Les vacances sont finies

Par Diekatze

Auckland City ! Une ville, une vraie, la seule peut-être véritable ville au sens où on l’entend en Europe. À elle toute seule, elle réunit 32 % des habitants de tout le pays ( ! ), soit 1,3 millions de personnes, ce qui est colossal ici (le pays compte au total 4 millions d’habitants, pour une superficie équivalente à la moitié de celle de la France…). Wellington, qui m’a pourtant tellement impressionnée, fait pâle figure à côté (même si elle possède indéniablement plus de charme).

À l’heure où j’écris ceci, je suis dans un café, au cœur d’une des innombrables galeries marchandes de la ville, à l’intérieur de laquelle il y a un cinéma d’une petite quinzaine de salles, et autour de moi, des personnes travaillent, l’ordinateur portable ouvert à côté de leur capuccino. La ville, quoi !

D’une entrée à l’autre du centre, des hommes et des femmes circulent, le regard triomphant, l’attaché-case ou le tailleur portés comme la bannière de leur civilisation du bruit et de la fureur. Ils ont dans le regard le sentiment de réussite et de pouvoir que leur place dans cette ville leur inspire. Pas de mépris, plutôt de la fierté. Je les plains, d’une certaine façon, parce que moi aussi, il y a peu, je croyais, inconsciemment, que la taille et la renommée de la ville où l’on habite peut augmenter sa valeur personnelle.

Dans un peu plus d’une heure, j’irai voir « Julie and Julia », parce qu’il n’y a rien de mieux, et parce que Meryl Streep. Puis je chercherai l’arrêt de bus (j’ai rendu la Toyota !), pour rentrer dans le placard qui me sert de chambre ce soir. Et demain, je prends l’avion pour… Nelson, ville côtière située au nord de l’Ile du Sud, et qui sera mon fief pour les mois à venir. Les vacances sont finies et dès jeudi je commence à chercher un logement digne de ce nom (un endroit que je pourrai appeler « chez moi » et où je pourrai enfin déballer mes valises).

Tout le monde notera comme, bien dressée par l’institution vénérable qui m’a employée et nourrie pendant 18 ans, j’ai habilement manœuvré pour achever mes vacances au moment où mes congés officiels se terminent eux aussi ! (Applaudissez !) Sans domicile fixe depuis maintenant un mois, je serai dans trois jours SDF et sans emploi (excitant !).(1)

Si je tente un bilan de mon périple, je dirais ceci :

- pluie : trop, beaucoup trop, ce qui m’a valu de rater pas mal de choses.

- émerveillement : et le mot est faible, tant j’ai souvent été émue aux larmes devant la beauté inouïe de ce pays.

- Ile du Sud : pour moi de loin la plus belle des deux iles, au relief plus marqué, au rythme plus lent, et tellement peu peuplée qu’on peut rouler plus de 30 minutes sans croiser d’autre voiture, et où existent de nombreux endroits sans aucun bruit humain (moteur, tondeuse, usine, que sais-je).

- auberges de jeunesse : la vie en communauté ne me convient pas du tout, cela ne surprendra personne, mais en réalité, le confort dépend beaucoup des gérants des lieux. J’ai vu de tout, de l’accueil amical et chaleureux (presque comme une amie de longue date) à la chambre glaciale, sans même une table de nuit, à laquelle on n’accède qu’après avoir traversé une sorte de gymnase, sans parler de l’auberge sale où ni les chambres, ni les toilettes, ni les douches ne ferment à clé (là, je ne suis pas restée).

- accent néo-zélandais : les seules personnes anglophones avec qui j’ai vraiment pu discuter étaient anglaises, américaines ou australiennes. Ces personnes m’ont avoué que lors de leur arrivée ici, elles pensaient que les habitants parlaient un langage inconnu (ce qui m’a rassurée sur mon niveau d’anglais dont je commençais à sérieusement douter). Ici, pour Yes, prononcez Yés, pour Ferry, dites Fiiry, pour Bread (pain) dites Briid, pour Back, dites Bééck et ainsi de suite, et surtout avalez bien la moitié des phrases ! Bon courage !

- nourriture : je pense avoir perdu environ 3 kg (ce qui n’était pas du luxe), tant la « bouffe » m’a peu inspirée jusqu’ici (œufs et bacon à toutes les sauces, ou fritures variées). De plus, changeant de lieu tous les jours, je ne peux pas faire de vraies « courses », les repas que je me prépare sont donc très succincts et sans intérêt particulier. Là aussi, vivement un « chez moi ». J’avoue tout de même avoir fréquenté peu de véritables restaurants, par souci d’économie. Mais je compte bien me rattraper !

- gentillesse : même ici à Auckland, grande métropole, la gentillesse est de rigueur. Sourire, patience, regard franc. Lorsqu’on vous demande votre nom, c’est en réalité votre prénom qu’on veut connaître, c’est par votre prénom qu’on vous appellera, et sous votre prénom qu’on enregistrera vos réservations. Dans la rue (sauf dans les grandes villes évidemment), sur les chemins, on se salue (Hi ! ou bien Hey there !), et lorsqu’on se bouscule accidentellement, on se sourit, voire on papote (enfin, ils papotent, et moi je dis « sorry » avec un air parfaitement débile vu que je ne les comprends pas). Ils n’ont pas volé leur réputation de « friendly ».

Conclusion : j’aime ce pays, infiniment, et j’ai hâte de découvrir ses habitants au cœur, en partageant un peu de mon quotidien avec eux. Partout ici, je me sens calme et en sécurité. Nulle part on ne retrouve la frénésie française, pas même ici à Auckland. Je sais que, si je galère pour quelque chose, je vais trouver quelqu’un qui va gentiment m’aider et m’expliquer, et je peux partir seule pour une randonnée de 3 heures en pleine nature (ou pisser dans les lacs !) sans craindre une mauvaise rencontre.

Bientôt, je vous parlerai de Nelson.

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(1)   Excitant dans mon cas particulier, s’entend. Loin de moi l’idée de croire que ceux qui subissent ce sort puissent s’en réjouir.