La croisade environnementale de Sarkozy et Lula : le lobby nucléaire se frotte les mains

Publié le 03 décembre 2009 par Unmondelibre

Hicham EL Moussaoui le 3 décembre 2009 - Jeudi 25 novembre, M. Sarkozy s’est rendu à Manaus au Brésil afin de rallier les pays amazoniens et du Commonwealth au texte signé avec Lula le 14 novembre dernier. Cette initiative franco-brésilienne s’inscrit dans les efforts, très médiatisés, du président Sarkozy afin de faire adopter un accord sur la limitation des émissions du dioxyde de carbone à Copenhague. Les partisans de la lutte contre le réchauffement climatique se réjouissent sans doute de cette agitation médiatique et diplomatique. Mais, la croisade de M. Sarkozy au profit du réchauffement climatique est-elle désintéressée et animée uniquement par la préservation de l'avenir des générations futures ?

Lula-Sarkozy une alliance pour le changement ?

M. Sarkozy émet beaucoup de CO2 à sillonner la planète pour tenter de convaincre les pays asiatiques, africains, du Commonwealth, d’adhérer à l’accord franco-brésilien. Mais, derrière leur position climatique, Lula et Sarkozy c’est aussi des accords commerciaux sur le Rafale ou les sous-marins nucléaires représentant des enjeux financiers énormes.

En effet, en mal de ventes, le chasseur Rafale de Dassault a trouvé preneur chez les brésiliens en échange de garanties et de concessions sur le transfert technologique. Dans le même deal le président Lula aurait promis de donner un coup de main à M. Sarkozy dans sa quête de soutiens au projet de la conférence de Copenhague… qui va ouvrir le marché international du nucléaire civil aux industriels français. D’ailleurs, cela commence par le Brésil puisque il s’agit aussi de la vente de quatre sous-marins Scorpene, et le développement du futur sous-marin nucléaire d'attaque brésilien. Cette alliance climatique sur fond commercial et militaire, impliquant une approche et une évaluation commune des changements climatiques, traduit une convergence manifeste d’intérêts puisque ça permettra à la France de vendre plus de nucléaire et au Brésil de vendre plus d’éthanol qui produit … pas mal de CO2.

Diplomatie du climat : nouvelle diplomatie des affaires

Si l’on admet que la conférence de Copenhague réussit à amener les différents pays, notamment émergents à signer un accord contraignant, cela signifie qu’ils doivent mettre en place des alternatives énergétiques. Ainsi, l’Inde et la Chine subissent des pressions politiques très fortes et seront obligés de renoncer à l’utilisation de leurs réserves de charbon trop polluantes. Et que serait l’alternative la plus compétitive pour la production d'électricité sans C02? Le nucléaire, bien sûr. Les écologistes apprécieront.

Il y a quinze ans, quand on ne parlait pas encore de l’effet de serre, il n’y avait presque plus de centrales en construction. A travers sa campagne pour le réchauffement climatique, Nicolas Sarkozy ne tente-t-il pas de relancer le secteur nucléaire ? L’initiative franco-brésilienne n’est-elle pas en réalité qu’une campagne de démarchage de clients potentiels du nucléaire ? En effet, à côté des arguments discutables d’indépendance énergétique et de compétitivité, la lutte contre le réchauffement climatique est devenue, pour le président Sarkozy transformé en VRP de luxe pour l’industrie nucléaire, un argument de vente redoutable - tout comme l’est le « droit » des pays du Maghreb et du Moyen-Orient à accéder à la technologie nucléaire civile.

Ainsi, on comprendrait mieux l’insistance de Nicolas Sarkozy en faveur de l’Union pour la Méditerranée afin de vendre les centrales d’Areva et de contrôler les approvisionnements énergétiques de la France, notamment en Algérie. L’implication personnelle du Président Sarkozy ainsi que du Secrétaire de l’Elysée M. Guéant sur le dossier d’appel d'offres lancé en 2008 par l'émirat d'Abou Dhabi estimé à 26,8 milliards d’euros en dit long sur les motivations « environnementales » du Président Français.

Éclaircissements

Cela pourrait aider à comprendre pourquoi le Président français n’a pas réagi au coup d’Etat constitutionnel et les crimes contre les rebelles touaregs du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ) perpétré par le président nigérien Tandja. M. Sarkozy et les industriels du nucléaire français, craindraient-ils pour leur approvisionnement en uranium ? En effet, Areva a signé le 5 janvier dernier avec le gouvernement du Niger une convention qui attribue au groupe nucléaire français le permis d'exploitation du gisement d'Imouraren, la mine d'uranium la plus importante de toute l'Afrique et la deuxième du monde.

De même la bénédiction du nouveau président gabonais ne serait-elle pas en fait que le prix à payer pour garantir l’approvisionnement en uranium gabonais et entretenir ainsi les ambitions nucléaires françaises, surtout que la concurrence avec les américains et les russes fait rage autour des marchés des pays émergents (Chine et Asie du Sud-Est, Inde, Afrique du Sud, Brésil, Turquie, etc.) ?

Lorsque le Président Sarkozy lance un vibrant appel à la convergence progressive des politiques énergétiques européennes vers un modèle commun, c’est le nucléaire qu’il voudrait voir généralisé en Europe et ailleurs. Les ambitions françaises sur le marché nucléaire mondial ne font plus de doute depuis que l’agence « France nucléaire international » a été crée en 2008 pour promouvoir à l'étranger le savoir-faire français en matière de nucléaire civil (le directeur de cette nouvelle agence est nommé par les ministres chargés de l'Energie et des Affaires étrangères). Par ailleurs, le nucléaire implique des investissements complémentaires en construction, et on connaît la proximité du Président avec le groupe Bouygues…

Notons au passage le lien entre diplomatie, environnement et économie : la noble cause de la lutte contre le réchauffement climatique n’est-elle pas une manière déguisée de faire de la diplomatie économique ?

Le président Sarkozy n’a-t-il fait de l'exportation de la technologie nucléaire française une de ses priorités diplomatiques et commerciales ? Si la conférence de Copenhague débouche sur un traité (peu probable) ou des engagements politiques fermes sur le CO2 et si les ventes de voitures électriques décollent comme promis durant la prochaine décennie, les industriels du nucléaire ont un boulevard devant eux. On a beaucoup parlé des intérêts pétroliers contre Copenhague, mais on en avait oublié d’autres pour…

Hicham El Moussaoui est analyste sur www.UnMondeLibre.org.