François Hollande en piste pour Matignon

Publié le 17 novembre 2009 par Edgar @edgarpoe
Quelques lignes d'une interview de Hollande le 1er novembre au Monde.

A la question "Peut-on encore être de gauche et européen ?" (c'est déjà un très bon point que le Monde arrive à formuler ce genre de vraies questions.)

La réponse est bien sûr non, mais Hollande contourne le problème en tapant sur la Commission (un peu facile) et conclut surtout ainsi : "Aujourd'hui la social-démocratie est en crise presque partout et cette crise n'est pas sans lien avec la panne de l'idéal européen. Elle doit redéfinir son modèle : ne plus être dans la conservation de l'état social de l'après-guerre, intégrer les questions planétaires et proposer un contrat de l'aprés-crise".

Mais si c'est pour démanteler l'état social de l'aprés-guerre, Sarko fait ça très bien ! Et l'Union européenne aussi !

Pas besoin du Parti Socialiste pour "intégrer les questions planétaires" (rentrer dans l'OTAN et envoyer des troupes en Afghanistan) et "proposer un contrat de l'aprés-crise" (attendre que ça passe pour réduire les déficits).

Attention : ce n'est pas anecdotique comme point de vue. Hollande prépare son retour depuis longtemps et entend ainsi inscrire durablement le PS dans une politique très à droite.

Une bonne raison d'aller voir ce qui se passe chez Mélenchon.

Par exemple son très bon billet (signalé par Fred Delorca) sur le retour de la directive services (ex Bolkestein).

Quelques extraits :

un peu d'histoire sur l'adoption d'une des versions du texte en 2006 : "Une fois de plus donc, le PSE a massivement contribué à l’adoption de cette directive libérale. 137 eurodéputés PSE ont voté pour, dont le président du PSE Poul Nyrup Rasmussen et le président du groupe socialiste, Martin Schulz. Seuls les députés socialistes français ont voté contre, à l’exception de Michel Rocard qui a voté pour. Les députés Verts ont voté contre mais les libéraux ont voté pour y compris Marielle de Sarnez"

Fin 2009 la directive est applicable en France. Mélenchon explique fort bien comment le gouvernement a décidé de la transcrire en droit français par petits morceaux :

"...la loi de modernisation de l’économie de 2008 comporte des mesures de transposition pour déréglementer l’urbanisme commercial. En effet certaines obligations comme le recours préalable à des tests économiques pour autoriser les implantations de grandes surfaces étaient en effet considérées par la Commission comme des entraves à la concurrence au sens de la directive services..."

..."On trouve aussi des mesures de transposition dans la loi de développement et de modernisation des services touristiques de 2009. Elle prévoit notamment que l’activité d’agence de voyage ne devra plus nécessairement être exercée de manière exclusive. … Ce n’est pas malin ! Car cette clause de spécialisation est plutôt une des garanties contre la prolifération d’agences de voyages bidons sans véritable assise professionnelle ou financière..."

..."la transposition de la «directive services» est aussi allée se nicher dans la loi de réforme de l’hôpital. Pour alléger les modalités d’autorisation et de contrôle des établissements et services médico-sociaux, là encore jugées attentatoires à la libre concurrence … Avec le risque de dérapage que l’on peut facilement imaginer au détriment d’un public souvent démuni"...


Bref. Hollande n'a pas besoin de faire acte de candidature pour liquider les services publics, l'Union européenne s'en charge très bien toute seule (au passage, on vient d'annoncer plusieurs milliers de suppressions de postes à l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. Quelle bonne idée de liquider tous ces postes d'oisifs inutiles).

(au passage encore, l'Etat n'aura même plus à ruser pour appliquer des directives, le Conseil d'état vient de décider qu'elles étaient d'application directe. Un pas de plus vers la reconnaissance du fait que la production normative européenne est équivalente à celle d'un état. C'est comme ça que l'Europe avance : dans votre dos, petit pas par petit pas). Concrètement, ça veut dire qu'une clinique privée qui estimera que l'hôpital public voisin est encore trop gras pourra directement attaquer devant les tribunaux français au nom d'une directive, même si cette directive n'a pas été transcrite par le gouvernement.

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Ne nous y trompons pas : il y a deux camps politiques aujourd'hui : ceux qui acceptent la mise au pas libérale incarnée chaque jour par l'Union européenne, parmi lesquels Hollande vient de se mettre au premier rang, mais Royal aussi qui réclame des Etats-Unis d'Europe ; et ceux qui la rejettent.

Pour ceux qui imaginent une Europe de gauche, je ne sais pas quoi faire ? Encore quelques dizaines de fermetures d'hôpitaux, d'écoles et de bureaux de postes pour leur ouvrir les yeux ?