Rémi et Colette : la lecture à l'école

Publié le 26 novembre 2009 par Rendez-Vous Du Patrimoine

Clichés I. Rambaud
"Rémi et Colette", un garçon, une fille. Frère et soeur.
La parité était sauve et, je m'en aperçois aujourd'hui en lisant attentivement la première page intérieure, même les auteurs l'ont respectée. Un homme : J. Juredieu (Jules ? un peu XIXe siècle, Jérôme ? un peu plus moderne), "inspecteur de l'enseignement primaire" et une femme : E. (Emilie ? Elisabeth ? , mêmes remarques ) Mourlevat, "directrice d'école maternelle annexe".
Au début des années 60, je ne m'en souciais pas.
Le livre, édité par Magnard et illustré par René Besson (traits simples, couleurs uniquement orange, vert et marron), était destiné aux jeunes classes, dites préparatoires, classes de 11e, enfantines et maternelles, jardins d'enfants.
C'est avec "Rémi et Colette" que j'ai appris à lire, "méthode active de lecture" avec décomposition de la phrase et des mots.
D'après l'ouvrage, tout un matériel annexe semble avoir été proposé en accompagnement aux maîtres d"école : tableaux, cartons, timbres en caoutchouc. Je n'en ai aucun souvenir. Je pense que nos maîtres se contentaient du tableau noir et de la craie et nous du livre et de nos cahiers.


En feuilletant ce livre tout délabré et émouvant, je suis frappée de la vision qu'il propose : une famille française, le père (très discret toutefois, on ne sait pas ce qu'il fait ce qui peut convenir à tout le monde), la mère et leurs deux enfants, vivant à la campagne sans doute : Maman, et ses deux enfants, Colette et Rémi servent à tous les exercices. On voit aussi le chien de la famille, Capi. Il n'est question que de jardin, de fleurs, de jeux, des moissons...

"Rémi joue avec son mécano", "Rémi bêche son petit jardin", "Colette a coupé une tulipe rouge", "Colette a un petit âne", "Colette joue avec le mécano" (pas de jaloux).

"Rémi bêche et Colette sème". Chacun son rôle.

Le père, curieusement absent, reprend vie au jardin : " le papa de Colette sème la salade", "papa porte sa bêche dans la cabane".

Il est très frappant de constater, avec la distance que me donnent toutes ces années passées, ce que ces lectures auraient dû avoir d'exotique, pour moi qui vivait en ville et quand même au XXe siècle.

Dans le 2e livret où les textes sont plus fournis, "Rémi prend l'autobus". On lit la description suivante :
"Vêtu de son costume neuf, Rémi se rend seul sur la place du village. Soudain la voiture s'arrête; les freins grincent et l'autobus s'arrête. Rémi s'engouffre par la portière ouverte. "Tu es trop pressé, mon petit gars", lui dit le conducteur". Enfin Rémi est monté; il veut s'asseoir. "Ne casse pas mes oeufs" lui dit la fermière..."

Je ne prenais jamais l'autobus et j'imaginais encore moins le prendre "seule sur la place du village", avec une fermière et ses oeufs.

De même, la veillée, près de la cheminée où "les mamans travaillent leur tricot ou tirent l'aiguille" a un parfum de passé très "ancestral" et sans rien de commun avec ce que je pouvais vivre :

"Les enfants écoutent les belles histoires que conte la grand-mère de Camille. Les hommes jouent aux cartes tandis que le grand-père baîlle, puis sommeille un peu".Belles histoires en effet, contes ruraux, chansons d'autrefois : la chèvre de Monsieur Seguin, le petit chaperon rouge, Il pleut bergère, "les petits nains de la montagne ramassent les champignons" alternent avec de courtes descriptions des activités de Colette et Rémi. La fillette joue ainsi les "petites ménagères" : elle prépare le repas : des tomates à la mayonnaise, de la viande grillée, des petits pois et du fromage de gruyère. "Que c'est amusant de tenir la maison!" dit Colette au retour de sa maman."Oui, répond maman en souriant, mais seulement pour une journée." Colette est prévenue ! Un petit air de modernité, peut-être involontaire (ou est-ce Mme Mourlevat qui a fait vibrer sa corde féministe ?) souffle ainsi sur ce livre qui reste néanmoins aussi décalé pour ma génération que "Nos ancêtres les Gaulois" pour les africains des colonies françaises.

"Rémi et Colette", malgré ses défauts (dont je ne m'apercevais pas), reste pour moi un livre capital, car il m'a permis de lire tous les autres et j'en suis infiniment reconnaissante à M. Juredieu et Mme Mourlevat. Et vous, vous souvenez-vous de votre premier livre ?
Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !