Immigration, xénophobie, débat douteux : le rôle indispensable de la presse

Publié le 02 décembre 2009 par Vogelsong @Vogelsong

Comment justifier l’indispensable rôle d’analyse et de recul de la presse, et à ce point, se vautrer dans la fange comme le font les journalistes sur la votation suisse à propos des minarets ? En phase avec le sujet gouvernemental du moment, l’identité nationale, les joueurs de tam-tam médiatiques n’ont pas eu à se faire prier pour donner une résonance assourdissante à ce qui, tout au plus, était une votation démocratique. Une valeur tout à fait relative selon le sujet et le résultat dans les contrées civilisées.

Sur les ondes de France inter le 1er décembre, R. Dati députée européenne conservatrice dispose d’une demi-heure pour faire la preuve (pour qui y prête vraiment attention) de sa fatuité et de son incapacité à comprendre autre chose que la stratégie d’ascension personnelle dans les alcôves du pouvoir. N. Demorand lui passe aimablement les plats sur le sujet attendu, la votation helvète. Refusant de s’exprimer sur le fond, l’ex-favorite de l’Élysée déclare qu’il s’agit d’un vote démocratique incontestable. C’est la grande nouveauté en France, la voix d’un peuple serait indiscutable ! À ce propos, la brochette de journalistes europhiles ne relèvera pas que lorsqu’il s’agit de l’hexagone, démocratie moraliste, phare de la pensée des lumières, on se soucie peu d’un référendum largement écarté par une population rétive aux ouvertures mirifiques et consensuelles de l’Eurocratie. Non. Au lieu de cela, on pratique le massage médiatique à base d’expertise de la “beurrette” qui a réussi et dont le point de vue sur l’Islam, donc de l’intégrisme est irréfragable. Le journalisme d’entertainment a atteint la masse critique du marketing éditorial. On ne se soucie plus des sujets et de la manière dont on les aborde. On applique juste la méthode qui veut qu’en complète conjonction avec l’agenda du pouvoir, un thème pile dans la cible soit porté jusqu’au pinacle. Le même jour par exemple, Libération consacrera un dossier complet à E. Besson. Le Figaro, jamais en reste, fait les gorges chaudes de ce type de construction polémique avec une rédaction en quasi-liesse titrant “Le débat sur l’Islam rebondit en France”. C’est à la traîne du pouvoir, sanglé d’œillères, que sur toutes les ondes on ressasse jusqu’à la nausée ces thèmes crasseux. On peut pourtant se douter que les magnifiques plumes qui composent l’aréopage médiatique français sont assez sagaces pour percevoir les montages de communication distillés par les “spin doctors” autour du pouvoir. Pourtant limpide, depuis quelques semaines. On a commencé par lancer un débat “sans tabous” sur la burqa, 500 cas référencés par les renseignements généraux. Une bonne occasion de ressortir l’épouvantail E. Raoult, vieux compagnon de route de l’extrême droite. Puis E. Besson déclare ouverte la messe nationale sur l’identité française dont l’ambiance sonore est agrémentée des Caterpillar de la jungle et des immigrés noirs avec travail, mais sans papiers et braillant dans les rues. Il suivra la polémique Ndiaye qui va remettre définitivement en selle E. Raoult. TF1 n’est pas en reste, l’emblématique H. Roselmack dégaine son reportage de fabrication maison sur l’abattage à domicile d’un mouton pour l’Aïd. Le journalisme avachi a de beaux jours. La votation suisse, comme une bénédiction finira (pour l’instant) de baigner ce spongieux débat. Les immigrés ont du mal à passer les frontières, il n’en est pas de même pour les questions douteuses. Les douaniers de l’information ont grand ouvert les barrières, quitte à provoquer un appel d’air fétide.

Pas sagace du tout, ou bien complaisante, la presse ? Plutôt à l’agonie. Elle se meurt, avec elle sa capacité à offrir aux citoyens qui cherchent, une perspective intelligente et raisonnée. Il suffit d’écouter geindre les caciques des médias “mainstream” promettant une information en profondeur et de qualité. Il suffit de les écouter vitupérer sur les égouts d’Internet. Le cloaque aujourd’hui c’est le tout venant de la médiacratie en perdition financière qui se raccroche à ce qu’elle peut, des bâtons merdeux transmis par le pouvoir comme des témoins d’une vie politique qui s’étiole.

Vogelsong – 1 décembre 2009 – Paris