Le monde à ses pieds

Publié le 12 novembre 2009 par Camillefantasme
Le monde à ses pieds
de Géraldine Maillet
Editions Grasset & Fasquelle
Octobre 2009
298 pages
Tout le monde a vu, au moins une fois, une photo de Ruslana Korshunova...

Ses longs cheveux virevoltant autour d'elle ainsi que ses yeux tristes étaient sa marque de fabrique, sa différence...
Quand sa mort a été annoncée en juin 2008, le monde entier s'est demandé ce qui pouvait bien tant lui manquer pour qu'elle saute du 9ème étage (alors qu'elle souffrait, de façon violente, du vertige...) et que pouvait-elle bien éprouver pour en arriver à une telle extrémité ?

Le suicide est un sujet grave, souvent tabou, dont on a très peu envie de parler...
D'avantage encore quand il s'agit de celui d'une jeune fille pauvre du fin fond du Kazakhstan qui est parvenue à sortir de son trou perdu pour devenir un mannequin de renommée internationale, qui a pu amasser assez d'argent pour sortir sa famille de la misère, qui était plus belle que la plupart des jeunes filles rêvent de l'être en plus d'être instruite et de parler couramment plusieurs langues...


Alors, pour trouver une raison, on se dit que le milieu de la mode doit être bien rude, qu'être traitée comme un objet n'est sans doute pas un choix qu'on aurait fait...
Et que se passe-t-il quand on a pas le choix ?
Quand les autres ne voient en vous qu'un physique avantageux, quand vous savez jusque dans vos tripes que ce sera ça ou devenir femme de ménage, comme votre mère avant vous, et que vous ne pouvez plus supporter de la voir se priver de nourriture pour que vous puissiez en avoir...
Et que se passe-t-il quand on est fragile depuis toujours ?


Qu'un père décédé a laissé un trou béant dans votre univers, qu'aucun des garçons qui se présente n'est à la hauteur de vos espérances et qu'il faut affronter un milieu dont l'accueil se résume à cet extrait :
"Bienvenue à Londres, chérie.  La ville du cynisme et du mépris.  Tu tomberas sur des gens mal lunés, jaloux, aigris, ratés.  Selon l'humeur du jour, ils n'aimeront pas ton visage, ton corps, ta démarche, ce grain de beauté sur ton cou...  Même rien en particulier mais tu seras le bouc émissaire et on ne t'épargnera pas.  Tu encaisseras sans broncher.  Tu resteras sourde, hermétique à toutes ces conneries.  Tu suis ta route, tu allumes l'objectif, tu séduis la terre entière,...   Allez, le générique est terminé, debout jeune fille, le film commence."


Et que se passe-t-il quand malgré tous ces gens qui vous entourent
, vous couvent, vous habillent comme une poupée barbie, vous vous sentez abandonnée, tellement loin des vôtres, si loin de ce que vous êtes, au point d'en arriver à ne plus savoir que devenir... ?

Et que se passe-t-il quand la petite chose fragile se brise toute seule, sans l'aide de personne, à coup de médocs pour palier au manque de sommeil, aux décalages horaires et à toutes les solitudes additionnées dans tous les hôtels de la terre...?
Et que se passe-t-il quand vous ne pouvez dire à personne que vous crevez de peur, que vous avez toujours mal partout, que vous êtes si seule au milieu de tout ce luxe qui, finalement, ne remplit rien ?
Et que se passe-t-il quand vous ne pouvez pas abandonner une vie qui se veut parfaite et que tout le monde imagine comme étant un véritable conte de fée...
Vous prenez la fuite (ou votre envol)... à votre manière !


Ce livre est la descente aux enfers d'une des plus belles filles au monde, parce que tout lui aura été offert, sauf l'essentiel...
Et si tout ce qu'elle souhaitait... mais ne savait ni comment l'obtenir, ni quel nom lui donner... c'était, tout simplement, le bonheur ? 
Alors, à quoi bon gagner autant d'argent si ce dont on a besoin n'est pas monnayable... ?
Alors, à quoi bon vivre ?

C'est une lecture douloureuse, l'histoire est dramatique...
C'est un rêve de petite fille qui finit en miettes sur un trottoir...
C'est aussi triste que cette vie rêvée dont elle ne voulait pas...
J'ai été bouleversée par l'habile façon qu'a eue Géraldine Maillet :
-   de retracer le parcours d'une adolescente dont le seul défaut était d'être trop jolie;
-   d'interpréter un mal-être qui va bien au-delà des derniers mots, troublants et lourds de sens, que Ruslana aura laissés sur son blog...
"Mon rêve est de voler... oh, mon arc-en-ciel est trop haut."

L'auteur a su en faire un très beau roman, c'est juste la fin qu'on aurait aimé pouvoir changer...

Fan Tribute...

Le making of de la pub Nina Ricci


Ma note : 8.5/10

N.B. : coup de gueule...
En effectuant des recherches sur le net, pour trouver de quoi illustrer mon billet, je suis tombée sur des images du jour de sa mort. 
Un tocard de paparazzi a posé sa caméra au sol, derrière le véhicule du coroner, pour pouvoir filmer son corps qui n'avait pas encore été recouvert par la police...
God !! Je déteste les paparazzi...  C'est dit !