Akira Kurosawa (2ème partie): Rashomon

Publié le 14 novembre 2009 par Olivier Walmacq

Rashomon (1950)

Kurosawa s'intéresse à une courte nouvelle intitulée Dans le Fourré de Ryunosuke Akutagawa, un écrivain tourmenté du début du XXe siècle. Kurosawa fait aussitôt l'adaptation cinématographique de ce récit.
Peu après, en s'occupant lui-même du montage, le réalisateur constate que la durée globale du film n'excède pas les 60 minutes. Il décide alors d'étoffer son oeuvre en empruntant quelques passages dans une autre nouvelle du même écrivain: Rashomon.


Le sujet: Dans le Japon du Xe siècle, un samouraï est retrouvé mort dans une forêt. Un tribunal que nous ne verrons jamais, écoute quatre témoignages, tous sensiblement différents.
Il y a d'abord celui d'un bandit qui semble être le meurtrier, puis celui de la femme du samouraï tué qui était présente, ensuite un bûcheron qui a seulement découvert le corps et pour le 4e témoignage, un médium invoquera l'esprit du samouraï mort qui racontera, lui aussi, sa propre version des faits.
Les producteurs ne comprenant pas le scénario, Kurosawa leur dit: « c'est le cœur humain lui-même qui est incompréhensible ! » Rashomon n'est pas tout à fait une énième variation sur le thème pirandellien de: A chacun sa vérité. Dans le film, le bandit, la femme, le bûcheron et l'esprit du samouraï manipulent la vérité. Ce serait donc plutôt: A chacun son mensonge.


Alors qu'il tournait Rashomon dans la forêt de Nara, proche de Kyoto, Kurosawa était loin d'imaginer que sa 11e œuvre allait révéler son nom et, en même temps, le cinéma japonais au monde entier.
Envoyé à Venise en 1951 à l'insu du réalisateur et contre l'avis des producteurs, persuadés que le film n'était pas conçu pour l'exportation, Rashomon remporte le Lion d'Or et l'Oscar du meilleur film étranger à Hollywood quelques mois plus tard. En 1964, Martin Ritt en fera un remake intitulé The Outrage avec Paul Newman.


Quand sa femme l'informe des résultats élogieux du festival de Venise, Kurosawa est au bord de la dépression nerveuse. Il vient tout juste de terminer l'Idiot, une monumentale adaptation du roman de Dostoïevski.
La maison de production, la Shochiku (spécialisée dans les thrillers et les mélodrames sentimentaux), n'est guère enthousiasmée par le film.
Loin de respecter ses engagements (on avait promis à Kurosawa de distribuer le film en deux parties de deux heures chacune), la société de production décide d'amputer la copie et 100 minutes partent ainsi à la poubelle ! Pour parfaire le massacre, on détruit les négatifs des passages coupés.
Kurosawa s'était désormais habitué à l'idée de devoir changer de métier. Mais le triomphe de Rashomon à Venise a été l'événement providentiel qui a modifié sa vie en lui permettant de poursuivre sa carrière de cinéaste.