les derniers animistes d'Europe

Par Maaxtal

Article du monde ,qui explique que dans certaines plaines retirées de la Volga,on pratique aussi le sacrifice,de beaucoup d animaux ,autres que le mouton.

http://www.lapetition.be/petition.php?petid=5553
signez notre petition pour mettre fins a des pratiques plus que moyen ageuses

A 800 kilomètres à l'est de Moscou, le peuple mari, d'origine finno-ougrienne, perpétue ses traditions religieuses païennes en dépit de la pression de l'Eglise orthodoxe et des autorités locales. Au bout de la mauvaise route qui serpente dans la République des Maris-El, le petit village de Mari-Türek ne se distingue en rien des milliers de bourgs oubliés par le temps dans la Russie. Sans industries, la région sommeille à l'écart des grands axes de circulation du district fédéral de la Volga.

Les plaines interminables de cet endroit reculé recèlent pourtant des centaines de lieux de culte, invisibles aux yeux du voyageur pressé. Car dans la religion traditionnelle du peuple mari, foin d'églises : on y pratique son culte dans les rocha, ces petits bois isolés que l'on aperçoit parfois de la route. La République des Maris-El compte plus de 400 rocha sacrés, parfois minuscules, parfois grands comme de petites forêts.

En ce samedi d'automne, c'est justement la veille d'une grande cérémonie religieuse. Au bout d'un chemin de terre, à l'orée de la forêt, Albert Roukavichnikov veille aux derniers préparatifs. Barbu, affublé d'un haut chapeau blanc tissé et d'énormes bottes, le petit homme est pareil à un lutin sorti du bois. Âgé d'une soixantaine d'années, c'est l'un des karta, les prêtres de la religion traditionnelle marie. Il nettoie avec l'aide d'une dizaine d'hommes une vaste clairière, dispose de grandes marmites autour de celle-ci et coupe quelques branches, avant de psalmodier une courte prière dans cette étrange langue gutturale d'origine finno-ougrienne, "pour implorer les Dieux de préserver la cérémonie de demain du mauvais temps".

Car la religion pratiquée par les Maris compte plusieurs dizaines de divinités, liées à la nature et dominées par Iouma, qui correspond au Dieu suprême. Ce petit peuple de 700 000 habitants, dont 300 000 vivent au sein de la République des Maris-El, a maintenu ses traditions religieuses en dépit des pressions exercées par la Russie tsariste, le régime soviétique et les autorités actuelles de l'Eglise orthodoxe. Linguistiquement proche des Estoniens et des Finlandais, les Maris forment un peu moins de 50 % de la population de leur République. Selon les organisations culturelles maries, environ la moitié des Maris pratiquent aujourd'hui le culte traditionnel, parfois en parallèle avec la religion orthodoxe empruntée au peuple russe, qui constitue l'autre moitié de la population de la République des Maris-El.

Ce dimanche, ils sont quelques centaines à affluer vers la forêt de Mari-Türek dès les petites heures du jour. On vient d'un peu partout, parfois même de la diaspora marie, comme en témoignent les plaques minéralogiques des voitures parfois originaires de la lointaine République de Khanty-Mansiïsk, à 1500 kilomètres au nord-est, un voyage de deux jours.

La lente cérémonie se met en branle. Les fidèles entrent dans la forêt par un porche improvisé, recouvert d'une étoffe blanche. La plupart des familles traînent un sac qui émet des sons étranges : "ce sont les oies qui seront sacrifiées pour les Dieux", explique un fidèle avec sa poche de jute animée. "L'âme des animaux sacrifiés s'envolera, puis après le repas, il faudra brûler les restes de viande, afin que ces animaux se rematérialisent au ciel." En plus des oies, un bouvillon et un mouton seront également sacrifiés.

Aujourd'hui, trois karta veillent à la bonne tenue de cette cérémonie. Lors de la mise à mort, entrecoupée de litanies et de conjurations, ce sont eux qui pourront témoigner de l'envolée de l'âme des animaux. Les hommes vont ensuite dépecer les viandes, cuisinées dans un bouillon clair. Les femmes, elles, accumulent sur les tables des montagnes de crêpes grasses qui constituent l'autre mets sacré de la cérémonie. Un quatrième karta trône au milieu de la clairière. Son rôle est important : il distribue du kvas, une boisson de céréales légèrement fermentée, en bénissant les fidèles contre quelques billets qui financeront l'achat des bêtes sacrifiées.

Il faudra plusieurs heures avant que la véritable cérémonie ne commence. Vers midi, dans un coin de la clairière, l'un des trois karta improvise une longue série de psaumes rythmiques, entouré de ses fidèles agenouillés. Le deuxième karta commence à son tour la prière, puis le troisième, éloignés les uns des autres de quelques dizaines de mètres. Une fois la longue incantation terminée, tous se réunissent autour des tables pour manger la soupe et une quantité impressionnante de pain et de crêpes.

"Les Maris vivent en communion avec la nature : ces rituels nous permettent de remercier les dieux pour cette communion", explique Mikhaïl Aïglov, un homme d'une quarantaine d'années au regard rieur et à la moustache saillante. Un peu jeune pour être karta, il est cependant considéré comme "respectable", ce qui lui permet d'organiser la cérémonie aux côtés des anciens. "La moindre molécule sur terre est partie de la nature, et tout ce qui est nature est divin. Lorsque nous nous réunissons en grand nombre comme aujourd'hui, cela permet de générer une puissante énergie cosmique", explique Micha, par ailleurs gardien de sécurité dans le civil.

Encore aujourd'hui, la religion traditionnelle marie est vue d'un mauvais oeil par la puissante Eglise orthodoxe russe, soutenue par les autorités locales. Vitali Tanakov en sait quelque chose. Lui-même karta, il a voulu publier en 2006 un ouvrage religieux, traitant de "l'énergie cosmique" et "des trois aspects de l'âme". Mal lui en prit : son livre n'a pas pu être édité, ayant été taxé de "littérature extrémiste", une condamnation judiciaire souvent utilisée en Russie à l'encontre des opposants politiques. Ennuyé un temps par le FSB (ex-KGB), l'homme ne décolère pas : "Nous ne demandons rien, nous ne voulons pas d'argent ; nous voulons seulement qu'on nous laisse tranquilles."

A Iochkar-Ola, dans les bureaux de l'éparchie, le centre administratif orthodoxe en République des Maris-El, le Père Vladimir planche sur des textes liturgiques traduits en langue marie au début du XXe siècle, que l'Eglise souhaite réécrire en mari contemporain. Pour lui, la religion marie n'existe pas : "Ce sont des croyances de grands-pères, c'est quasi inexistant aujourd'hui." Selon le Père Vladimir, "80 % de la population de la république est orthodoxe". Et les autres ? "Ce sont des Tatars, des musulmans..."