Vestine, une légende noire. De Virginie Jouannet Roussel

Par Goliath @Cayla_Jerome

Vestine, une légende noire. De Virginie Jouannet Roussel

Il est des actes qui nous révoltent, il est d’autres mœurs, car nous ne vivons pas tous dans le même siècle, bien que nous ayons les mêmes armes.

Vestine, une légende noire est de ces livres dont on ne sort pas indemne, qui à jamais marque un lecteur. Cette histoire racontée avec des mots simples et des images fortes, s’ancre en nous comme nulle autre. Vestine décrit les émeutes de son pays, la perte de ses repères, un monde qui s’écroule avec des mots durs, mais qui restent chargés de tendresse et emprunts d’enfance. Vestine c’est la pureté même dans une intolérance aveugle, qui nous relate des faits déjà anciens, dont à l’époque on mesurait déjà le drame.

Avec Vestine, jamais plus on ne pourra dire « je n’avais pas compris » !

Il fallait une force peu commune pour continuer de vivre quand tous disparaissent autour d’elle, les siens, les autres, sa sœur et plus encore… Il fallait aussi bien du talent pour mettre des mots sur de telles ignominies, Virginie Jouannet Roussel l’a fait.

Merci à elle, ce livre est une belle leçon de courage…

Il est presque dommage que cet excellent livre soit en livre junior, et non tous public !

Chez Actes Sud Junior, 7,80 euros, ISBN : 978-2-7427-8599-5

Attention, commandez ce livre chez un libraire si vous le voulez vraiment ! Je l’ai commandé à la FNAC et cinq semaines plus tard elle me remboursait … Je l’ai alors commandé chez un libraire et je l’ai reçu en 24 heures !

Source : Virginie Jouannet Roussel :


Une jeune femme noire, 27 ans environ est assise sur un canapé. A côté d’elle une jambe, posée sur un coussin… 

 extrait « Il faut dire que le type en question était un antillais à peau bleue et moi les nègres je ne pouvais plus les voir en peinture, tous des soldats et des tueurs alors quand le facteur sonnait à la porte je courais me planquer dans l’armoire, j’aurais rampé rien qu’à l’idée qu’il me touche, il portait sûrement une arme dans son sac, il pouvait nous arroser à tout moment, tchak-tchak-tchak, avec son sourire et sa peau bien cirée, mais moi je savais, je la connaissais la joie des hommes en armes, quand ils rient et tirent dans les têtes, comme des ballons ou des pastèques, tchaktchak-tckak, ils rient au feu d’artifice des têtes éclatées ! » 

extrait : « J’avais appris à parler français et c’est comme si les mots chassaient l’Afrique. Je lisais Zola, Mon bel oranger, des histoires de Rois Louis, de Révolution Française; à la télé je regardais les pubs où des jeunes habillés comme des sacs rivalisaient en Nike, Adidas, Schott et j’embrouillais les marques, j’embrouillais le monde, un jour à baigner dans le sang des morts, un autre à rêver devant un paire de baskets vraiment trop cool. A l’école –direct en CM1- une dame martelait que les plaques de dix forment une centaine, que le verbe fait l’action, que trois fois quatre égale douze. En Afrique, j’avais appris des choses qui n’existaient pas ici. Des choses violentes. Que la colère germe comme des petits haricots rouges dans le cœur des soldats. Que la mort frappe en plein jour, et qu’elle pue. »

Vestine Mukagataré “celle qui vient de la pierre” raconte pèle-mêle les vaches alsaciennes, Nine et ses drôles de cigarettes mauves, les règles de grammaire, la course pour ne pas mourir, la thérapie avec le bon docteur Bernstein, l’amputation, les trous dans la mémoire pointilliste, les stigmates qu’elle porte gravés sur sa peau, les bébés rouges ou les corps carcasses… Et le monologue jaillit, interpelle, avec au coeur du récit, comme une plongée en apnée, les cinq jours terribles où Vestine se perd dans l’enfer du génocide rwandais. 

J’ai voulu aller sous la peau pour dire l’indicible, mêler la lumière au sombre pour raconter l’histoire de Vestine. Il m’a fallu travestir l’intime, prendre de la distance avec la Vestine trop familière pour aller toucher, chez moi et l’autre, la justesse d’une cadence, d’une voix…

Virginie Jouannet Roussel