Déchets nucléaires : les coulisses.

Par Fsns

On peut louer, acheter le documentaire diffusé dernièrement sur Arte sur les déchets produits par l'activité nucléaire civile ou militaire. Nombre de faits saisissants y sont dévoilés que le grand public ne sait ni ne soupçonne. On y apprend notamment qu'une bonne partie des déchets provenant des centrales françaises présentés comme « recyclables » à plus de 90% par la société Areva qui en est l'exploitant sont en réalité abandonnés aux russes et stockés sous forme d'hexafluorure d'uranium dans des containers à ciel ouvert, à la merci du premier crash aérien. On y découvre également que l'usine de La Hague qui retraite ces déchets dispose d'autorisations tout à fait spéciales et des plus larges comme celle de rejeter directement en mer par un énorme pipeline sous marin des éléments radioactifs depuis qu'une loi stipule que le rejet dans l'océan de tonneaux de ces mêmes produits est interdite. Greenpeace, qui a beaucoup oeuvré pour cette interdiction, a également mesuré à l'aide de grands cerfs-volants ce qui était rejeté par les cheminées de cette usine pour montrer avec l'aide de la CRIIRAD que les émissions en Krypton 85 sur la seule année 1999 dépassait la totalité des émissions en Krypton 85 découlant des 500 essais atomiques atmosphériques jamais réalisés. L'utilisation d'un logiciel (celui-même qu'utilise Cogema) leur a même permis de mettre en évidence la dispersion de ces radio-éléments sur l' Europe à tel point qu'on est capable de savoir à quel moment les ouvriers travaillant à La Hague cisaillent les barres de combustible par la mesure des taux en Krypton 85 sur les toits de l'université de Gand ou de Genève !
Quid du pouvoir politique ? Ce n'est pas lui, affirme un expert international interviewé, qui décide directement de la stratégie énergétique du pays. Les postes-clés sont tous tenus par des représentants du corps des mines issus de l'élite des plus grandes écoles françaises. C'est donc une aristocratie oligarchique qui se substitue dans ce domaine à la démocratie, source d'une opacité systémique s'ajoutant au caractère tabou de la dangerosité inhérente au nucléaire.
Le mot de la fin est donné à Hubert Reeves qui qualifie de projet un peu délirant la volonté (l'illusion ?) de stocker en couche très profonde [1] des déchets de cette nature. Quel régime politique peut se targuer d'avoir tenu plus d'un siècle ? Qui serait responsable aujourd'hui de déchets enfouis par les égyptiens seulement distants de nous de quelques milliers d'années ? demande l'astrophysicien. Le conseiller de Nicolas Sarkosy semble posséder la réponse : la confiance. L'espoir viendra peut-être de la transmutation mais pas avant 2050. Or c'est maintenant qu'il faut faire face aux nouveaux défis énergétiques et climatiques. Comme le dit un ingénieur du corps des mines qui a accepté de répondre, l'industrie nucléaire doit résoudre trois problèmes : la sécurité, la démocratie et les déchets [2]


[1] on étudie à Bures, dans la Meuse, la possibilité d'enterrer pour des centaines de miliers d'années les déchets les plus actifs dans une énorme poche d'argile choisie pour ses qualités de confinement

[2] Selon l'Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), on estime que le volume de déchets radioactifs en 2030 sera d'environ 2,25 millions de m3. Il était de 1 million en 1997.