Le story-telling sarkozyen à l'épreuve du Net

Publié le 16 novembre 2009 par Juan

Le 13 novembre dernier, Franck Louvrier, le conseiller en communication de Nicolas Sarkozy, s'est livré à quelques confidences aux journalistes d'une télévision locale, lors d'un déplacement à Nantes. Bizarrement, Louvrier n'évoque pas les récentes péripéties de son mentor, des mensonges sur Facebook l'incroyable buzz 2.0 de l'affaire Jean Sarkozy.
Louvrier de la langue de bois
L'interview de Franck Louvrier est intéressante. L'homme réserve ses apparitions à quelques rares occasions. L'Elysée et l'UMP clament depuis des lustres leur souhait d'être actifs et proactifs sur le Web. Mais le Web, espace d'hyper-rapidité et de buzz permanents, reste hors de contrôle de l'omniprésident. Selon Louvrier, le Net a amené deux changements à la communication politique: "la rapidité et la précision". "A partir de ces deux éléments majeurs, il faut être le plus réactif possible tout en étant le plus exact possible." Cette déclaration apparaît cocasse, curieuse, voire drôle, si l'on se remémore les deux affaires de Sarkofrance qui ont déstabilisé l'Elysée depuis la rentrée, et où la Présidence a été pris en défaut de vérité : la nomination avortée de Jean Sarkozy, et les confidences Facebook de Sarkozy sur sa présence à Berlin le 9 novembre 1989.
Interrogé sur ses rapports avec les médias, le conseiller est maladroit : "il n'y a pas de jeu particulier. Il y a une volonté de ... voir à ce que chacun fasse son travail dans son domaine" (?)... "C'est intéressant de faire passer des messages" (évidemment !). Quand on lui demande pourquoi la communication politique semble privilégier la forme au fonds, Louvrier botte en touche et accuse gentiment les médias d'en être les principaux responsables. "De plus en plus, les médias parlent aux médias. Il faut faire attention à ça, car c'est une sphère qui est dangereuse".
Internet serait-il inconvénient pour les hommes politiques ? Louvrier a du mal. Le conseiller, pourtant jeune, paraît vieux dans sa réponse. Le Web répond mal à l'information prémâchée et mise en scène depuis le Palais de l'Elysée. Et Louvrier rend involontairement involontairement hommage à cette résistance deu Web. C'est un "espace de liberté", avec donc ses "dérives". "Il faut préserver les journalistes" car "ils sont un bon filtre pour valider une information." Les journalistes sont un filtre. Un belle révélation sarkozyenne.
D'ici à la fin de l'année, le site de la Présidence sera refondu, avait annoncé Franck Louvrier il y a 15 jours. "Il restera principalement institutionnel, mais avec plus de vidéos, de reportages. Des espaces thématiques seront cependant ouverts aux internautes". Rien que ça... On imagine le niveau de "modération", autrement dit de censure, dont les services présidentiels devrot faire preuve. Déjà, le site débatidentiténationale mis en place par Eric Besson fait polémique. Seuls 15% des messages auraient été supprimés. Une vingtaine de personnes sont à la manoeuvre, quotidiennement.

Les créateurs impossibles ...

Les mises en scènes médiatiques de l'Elysée échouent régulièrement sur les plages Internet. Luc Mandret a expliqué, pour l'Express, comment le mensonge Facebook du 9 novembre dernier a sans doute sonné le glas des efforts 2.0 des stratèges de l'Elysée. Il y a plusieurs mois, nous avions expliqué, également dans les colonnes de l'Express, que Nicolas Sarkozy n'avait aucune chance de succès sur le Web. La vérité a dépassé nos espérances. L'omniprésidence est un exercice difficile sur Internet. Plus Sarkozy place et diffuse ses discours, plus les blogs s'en emparent, les dissèquent, les contredisent. Les mensonges et autres petits raccourcis tiennent l'espace de quelques requêtes sur Google. Le droit à l'oubli n'existe pas sur Internet. Sarkozy est le premier chef d'Etat à le réaliser. Ses efforts sont pourtant énormes: multiplication des Web TV, annonces publicitaires à répétition dans la presse, interventions de "terrain" omniprésentes, investissements dans les réseaux sociaux (Facebook, etc), soirées "pizza 2.0". Mais rien n'y fait. La mayonnaise ne prend pas. Sur le Web, Sarkozy est raillé. On attend toujours "Les Créateurs des Possibles", le futur site de l'UMP.
Le site Elysee.fr est une mine d'inspiration pour la blogosphère. Et même quand les services de l'Elysée tentent de cacher les interventions publiques du président français, certains parviennent à mettre la main dessus, comme l'estimé Guy Birenbaum, qui a pu poster le discours de remise de la légion d'honneur par Sarkozy à Dany Boon jeudi dernier.
Ainsi, le Web s'est également emparé avec délice et rage de la video "agricole" du chef de l'Etat avait créé le buzz sur Internet, depuis sa diffusion dans le Petit Journal de Yann Barthès, sur Canal+ : le 27 octobre dernier, Sarkozy était surpris en flagrant délit de répétition, son discours du jour étant en fait largement repris d'une déclaration sur le même thème 9 mois plus tôt. Le Canard Enchaîné a prolongé l'affaire. A en croire l'hebdomadaire satirique, le chef de l'Etat s'est énervé contre son conseiller spécial Henri Guaino: "Si au lieu de s'occuper du Grand Emprunt, Guaino s'était occupé de mon discours aux agriculteurs, je ne serais pas dans la merde aujourd'hui". Pour seconder (remplacer ?) Christophe Malvezin, conseiller à l'Agriculture et auteur des deux discours, Sarkozy a recruté une seconde plume, Marie de Gandt, auprès du cabinet d'Hervé Morin.


Franck Louvrier sur TVREZE
par tvreze
Lire aussi:
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  • "Sarkozy sur Facebook, ou la fin du storytelling digital" (Luc Mandret)