Les Bureaux de Dieu de Claire Simon

Par Laterna Magica

Quinzaine des réalisateurs, Cannes 2008

Il y a en ce moment dans vos salles, un film absolument miraculeux et important, Les Bureaux de Dieu. Il peut être difficile pour un homme que d'évoquer ce film, mais il est fondamental que les hommes s'intéressent eux-aussi à ce petit univers.

Tout se déroule entre les murs d'un établissement du planning familial. Les femmes, jeunes ou moins, se préoccupent de leurs grossesses encombrantes, ou cherchent le moyen de la prévenir. Elles racontent leurs histoires, toujours très singulières, et dialoguent avec des conseillèrent à l'écoute de leurs problèmes.

Le film est admirable à plusieurs titres. Parce qu'il pose une grande variété de problématiques et les interroge. C'est notre rapport à la société en général qui est aussi en cause. Evidemment, ce sont d'abord des destins personnels qui sont ainsi scrutés. Chaque expérience est on-ne-peut plus intime et se gère au cas par cas.

Les femmes qui viennent trouver des réponses à leurs questions en cet endroit, sont toutes très différentes. Très jeunes, ou très expérimentées, fragiles, malades, ou parfaitement en forme. Elles viennent d'horizons sociaux très larges, de quartiers défavorisés aussi bien que de la bourgeoisie. Les personnes défilent et permettent un brassage des profils. L'enjeux réside à chaque fois dans le dialogue, car il est trop important pour être résolu sur un coup de tête. Une grossesse, celà a fatalement des conséquences intimes et sociales et aucune femme n'est égale à ce sujet par rapport à une autre.

Les travailleurs sociaux sont de l'autre côté de la barrière. Leur travail pédagogique et d'écoute est impressionnant autant que déterminant. Pour autant, ces femmes - car il s'agit surtout de femmes - ont elles aussi des profile très différents les unes des autres, ont une expérience singulière de la vie qui leurs sont utiles dans leurs travaux sociaux.

On imagine assez bien que chacune des spectatrices du film réagira à sa manière par rapports à tous ces témoignages. Toutes devraient se reconnaître  à un moment donné dans ces portraits. Peut-être aussi, ce film est une belle porte d'entrée pour les adolescentes qui hésitent encore à se livrer aux conseillères du Planning.

Et puis, si les hommes sont rares dans ce microcosme, ce n'est pas si normal que ca. Il est souvent question d'eux puisqu'ils sont les pères. Les hommes sont souvent exclus, ou s'excluent d'eux-même, de ce processus, mais leurs présences ne seraient pas forcément toujours encombrantes. Il n'est pas non plus évident pour un homme d'appréhender toutes ces questions qui peuvent tourmenter leurs compagnes, leurs soeurs, leurs mères. Voila donc pourquoi Les Bureaux de Dieu n'est surtout pas un film de bonnes femmes, mais un film qui s'adresse plus que jamais à tous.

Le film de Claire Simon est basé sur des témoignages recueillis  entre 2000 et 2007. Les questions semblent toutes abordées. Le film est en tout cas profond est passionnant. D'autant plus passionnant que chacun des rôles est incarné à la perfection. Car si les travailleurs sociaux sont joués par des acteurs reconnus (Nathalie Baye, Isabelle Carré, Rachida Brakni, Nicole Garcia, Anne Alvaro, Michel Boujenah, Lolita Chammah, Emmanuel Mouret), les visiteuses sont elles incarnées par des actrices dans leurs premiers rôles. Et elles sont toutes admirables. Ainsi naît l'émotion, car la sincérité des témoignages, la façon parfaitement naturelle dont ils sont contés, renforcent le côté à fleur de peau du film.

Les Bureaux de Dieu ressemble à tous points de vues à un documentaire même s'il fictionnalise une réalité entendue par ailleurs. Le dispositif de mise en scène est donc parfaitement adapté au contenu. En apparence, un constant champs/contre-champs, mais en caméra portée. La caméra est libre, son oeil attentif à certains détails dans les comportements. Et aussi, Claire Simon suscite le désir via sa mise en scène ; juste le désir de voir ce qui se passe hors-champs. Parfois, la caméra reste longtemps braquée sur une conseillère et le témoignage n'est entendu qu'en voix off. Le désir de contre-champs se manifeste naturellement. L'histoire nécessite une incarnation. Le contre-champs finit par arriver et révèle avec plus de force encore le caractère du témoin : le spectateur est ainsi forcé de se forger une opinion d'abord par le témoignage, avant ses préjugés liés aux physiques de toutes ses femmes. La caméra exclue aussi souvent les accompagnateurs, plus ou moins relativement. Les accompagnateurs sont pourtant essentiels mais s'ils sont exclus en partie par la mise en scène celà a à chaque fois du sens. Toutes ces femmes sont d'abord refermées sur elles-même parce que leur interrogations sont trop intimes. Le travailleur social permet l'éveil, un partage, une ouverture. Et les accompagnateurs, lorsqu'ils sont exclus par la mise en scène, ne le sont pas trop longtemps car au bout du compte il est nécessaire que ces femmes comprennent qu'elles ne sont jamais complètement seules.

B.T

   

Les Bureaux de Dieu - Note pour ce film : Réalisé par Claire Simon
Avec Anne Alvaro, Nathalie Baye, Michel Boujenah, ...
Année de production : 2008
Sortie française le 5 novembre