“Kinatay”, jusqu’au bout de la nuit

Par Kub3

Quelle mouche a piqué Isabelle Huppert, la Présidente du dernier Festival de Cannes ? Kitanay mérite peut-être son prix de la mise en scène, mais le nouveau film de Brillante Mendoza semble surtout se la jouer “artistique” pour dissimuler son profond manque d’idées et d’enjeux. Circulez, y’a rien à voir.


Kitanay, film d’horreur ? Pas vraiment. Loin de vouloir provoquer des poussées d’adrénaline, le Philippin Brillante Mendoza refuse les effets violents faciles et la provocation gore. A des années-lumière de Saw, le film laissait plutôt présager une déconstruction du genre et une réflexion sur le rapport à la violence – façon Funny Games d’Haneke. Hélas, vaine et insupportable à de nombreux égards, l’expérimentation trouve très vite ses limites.

Caméra à l’épaule, le réalisateur suit la longue nuit d’un étudiant en criminologie, témoin d’un atroce règlement de compte. L’action commence le jour précédent, comme si de rien n’était. Afin de gagner de l’argent pour pouvoir se marier, le jeune Peping est recruté dans un gang. Multipliant les fausses pistes narratives, le scénario dresse alors un portrait réaliste de la société philippine, entre insécurité et trafic de drogue, dans une veine proche du documentaire. Déjà, le temps s’étire et suscite davantage de lassitude que de réel intérêt. On saura au moins gré à Mendoza de soigner son exposition : le récit ne décolle jamais et se perd sans cesse dans des dialogues inutiles et des longueurs abyssales.

Enfin, la nuit tombe dans les rues de Manille et l’obscurité annonce le cauchemar à venir. Emmenée dans un Van avec des membres de la mafia locale, une prostituée vit ses dernières heures sous le regard impuissant de Peping. Le réalisateur souhaite nous identifier au jeune homme et nous faire ressentir l’horreur dans laquelle il se retrouve embarqué. Mais, vide de tensions et filmé en temps réel, l’interminable voyage en voiture devient un supplice à bien d’autres égards.

Anti-dramatique, la fiction-vérité s’érige surtout comme prétexte pour dissimuler le manque d’inspiration fulgurant du cinéaste. Sous couvert d’une musique lynchéenne (un petit son par-ci, un petit son par-là), d’une image laide et d’un montage incohérent, Kinatay mérite la palme du film d’auteur le plus chiant possible. Le scénario laisse alors espérer une dernière partie salvatrice, une scène de torture insoutenable, une explosion de sang d’autant plus intense que tout n’était jusqu’alors que suggestion et lente marche au supplice. Lorsque la prostituée se retrouve enfin attachée à un lit dans le sous-sol lugubre d’une maison, on y croit à mort. A tort.

Car même lorsqu’il s’agit de découper un cadavre à la machette, Brillante Mendoza ne sait jamais placer sa caméra et passe totalement à côté du sujet de son film. Sans prendre le parti-pris de l’ellipse totale (oh, un bras arraché en arrière-plan !), le réalisateur refuse le voyeurisme et le minimum de complaisance nécessaires pour immerger le spectateur dans l’enfer de cet assassinat, perçu par un jeune homme innocent. Au bout du compte, il n’y a définitivement rien à voir : la frustration laisse place à un énervement latent.

Lever du soleil, retour à la ville sourde et indifférente. Le taxi qu’il emprunte, en panne sur une voie rapide, notre étudiant en criminologie se retrouve sur le macadam à hésiter entre deux choix de vie : prendre le premier bus venu et retourner à son existence initiale, ou sombrer dans le business mafieux. Ouf, Brillante Mendoza parvient in extremis à donner un sens à son film. Mais c’est déjà trop tard. Rien d’autre ne sera sorti de la bouche du personnage principal, hormis son vomi ultime. Dernière scène, dernière image. Beurk.


En salles le 18 novembre 2009
Interdit aux moins de 16 ans

Crédits photos : © Equation