les situations dans les pays. Au cours du précédent CA le conseil avait pris des engagements qui n’ont pas été respectés sur les conditions d’information du Conseil et qui avaient pourtant été notées au compte-rendu.

«Nous avons toujours dit qu’il fallait une méthode, un mécanisme de révision en deux temps. A défaut de supprimer ce concept de POS, il fallait conserver une liste courte. Vouloir ajouter de nouveaux pays sans débats sérieux : nous ne pouvons pas cautionner cela».”

(voir le communiqué )

 L’article 2 de la loi du 10 décembre 2003 a confié au conseil d’administration de l’OFPRA le pouvoir de fixer « la liste des pays considérés comme des pays d’origine sûrs » dans les conditions prévues par les dispositions communautaires en cette matière. Il est précisé que l’admission au séjour peut être refusée si le demandeur d’asile a la nationalité d’un pays figurant sur cette liste ; que, dans cette hypothèse, l’Office statue « par priorité ». L’étranger bénéficie alors « du droit à se maintenir » en France jusqu’à la notification de la décision de l’OFPRA qui doit intervenir dans les quinze jours (CESEDA, art. L. 741-4, 2°).
Dans sa décision le Conseil constitutionnel a néanmoins précisé que le fait d’avoir la nationalité d’un pays sûr a ainsi « pour seul effet de mettre en oeuvre une procédure prioritaire » et que cela « ne peut faire obstacle à l’examen individuel de chaque demande » - on retrouve là exactement la même exigence que dans la décision de 1993. Il s’agit là d’une condition sine qua non pour que le droit d’asile ne soit pas privé d’une « garantie essentielle » (Cons. const., déc. n° 2003-485 DC , 4 déc. 2003).

Le Conseil d’État a considéré que la fixation de la liste de pays d’origine sûrs par le conseil d’administration de l’OFPRA « ne saurait exempter l’administration de procéder à l’examen individuel de chaque dossier » (CE, 5 avr. 2006, n° 284706 , Gisti et a. ; V. aussi CE, 13 févr. 2008, no 295443, Forum réfugiés : annulation de l’Albanie et du Niger dans la liste).

Cela est d’autant plus important que, dans l’immédiat, cette liste demeure strictement nationale compte tenu du fait que la Cour de justice des communautés a annulé les dispositions de la directive procédure 2005/85/CE du 1er décembre 2005 qui prévoyaient l’adoption par le Conseil de l’Union européenne des listes communes minimales de pays sûrs. (CJCE, grde ch., 6 mai 2008, aff. C-133/06, Parlement européen c/ Conseil).
Au bilan, on observera qu’en 2007 l’OFPRA a été saisi de 8 376 demandes selon la procédure prioritaire sur les 35 520 demandes d’asile enregistrées (réexamens et mineurs accompagnants compris), soit 23%. La demande d’asile en provenance des pays d’origine sûrs représentait quant à elle 1 519 demandes (réexamens compris), soit 5% de la demande globale. Afin de mieux assurer l’obligation d’examen individuel, l’OFPRA a d’ailleurs nettement augmenté le taux de convocation (de 36% en 2006 à 71 % en 2007), alors même que ce n’est pas une obligation pour l’OFPRA dans le cadre d’une procédure prioritaire.

Le taux d’accord pour les demandeurs d’asile des pays d’origine sûr est passé de 5 % en 2006 à… 20 % en 2007. Paradoxalement, le taux d’accord pour les ressortissants de ces pays est supérieur au taux d’accord dans le cadre de la procédure normale (7,8% en 2006 et 11,6% en 2007) - ce qui interroge sur la pertinence de cette procédure et du choix des 15 pays « considérés » comme sûrs par l’OFPRA (particulièrement pour Madagascar, le Mali ou la Géorgie).

[voir pour une actualisation le communiqué d’Amnesty]

Enfin, le Conseil d’Etat a jugé l’exclusion des demandeurs d’asile en provenance des pays d’origine sûr de l’Aide temporaire d’attente (C. trav., art. L. 5423-9, 1°) contraire à la directive n° 2003/9 du 27 janvier 2003 (CE, 16 juin 2008, n° 300636, Cimade).

La présence sur la liste exclut notamment les ressortissants de droits en termes d’aide sociale  et elle limite le temps d’examen de leur demande par l’OFPRA (15 jours maximum au lieu de 100 jours en moyenne).

La liste est censée être fixée sur la base du respect effectif de l’Etat de droit, des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Lorsqu’on voit que l’OFPRA envisage d’y inscrire un pays comme les Comores, c’est une vaste plaisanterie.

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AMNESTY INTERNATIONAL

Une procédure transparente et protectrice des réfugiés

est plus que jamais indispensable

Recommandations d’AIF au Conseil d’administration de l’OFPRA

(Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides)

o Mettre en place une procédure transparente pour assurer de façon effective le suivi vigilant et permanent de la liste des pays d’origine ‘’sûrs'’ ;

o Préciser les critères et la procédure pour saisir le Conseil d’administration d’une proposition d’ajout ou de retrait d’un Etat sur la liste ;

o Adopter une résolution claire par laquelle le Conseil d’administration exclut d’être saisi de toute sollicitation directe ou indirecte émanant des autorités d’un autre Etat.

En savoir plus sur les pays d’origine ‘’sûrs’’ en France

borchure_action_posv1.1258098952.doc