Le Seigneur des robots

Publié le 29 octobre 2007 par Samuel Bouchard


[Zeno à RoboDevelopemnt 2007]

La nécessité est à mon avis une bonne façon de démarrer une entreprise. Vous avez un problème, vous le réglez, puis vous réalisez que vous n’étiez pas le seul à l’avoir. Votre solution se transforme alors en projet d’entreprise. Plusieurs sont nées de cette façon, dont Craigslist.

Lorsqu’il travaillait comme animateur sur le Seigneur des Anneaux, Stephen Regelous avait à réaliser des scènes avec des milliers de personnages. De définir l’animation pour chacun représentait un réel travail de moine. À l’inverse, faire des copier-coller des comportements pour sauver du temps nuisait au réalisme. Il a donc développé un logiciel de création faisant appel à l’intelligence artificielle (AI authoring). Au lieu de définir ce qui se passe au fil du temps comme c’est habituellement le cas en animation, il définit le cerveau de la scène. Si tel événement survient, alors tel personnage exécute telle action, adopte telle attitude, etc. Ainsi, une fois que les personnages sont créés et que les comportements qu’ils peuvent adopter sont définis, le cerveau s’occupe de générer l’action. La création automatisée devient en quelque sorte une simulation de l’évolution d’une foule dont on a modélisé les individus. L’animateur sauve du temps sans compromettre le réalisme. Naturellement, il n’était pas le seul à avoir cette problématique, et son logiciel a donné naissance à Massive Software. L’entreprise est aujourd’hui basée à Auckland en Nouvelle-Zélande. Mise à part le Seigneur des Anneaux, Massive a aussi été utilisé jusqu’à maintenant pour plusieurs films importants.

Leur expertise en intelligence artificielle pour animer des personnages a récemment intéressé une aute entreprise en démarrage: Hanson Robotics. Celle-ci est le fruit des études doctorales de David Hanson. Son projet consistait à analyser la perception des humains des expressions faciales d’un robot. Pour les besoins de l’étude, il a développé un nouveau matériaux, le Frubber, ne nécessitant qu’une très petite force pour être déformé et ainsi faire une « peau » plus réaliste. Jusqu’à maintenant, son entreprise a créé plusieurs robots, dont Zeno:

Zeno est un petit bonhomme d’une trentaine de centimètre qui deviendra éventuellement un jouet. Il a un petit air sympathique de cartoon qui le place hors de la vallée de l’étrange. En plus de pouvoir le programmer et l’animer, les gens chez Hanson ont créé tout un univers, comme celui des dessins animés, autour de Zeno. L’histoire en gros est que lui et ses camarades iront à l’école des robots pour devenir de meilleurs robots et sauver le monde. Rien de révolutionnaire, mais certainement une bonne idée pour ajouter de la profondeur et augmenter la durée de vie d’un jouet de quelques centaines de dollars. Par ailleurs, l’expertise de Hanson pour faire des robots bien perçus par les humains aura une valeur certaine dans un contexte où tout le monde s’entend que le prochain défi de la robotique est de la faire interagir de plus près avec les humains.

Dans le logiciel de Massive, un personnage peut réagir à ce qu’il perçoit dans le monde virtuel: vue, ouïe, toucher. Massive et Hanson ont travaillé conjointement pour contrôler Zeno à l’aide du moteur d’intelligence artificielle de Massive. Dans ce cas, les stimulus proviennent de capteurs intégrés au robot: caméra, micro et capteur tactile. Ils espèrent livrer le jouet avec une version simplifiée de Massive, ce qui permettra de programmer le comportement du personnage et de l’utiliser pour faire de l’animatronique.

Cette collaboration est un bel exemple d’une façon que je suggérais pour créer un produit unique: combiner plusieurs champs d’expertise. Dans ce cas, il s’agit de la robotique et des technologies d’animations. C’est un mariage naturel. On peut s’imaginer que d’autres projets semblables verront le jours combinant robotique, animation et certainement les jeux vidéos.