D'un Même Cœur

Par Pause Toujours

Il fait gris. En passant boulevard Saint Michel à Paris, je jette un œil sur les bacs à rebuts de Boulinier. Geste machinal, quasi systématique... une certaine attirance pour le vilain papier, pour les vieilles couvertures, un besoin impulsif, que sais-je encore, la maladie du livre.
Les Voyous attendent leur terrible destin: un livre aux feuilles jaunies et cassantes; un livre dépouillé de toute couverture; un livre qui s'apprête à finir sur le trottoir mouillé et dont tout le monde se fout.
- ramasseurs de mégots; récupérateurs de livres... à chacun sa misère, à chacun son époque -
Les derniers étudiants du quartier s'agglutinent autour des comptoirs à sandwichs et à crêpes d'où s'échappent des vapeurs odorantes et sucrées.
Au moindre va-et-vient, à chaque mouvement de mains, les Voyous se brisent un peu plus, leur dos fatigué se déchire; de l'avant en arrière, un curieux les redresse, belote et rebelote, comme la main balaie les touches d'un piano de bastringue, les livres dominos attendent leur prochain maître. Et dix de der! Fatalitas! C'en est fait de leur triste destin.
Un nuage de bohémiennes écoule sa litanie larmoyante dans les ruelles pavées et caresse les sacs des touristes nombreux. Les "Voyous" finiront griffés par le vent froid et quelque talon haut de parisienne égarée.
Je pense à l'automne, aux arbres dénudés... Jean Follain... pourquoi Jean Follain?
Mon regard s'arrête sur un livre relié que je ne lirai sûrement jamais ou alors un jour de grande mélancolie. Vingt centimes... je tourne quelques pages... je souris... je pars... je reviens sur mes pas: vingt centimes pour une curiosité.
Je vous fais partager quelques scans et délaisse les Voyous.


- Monsieur -
Un coeur nouveau
de Alexander Baron
Préface d'André Maurois
éd. Hachette 1950