Chine, USA : le bulletin économique pessimiste de la semaine

Publié le 29 novembre 2009 par Objectifliberte

Délaissons pour un week end les questions climatiques qui m'ont beaucoup accaparé ces derniers temps, et jetons un oeil sur l'évolution de situation du système financier en Chine et aux USA, après une semaine économiquement riche en évènements dont tous n'ont pas forcément fait la une de nos médias.

Toujours aussi pessimiste sur le futur économique de la planète, voici quelques nouvelles que j'ai sélectionnées pour vous, d'aucuns diront "de façon outrageusement biaisée vers les scénarios noirs", et qui me paraissent déterminantes pour prévoir une crise financière 2.0 à venir. Je l'annonçais en substance pour "peut être fin 2009, plus sûrement en 2010, voire 2011 si le rafistolage du système pratiqué par les gouvernants tient mieux que prévu". Mais les premiers craquements se font déjà bruyamment entendre...
Naturellement, je puis sous-estimer la capacité du système à encaisser les coups, mais les signes annonciateurs de graves problèmes s'accumulent, et les signes positifs perçus par certains me semblent de peu de poids à côté. Commençons par quelques nouvelles inquiétantes de Chine.
"Skyscraper effect" : Pas que Dubaï. La Chine aussi
Comme je vous l'indiquais en fin de ma note récente sur le "syndrôme du gratte-ciel" à Dubaï, la Chine (photo: Shanghai) doit elle aussi endurer son effet gratte ciel... Le jour où le monde avait les yeux fixés sur la faillite probable de la principale entreprise d'état de l'émirat, les cinq principales banques chinoises annonçaient le lancement d'augmentations de capital (sous forme, semble-t-il, d'obligations convertibles) qui ont donné aux marchés asiatiques un mauvais signal sur leur santé financière. A la base du mal-investissement, semble-t-il à large échelle, qui plombe aujourd'hui le bilan des banques de l'empire, une réglementation étatique limitant la rémunération de l'épargne que j'épinglais en septembre dans cette note de synthèse sur l'économie chinoise, dont voici un extrait: 

Mais comme partout, les marchés chinois (financiers, immobiliers, etc…) sont encadrés de nombreuses réglementations qui tendent à empêcher les offres de s’adapter aux demandes.
Notamment, les taux de rémunération servis aux épargnants sur livret sont strictement limités par la loi, et tendent à être maintenus artificiellement bas. Les banques ont donc eu à disposition pendant des années des monceaux d’argent à prêter à des taux bas. C’est bon pour l’investissement, me direz-vous ? Et c’est vrai qu’en première approche, les taux d’investissement en  Chine sont importants. Mais, tout comme aux USA, les distorsions étatiques à la baisse des taux d’intérêt accessibles aux entreprises tendent à favoriser des projets hautement spéculatifs à la rentabilité douteuse, notamment dans l’immobilier.
Beaucoup de riches ont du capital en excès, et la Chine ne manque pas d’épargne mobilisable pour financer du crédit artificiellement rendu bon marché. Il en résulte la formation de bulles. Bulles d’actifs (la bourse de Shanghaï est connue pour sa volatilité), et surtout une bulle immobilière qui est en train d’éclater. Car dans les grandes cités d’affaires aussi, des immeubles pharaoniques ont été construits massivement, et ces espaces peinent à trouver preneur (vidéo).  Selon le LA times, dans la seule ville de Pékin, il y aurait plus de 10 millions de m2 vacants, alors que seuls 700 000m2 ont trouvé preneur en 2008. 14 ans de stocks ! A Pékin, le phénomène a été amplifié par les jeux olympiques (vidéo). Mais des vidéos peuvent être trouvées observent le même phénomène à Shanghaï ou Ghuangzou, et selon des professionnels de l’immobilier, dans plusieurs autres villes d’affaires. Et cela laisse présumer de larges surcapacités dans l'industrie du bâtiment et de l'équipement du bâtiment (ascenseurs, chauffages, etc...). Rien de réjouissant.
Comme l'explique le remarquable Michael Pettis, professeur d'économie à Pékin, les pouvoirs publics ont maintenu un écart artificiellement élevé entre rémunération des livrets d'épargnes fixés par le gouvernement et taux d'intérêts servis aux emprunteurs, ce qui a permis, à première vue, de refinancer les bilans bancaires sur le dos des épargnants. Cà, c'est ce que l'on voit.
Mais comme Frédéric Bastiat l'eut sans doute fait remarquer, une telle décision engendre quelques effets que l'on ne verra pas au premier abord, et que l'économie risque de ressentir une fois qu'il est trop tard. En subventionnant les banques de cette façon, le gouvernement fait peser en partie le risque de mauvais prêts bancaires sur les épargnants et non sur les prêteurs: ces derniers sont donc, dans le plus pur "paradoxe autrichien", amenés à réduire leurs exigences de qualité sur les projets financés, pour simplement toucher la subvention en augmentant leur volume d'affaire. Mais il arrive toujours un moment ou la prise de risque entammée du fait de cette politique aurait nécessité un écart de taux ("spread") supérieur à celui octroyé par la subvention cachée du gouvernement. La distorsion opérée par le gouvernement a certainement alimenté un mal-investissement massif ayant engendré de multiples surcapacités industrielles et immobilières. Selon l'expression de M. Pettis,
"The Chinese financial system misallocates capital on an heroic scale."

Pour ceux qui douteraient encore de l'existence de vastes surcapacités et de leur potentiel nocif pour l'économie chinoise, je vous recommande cette étude de la chambre de commerce européenne en Chine. Je copie colle quelques lignes du résumé:
The study concludes that overcapacity is a major factor holding back China's sustainable economic development and traces its impact as a driving force in economic resource waste, a rise in non-performing loans (NPLs) and environmental problems. The study further argues that excess capacity in certain sectors is holding back Chinese innovation by reducing company profits, meaning that less funding is made available for R&D. Moreover, as US and European savings rates rise and imports drop, the study findings show that overcapacity is one of the drivers of the current rise in trade tensions and anti-dumping cases between China and its trade partners.
Mais revenons au fond du problème: les chinois vont à la fois être appelés à la rescousse pour  renflouer les banques de leurs mauvaises opérations en souscrivant à leurs émissions d'obligations convertibles, mais en plus, il faudrait qu'ils continuent à consommer comme des frénétiques pour éponger les surcapacités de production qui ont été créées par la politique de crédit exagérément expansionniste. C'est évidemment insoutenable.
A tel point que des journalistes d'organes de presse gouvernementaux appellent à la fin de toutes les politiques de stimulation artificielle de l'immobilier (par la fiscalité ou les taux), au risque de laisser gonfler la bulle immobilière au delà de tout contrôle vers un éclatement dévastateur pour le système financier, voire la stabilité sociale du pays... Il est permis de prévoir un très rude resserrement du crédit dans les mois, et peut être même les semaines à venir.
De quoi donner à réfléchir à ceux qui voient en une régulation étatique forte les solutions aux ennuis du système financier: personne ne peut nier qu'il n'y a pas plus réglementé et aux ordres de l'état que le système bancaire chinois ! Et pourtant, ils sont affligés des mêmes maux que les banques occidentales, sauf que l'état leur a permis de cacher leurs pertes plus longtemps, ce qui pourrait bien provoquer une crise bien plus dure.
L'augmentation du volume de la sphère financière chinoise ne peut en aucun cas être attribuée à une "libéralisation", même si beaucoup de commentateurs évoquent l'évolution soi-disant "libérale" de la Chine. Le secteur financier chinois se caractérise encore par une mainmise des gouvernements sur la politique de crédit, ce qui fonde les décisions macro-économiques d'assouplissement ou de resserrement du crédit sur des critères souvent aussi politiques qu'économiques. En outre, souvent, des décisions micro-économiques de prêt à certaines entreprises se fondent plus sur les connections politiques de l'emprunteur que sur la qualité des garanties offertes.
D'autre part, le contrôle sur les taux d'intérêts n'est pas différent d'un contrôle de prix: un secteur d'un tel poids économique dont la principale variable est si étroitement contrôlée par les gouvernements ne peut en aucun cas être qualifié de libéral.
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Mais quittons maintenant la Chine et opérons notre désormais régulière plongée dans l'antichambre de la crise financière 2.0 américaine, au gré de quelques télégrammes jetés pêle mêle. Seule demeure en suspens la question que je posais il y a peu: "lente glissade ou nouvel épisode de panique" ?
La FDIC dans le rouge

Selon Reuters, le nombre de banques US en difficultés atteint 552, pour un total de bilan de 345 milliards de $. Ce nombre était encore de l'ordre de 416 fin juin. La crise financière 2.0 ? Nous sommes en plein dedans.
Résultat, la FDIC, l'agence (publique) d'assurance des comptes en banque, se retrouve en fonds propres négatifs de 8 Milliards, du fait d'une provision pour faillites futures de 21 milliards. Une injection de 45 milliards semble prévue par le gouvernement l'an prochain, mais elle semble de peu de poids face à l'ampleur des pertes qui s'annoncent.
Credit Crunch

Ceux qui doutaient de l'occurence d'un credit Crunch en début de crise doivent se faire tout petits. Le portefeuille de crédit des banques américaines a décru de 3% en un seul trimestre au T3 - 2009, soit 210 milliards de dollars, ce qui est la plus forte contraction observée depuis que cette statistique existe, en 1984.
Ce mouvement inéluctable de désendettement des ménages, des entreprises et des banques devrait encore se poursuivre dans les années à venir.
Je rappelle que sur le seul secteur du crédit immobilier, le potentiel de baisse de prix des maisons hypothéquées, par rapport au sommet de la bulle, était d'au moins 4 000 milliards de dollars, mais encore ce chiffre a-t-il été calculé sans tenir compte de la baisse actuelle du revenu des ménages et la hausse du taux de chômage, qui promettent que les prix immobiliers ne reviendront pas au niveau de leur étiage d'avant bulle, mais sans doute en dessous, en monnaie constante certainement, en monnaie courante aussi dans certains cas extrêmes. Autant dire que nous ne sommes pas prêts de voir la fin des abandons de maison et de mises en faillites personnelles.
Or, justement, le taux de faillites hypothécaires ne cesse d'augmenter. Il atteint désormais 4.47%, mais surtout, le taux de prêts en retard de paiement mais dont la faillite n'est pas prononcée atteint presque 10%, amenant le taux de prêts "forclos+en retard" à un niveau record de 1 sur 7.
Le pic est il atteint ? C'est très improbable. Les "réajustement contractuels" de prêts dits "teaser", c'est à dire avec des taux discount ou des remboursement de principal différés les premières années, réajustés ensuite, vont exploser dans les mois à venir, pour atteindre le même niveau de sinistre potentiel que les prêts subprimes au second semestre 2007. Ci dessous la mise à jour du graphique désormais familier des lecteurs de ce blog, par agorafinancial.


Bref, tant Fannie Mae, Freddie Mac, la Federal Housing administration, que les banques traditionnelles vont continuer à enregistrer de gros volumes de prêts défaillants.
On peut malheureusement parier que le contribuable américain responsable, l'épargant sensé, peuvent se préparer à sortir un gros chèque (en taxes ou en inflation) dans les années à venir pour éponger de nouveaux bailouts, sauvetages d'agents économiques irresponsables. L'économie américaine souffira longtemps de séquelles graves de cet épisode d'encouragement massif par l'état des comportements les plus imprudents, voire malhonnêtes.
Affaire MERS, la suite
Je vous ai déjà fait découvrir le scandale "MERS", du nom du groupement créé par de nombreuses banques américaines pour "simplifier" la tenue à jour des registres de transferts de créances sur une maison donnée entre établissements bancaires et para-bancaires. Le MERS et les banques, cédant à la facilité, ont omis d'effectuer correctement tous les enregistrements notariés nécessaires à la certification des titres de créances présentés par les détenteurs desdites créances.
Et des juges ont donc commencé à annuler des procédures de mise en faillite par crainte que le produit du réglement de ces forclusions ne soit pas versés aux bons ayant-droits !  Vous voyez d'ici le capharnaüm juridique pour les banques, obligées de reconstituer un à un des dossiers à partir de pièces souvent incomplètes et mal archivées entre plusieurs établissements de prêt, dont certains ont pu faire faillite, pour pouvoir enregistrer (rétroactivement...) toutes les transactions chez des "clerks" agréés... Et alors seulement prétendre faire valoir leurs droits sur les maisons dont les emprunteurs sont en défaut de paiement !
La menace se précise, puisqu'une revue juridique américaine fait état d'un jugement d'appel pouvant faire jurisprudence : un tribunal fédéral du Massachussets a confirmé en appel un jugement local de première instance répudiant le droit de Countrywide, rachetée par Bank of America, de faire valoir une créance sur un prêt en cessation de paiement, pour faute de preuve de détention effective de la créance. Un tel jugement ne peut que pousser en nombre croissants des acheteurs de maisons ayant emprunté de façon peu responsable à se mettre en défaut puis à entammer une bataille juridique contre les banques prêteuses elle mêmes irresponsables pour se maintenir "gratuitement" dans les lieux le plus longtemps possible.
Or, le MERS a servi d'intermédiaire pour 60 millions de prêts ou de refinancements immobiliers. Aïe ! Personne ne sait dire combien de prêts risques d'être irrécouvrables, ou alors à des coûts de procédure délirants, et combien cela coûtera aux banques, à Fannie Mae et Freddie Mac, etc...
Non, décidément, les ennuis des banques sur le marché de l'immobilier ne sont pas terminés. D'autant plus que masquer ces pertes va devenir beaucoup plus difficile !
Nouvelles normes comptables, l'opération vérité sur les comptes des banques US va commencer
A ce jour, les banques n'ont inscrit ou provisionné que moins de 1 500 milliards de pertes, mais les règles comptables FAS 166 et 167, qui entreront en vigueur début 2010, les obligeront à déclarer de nouvelles pertes au fur et à mesure que des prêts deviendront "non servis" (non performing loans), et surtout, à ramener dans leur bilan de nombreuses opérations jusqu'ici sorties "hors bilan". Bref, les facilités comptables nées de la suspension du Mark to Market en novembre 2008 vont se terminer.
Même Dominique Stauss Kahn, peu suspect d'antipathie pour les interventions publiques dans l'économie, affirme dans le Figaro: "il reste d'importantes pertes non dévoilées : 50% sont peut-être encore cachées dans les bilans. La proportion est plus forte en Europe qu'aux Etats-Unis. Je le redis : l'histoire des crises bancaires, notamment au Japon, démontre qu'il n'y aura pas de croissance vive et saine sans un nettoyage complet du bilan des banques".

Bien que je ne sois pas certain qu'il soit sur la même longueur d'onde qu'un Taleb ou un Zingales quant au choix de la meilleure méthode pour parvenir à nettoyer ces bilans, il a raison quant à l'objectif. Incidemment, la mention, par le directeur du FMI, d'un état des banques européennes encore plus mauvais que celui des banques américaines, ne laisse rien augurer de bon pour le vieux continent, car pour ce qui est des Etats-Unis, la situation est d'ores et déjà suffisamment alarmante.


Conséquences des nouvelles normes ?  Wells Fargo, par exemple, estime qu'en l'état, les nouvelles règles comptables l'obligeront à lever 28 nouveaux milliards de dollars d'ici la fin du premier semestre 2010  pour compenser ses "actifs corrigés du risque" (par les ratios Bâle II) qui réintègreront son bilan du fait du changement de norme comptable. Wells annonce des ventes d'actifs pour tenter de réduire son besoin de capitaux nouveaux en 2010.
CitiGroup a déjà réagi en augmentant son taux d'intérêt pour ses crédits à la consommation à... 30%, ce qui en clair, signifie qu'ils veulent se débarrasser de ces crédits à leur bilan, et en réduire aussi vite que possible le total.
Mais sachant que Wells et Citi ne sont pas les seules, et que les états siphonnent la plus grande part de l'épargne disponible à cause de leurs plans de sauvetage et de relance inconsidérés (voir plus loin), comment ne pas imaginer que certaines banques ne pourront pas trouver les nouveaux fonds propres nécessaires au maintien de leur solvabilité ? Et qui placera son argent dans les plus fragiles ? Toutes les banques n'auront pas, comme Wells, un Warren Buffet prêt à se porter à leur secours.
On peut prévoir que la publication des résultats du Q1 2010 des banques américaines pourrait donner le signal de fin des rallyes boursiers sur les financières, et donc sur les cours en général, à moins qu'auparavant, un évènement de même nature que la faillite de Lehman ne précipite les évènements.
Vers un grand plongeon de la bourse ?
Loïc Abadie, celui qui avait vu et expliqué les mécanismes de la crise à venir dès 2006, sur la base d'une analyse graphique dont il a le secret, estime que le potentiel de baisse des actions des grands indices, et plus particulièrement du Dow Jones, est de l'ordre d'une division par 4 sous quelques années, effet de l'inflation et de la croissance non inclus (naturellement, ces deux phénomènes combinés empêcheront les cours nominaux d'être divisés par 4. On raisonne ici en ratio).
Son argument est de type classiquement Schumpeterien: Le DOW ne prend en compte que 19 très grandes entreprises établies, mais plus l'économie évolue, plus une part importante de la richesse est produite dans un nombre croissant d'entreprises petites et moyennes.
C'est exact, et ce phénomène est parfaitement sain. Cependant, les variations de phase décrites par Loïc se produisent sur environ 20 ans, n'escomptez donc pas une chute d'une telle ampleur dans les 6 mois, malgré les difficultés financières en préparation.
A court terme, on pourrait même observer une certaine résilience des bourses à l'accumulation de mauvaises nouvelles, ce qui fera dire aux mauvais analystes que "la finance est déconnectée de l'économie". En effet, les politiques gouvernementales de sauvetage des grands groupes financiers leurs permettent de continuer à financer les grandes entreprises encore debout, mais le crédit est presque totalement coupé aux PME*, surtout les plus jeunes, et très cher pour les entreprises de taille moyenne.
*Parenthèse : selon de jeunes entrepreneurs de mes relations, la situation est la même en France.
Sachant que dans chaque secteur, un certain nombre de faillites ont déjà eu lieu, et que la politique actuelle, notamment aux USA, empêche les concurrents de petite taille de grandir pour concurrencer les plus grands qui composent les indices boursiers, ceux ci vont retrouver ce que l'on appelle du Pricing Power, "capacité d'augmenter la marge", du fait de la moindre concurrence. Leurs efforts de réduction des coûts leur permettront donc de continuer à dégager des profits, dans une économie à taille globale réduite.
Il ne faut pas se réjouir de ces possibles profits outre mesure: lorsque ces profits sont acquis en rognant sur le "consumer surplus", la différence entre ce que le consommateur est prêt à payer pour un produit, et ce qu'il arrive à trouver sur le marché concurrentiel, alors ces mêmes acheteurs voient leur  propre "marge" diminuer, ce qui réduit leur capacité à ouvrir leurs portefeuilles à de nouveaux produits innovants généralement conçus par de petites et moyennes entreprises.
Nous risquons donc d'observer une phase de ralentissement de la mise sur le marché du renouvellement des offres, et donc de la création de valeur. Par contre, la destruction d'emplois ira toujours bon train.
On peut donc anticiper une poursuite de la hausse du chômage aux USA, non pas en taux par rapport à la population active, facilement manipulable, mais en taux par rapport à la population en âge de travailler (taux d'emploi).
Pour ce qui est de la bourse, je ne puis dire quel phénomène l'emportera à court terme, entre le dégonflage de la "bulle" des financières et le retour à plus de pouvoir de marge pour les grandes entreprises du monde réel. De toute façon, personne ne peut prédire à court terme quoique ce soit avec un intervalle de confiance correct dans cette crise ou les mouvements de court terme des marchés se jouent de toutes les prévisions.
A plus long terme, par contre, le phénomène décrit par Loïc Abadie se produira certainement, quoique l'ampleur en reste à déterminer: Les lois de la gravité existent aussi en économie, et je crois à l'inéluctabilité d'un déclin lent mais tangible des grands mastodontes industriels au profit d'unités plus innovantes, mobiles et capables d'adaptations à des ruptures technologiques de plus en plus fréquentes. 
Les chômeurs californiens ont du souci à se faire
Le déficit cumulé de l'assurance Chômage en Californie atteindra 7,4 milliards de $ pour 2009, et si aucun retournement de tendance économique n'est observé (et ce ne sera sûrement pas la Californie qui tractera le train d'une très hypohétique reprise), ce déficit cumulé pourrait atteindre 27 milliards en 2011.
La législature n'a d'autre choix, semble-t-il, que de baisser les prestations et d'augmenter les cotisations. A moins de revivre un nouvel épisode psychodramatique comme fin 2008 et début 2009, où, faute d'accord budgétaire entre un gouverneur républicain et une assemblée démocrate, l'état avait dû payer ses charges en IOUs, "I Owe You", c'est à dire en reconnaissances de dettes.
Ainsi va l'économie actuelle: elle se réduit en taille, ceux qui restent dans le périmètre, au prix de sacrifices mineurs, vaquent à leurs affaires "as usual", ceux qui sortent du périmètre sont dans une situation difficile et les politiques actuelles ne leur donnent pas beaucoup d'espoir de réintégrer le périmètre de l'économie "saine" rapidement.
Et ne venez pas me dire que tout cela est la faute du vilain système ultra libéral qui exploite les faibles: ce sont bel et bien des décennies d'interventions croissantes des états dans les économies, fiscales et législatives, qui ont créé ce gigantesque capharnaüm (Cf. mon dossier crise). Et particulièrement en Californie, ou les "smart growth policies" ont été un des facteurs déterminant de croissance hors de contrôle de la bulle du crédit immobilier. Mais aussi, et surtout, la Californie est plombée par une dérive ahurissante du coût de son secteur public.
Les fonctionnaires californiens ne connaissent pas la crise, merci pour eux
Parmi les causes de la débâcle financière de la Californie, l'incapacité des gouverneurs successifs (Particulièrement Gray Davis et Schwarzenegger) à remettre en cause les privilèges éhontés des fonctionnaires de l'état du golden state, faisant passer la fonction publique française pour un temple d'ascétisme. Steven Greenhut, qui fut longtemps chroniqueur à LA avant de devenir directeur d'un centre de recherche journalistique à Sacramento, l'explique dans le City Journal, dont je copie-colle des extrait :
One class of Americans is doing quite well: government workers. Their pay levels are soaring, they enjoy unmatched benefits, and they remain largely immune from layoffs, except for some overly publicized cutbacks around the margins. To make matters worse, government employees—thanks largely to the power of their unions—have carved out special protections that exempt them from many of the rules that other working Americans must live by. California has been on the cutting edge of this dangerous trend, which has essentially turned government employees into a special class of citizens.
When I recently appeared on Glenn Beck’s TV show to discuss California’s dreadful fiscal situation, I mentioned that in Orange County, where I had been a columnist for the Orange County Register, the average pay and benefits package for firefighters was $175,000 per year. After the show, I heard from viewers who couldn’t believe the figure, but it’s true. Firefighters, like all public-safety officials in California, also receive a gold-plated retirement plan: a defined-benefit annual pension that offers 90 percent or more of the worker’s final year’s pay, guaranteed for the rest of his life (and the life of his spouse).
As I document in my new book, Plunder!, government employees of all stripes have manipulated the system to spike their pensions. Because California bases pensions for employees on their final year’s salary, some workers move to other jurisdictions for just that final year to increase their pay and thus the pension. Even government employees convicted of on-the-job crimes continue to collect benefits.
Even in these tough times, public employees continue to press city councils for retroactive pension increases, which amount to gifts of public funds for past services. Officials fear the clout that these unions, especially police and fire unions, wield on Election Day.
The story doesn’t end with the imbalance in pay and benefits. Government workers also enjoy absurd protections. The Los Angeles Times did a recent series about the city’s public school district, which doesn’t even try to fire incompetent teachers and is seldom able to get rid of those credibly accused of misconduct or abuse.
A state law referred to as the Peace Officers Bill of Rights, along with excessive privacy restrictions, likewise makes it nearly impossible to fire police officers who abuse their authority.
The media have finally started to take notice, largely because of some impossible-to-ignore financial excesses, particularly the tens of billions of dollars in “unfunded liabilities”—that is, future debt—run up by politicians more interested in pleasing union officials than in looking after the public’s finances. News reports have also focused on scandals at CalPERS, the California Public Employees’ Retirement System, which has faced record losses after making risky leveraged investments in bizarre real-estate deals. (The government pension system encourages such risky behavior: with defined-benefit systems, union members stand to gain if the investments go well, while taxpayers shoulder the burden if they don’t.) Meanwhile, the Los Angeles Times reported on a politically connected insider who received $53 million in finder’s fees from CalPERS, raising questions of pay-to-play deals.
But the real scandal is a two-tier society where government workers enjoy benefits far in excess of those for whom they supposedly work.
Remplacez la Californie par la France, et... Il n'y a pas grand chose à changer, sauf le niveau de salaire des pompiers il est vrai. Les avantages octroyés à la fonction publique Californienne plombent l'état de Californie, tout comme les avantages spéciaux octroyés au secteur public Français plombent les budgets publics hexagonaux. Ce modèle social là, loin d'être universel, est un modèle d'accaparement des fruits du labeur de la majorité par une minorité... Et mène tout droit à la faillite.
Il y a toutefois une différence majeure entre la France et la Californie. Celle ci pourrait bénéficier d'un "bailout" fédéral. La France n'aura personne pour l'aider à surmonter ses erreurs.
Digression franco-française: la gauche gagnerait énormément en crédibilité en "violant" ses clientèles traditionnelles de fonctionnaires et en prêchant l'abandon de ce modèle prétendument social de type corporatiste, en "modèle social universel", à la façon dont les pays nordiques ont réformé le leur dans les années 90, après, justement, la faillite de la Suède ultra-étatisée et corporatisée en 1993. Je reviendrais sur les différences ontologiques entre ces deux modèles dans les semaines à venir, mais en attendant, ceux qui le veulent trouveront de nombreuses références dans le livre de Pierre Cahuc, "la société de Défiance".
John Hussman : la politique de la FED anticonstitutionnelle
La FED pourra-t-elle continuer longtemps à alimenter les politiques de sauvetage tous azimuths par création monétaire ? Au risque d'alimenter des craintes sur le dollar et de précipiter sa chute ?
John Hussman, gestionnaire de fonds déjà cité dans les colonnes d'Oblib, grand partisan des "debt to equity swaps" déjà défendus ici pour déglonfler "en force" les pyramides de dettes inconsidérées bâties par les agents économiques, estime d'une part que les arguments de certaines banques pour minimiser l'incidence des "resets" contractuels sont de purs mensonges, d'autre part, que la FED, en rachetant des actifs pourris des banques ou de Fannie Mae et Freddie mac, là où auparavant elle n'achetait que des bons du trésor, commet une action anticonstitutionnelle en faisant supporter aux épargnants américains le risque de non recouvrement des créances qui constituent ces actifs pourris.
En effet, si la FED créée de la monnaie non pas en prêtant de l'argent aux banques commerciales, qui sont censées le rembourser un jour, mais en rachetant trop cher des actifs douteux aux dites banques, alors elle ne leur prête plus l'argent, elle le leur donne. Et si elle ne recouvre pas les créances associées aux actifs pourris, elle aura dans les fait donné de l'argent aux banques commerciales sans aucune contrepartie en création de valeur, ce qui est purement inflationniste à terme, quand bien même le désendettement des acteurs de l'économie pousserait dans le sens inverse.
Or, nulle part, la constitution américaine ne donne pouvoir à l'état où un organisme de facto sous sa tutelle, de renflouer des prêteurs négligents avec l'argent du contribuable.
L'Audit de la FED demandé par le représentant du Texas Ron Paul, validé par la chambre, et vidé de sa substance par une fort habile campagne d'amendements restrictifs menée par certains sénateurs, surtout démocrates - dont on rappellera que nombre d'entre eux sont très liés à la haute finance - a pour but de démonter ces manoeuvres pour considérablement restreindre les possibilités pour la FED de recourir à des manoeuvres mettant en danger la stabilité du dollar. Mais pour l'instant, malgré le vaste soutien populaire à cette initiative, elle reste sans suite opérationnelle. La FED peut continuer pour encore longtemps à danser avec le dollar sur une corde raide.
L'enjeu va très au delà du simple audit de la banque centrale américaine. Il est de savoir si les USA, et le reste du monde dans sa foulée, vont continuer à essayer de rafistoler une "économie de la dette" qui prend l'eau de toute part, ne faisant que retarder une chute qui n'en sera que plus brutale et menaçante pour la pérennité de certaines démocraties, ou si nous allons enfin engager un changement paradigmatique vers une "société de l'épargne" et de la sage accumulation de capital, seule capable d'assurer une croissance à la fois suffisante et soutenable ? Je reviendrai en détail sur ce concept majeur très prochainement, en attendant, je vous renvoie à un premier essai plus ancien sur la question
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C'est tout pour ce dimanche !

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