L'avenir du livre : l'édition sous la forme de flux ?

Par Saguay

Dans son billet «Le flux est l’avenir du livre», Hubert Guillaud, entrevoit l'avenir de l'édition de livre dans un format web accompagné de flux personnalisés. Il souhaite que le livre ne soit plus un simple fichier PDF fermé, aussi fermé que l'est un livre papier. Il écrit : «Le contenu transformé sous forme de fichier qu’on lit depuis une interface dédiée coupée de ce qui fait la richesse de l’internet m’intéresse peu.»

Bref, quant à lire un livre à l'écran, aussi bien le faire avec tous les avantages du web, ce qui implique, non plus, de publier le livre sous la forme d'un fichier électronique mais plutôt directement sur un site web adapté. Parlant des nouveaux formats numériques, il écrit : «Ces nouveaux formats ne sont pas adaptés à la lecture web, à la lecture à l’écran, avec les possibilités communicationnelles des écrans. Ces images de livres (le fameux pdf) n’ouvrent pas suffisamment de possibilités en terme d’interaction. Ils demandent de s’immerger dans un document, sans bénéficier des possibilités communicationnelles et relationnelles qu’a inventé le web : ces documents ne sont pas citables autrement que dans leur entièreté, ne proposent pas d’interactions poussées (difficiles à annoter, à partager, à commenter), ne sont pas indexables, mixables, cherchables, scriptables… Ils demeurent des silos, assez semblables à ceux que le papier a produit, hormis pour ceux qui les produisent.»

Hubert Guillaud est à la recherche de la nouvelle relation promise entre l'auteur et ses lecteurs, une relation que seul le «format web» (livre publié sur le web) peut permettre : «L’avantage que je vois de passer au format web est également de proposer un autre contrat de lecture par rapport à la lecture classique que le pdf singe. Le pdf que l’on lit sur une liseuse ou sur un ordinateur vient directement concurrencer notre lecture traditionnelle. Il propose la même posture de lecture, le même éloignement à la page, la même posture, la même coupure, le même isolement. Or si le plus important est de créer une nouvelle relation avec le lecteur – et je pense que c’est le plus important -, ces outils ne servent à rien. Il faut qu’ils permettent – aussi, et ce aussi est important, car cette autre forme de lecture n’est pas contradictoire avec la première – une autre relation : la même que celle que nous propose le web. Celle qui donne du pouvoir à l’échange, au lecteur, au rapport auteur/lecteur.»

Pour ce faire, l'analyste bien connu propose de partir d'une solution rendu disponible par l'Institut pour le futur du livre, CommentPress : «CommentPress est un logiciel basé sur Wordpress qui permet d’intégrer un livre, de respecter son découpage et de le donner à lire sous forme web. Développé par l’Institut pour le futur du livre, c’est l’une des meilleures formes web qui soit pour offrir un contenu de type livre en ligne. Pour ma part, j’ai pris plaisir à lire plusieurs livres dans cette forme, parce que justement, je m’y sentais libre… Libre de réagir, de piocher, de citer… Libre de tisser des liens en commentaire vers d’autres contenus, libre de suivre les liens proposés dans le corps du texte. Et libre de me concentrer sur la seule lecture, sans distraction aucune.»

Voici un exemple d'un livre publié sur le web avec CommentPress : Planned Obsolescence.

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Voici les options de CommentPress

affichées en haut à droite de la page

(Absent sur l'image : la fonction «Recherche»)

Ce sont ces options qui rendent le format web intéressant. Le lecteur peut laisser des commentaires et participer aux discussions sur un blogue. Mais Hubert Guillaud soulève un point primordial : «Reste que le livre qu’on y dépose dans sa globalité devient vite un site statique, sans actualité autre que les commentaires. La vie y disparaît puisqu’il ne produit pas de flux. Or, le flux, c’est la vie. Le flux, c’est les lecteurs. Le flux c’est ce qui amène à la lecture sur le web. C’est ce qui fait participer.»

Le «flux» peut se définir en ces mots : «Plutôt que de naviguer sur plusieurs sites pour en suivre l' actualité, la technologie RSS vous permet d'être informé dès qu'un nouveau contenu est mis en ligne sur l'un de vos sites préférés.» (Source)

«Flux RSS : comment ça marche ? Grâce au flux RSS, plutôt que d’aller tous les jours sur le blog pour voir s’il y a un nouveau billet, ce sont les nouveaux billets qui viennent à vous ! Explications. En vous abonnant au flux RSS du blog, dès qu’un nouveau billet est publié vous en êtes informés. Mais comment ça marche exactement ? Pour faire simple, au lieu que ce soit vous qui alliez à l’information, c’est l’information qui vient à vous. Beaucoup d’internautes utilisent un lecteur de flux RSS comme par exemple Google Reader, My Yahoo, Netvibes, etc. Ils facilitent la lecture de vos sites préférés puisque ce sont eux qui vous préviennent lorsque ces derniers sont mis à jour. Une autre alternative, encore plus simple, s’offre à ceux qui utilisent comme navigateur Internet Explorer 7 ou Mozilla Firefox, car le flux RSS est alors lisible directement dans les barres de navigation (pour ceux qui veulent en savoir plus, vous pouvez lire ces articles :

http://fr.wikipedia.org/wiki/RSS_%28format%29

http://www.commentcamarche.net/www/rss.php3

Source

On trouve sur ce site un tel flux. L'internaute intéressé peut s'abonner à ce flux et recevoir chaque nouvelle information ajoutée. Autrement dit, l'internaute n'a pas à venir vérifier sur le site de la Fondation littéraire Fleur de Lys si une nouvelle information est publiée, il se réfère au flux du site par le biais de son lecteur de flux. Il peut ajouter autant de flux de différents sites qu'il souhaite suivre dans son lecteurs de flux. Il gagne ainsi un temps précieux en navigation sur Internet. Il ne se rend sur un site que si la nouvelle information signalée dans son lecteur de flux l'intéresse.

On trouve aussi des flux associés à la publication d'article ou de billet sur le web de façon à être avisé d'un commentaire s'ajoutant au vôtre. Si vous laissez un commentaire au sujet d'un article, vous serez informé de tout autre commentaire inhérent au vôtre, une information qui vient généralement par courriel avec un lien pour répondre au commentaire ajouté.

Voilà donc pourquoi Hubert Guillaud affirme «Le flux c’est ce qui amène à la lecture sur le web.» Malheureusement, CommentPress n'offre pas de flux, comme l'a souligné notre expert ci-dessus. Il lance alors ce défi : «La question est donc comment transformer des contenus statiques en flux. À mon avis, il suffit d’un simple plug-in pour remédier en partie à cela. Proposer sur un livre intégré dans un CommentPress un flux RSS génératif, qui permet à quiconque de s’abonner, quand il le souhaite, au flux du livre, qui va lui délivrer le contenu dans sa chronologie propre, selon le mode d’abonnement de l’usager.»

Il est question de contenus «statiques» parce qu'une fois publié, le livre et les commentaires sont figés. Il en va de même d'une page web statique : «On entend par page statique, non pas une page sans mouvements ou sans animations, mais une page visible telle qu'elle a été conçue. Ces pages peuvent présenter toute forme de contenu, animations flash, images, musique, vidéo etc... mais elles sont toujours présentées de la même façon. Elles ne changent pas et c'est en ce sens qu'elles sont statiques.» (Source)

Hubert Guillaud souligne que le site Daylit propose un flux avec ses livres : «Il faut donc créer un flux qui s’adapte aux usages, qui permette à quelqu’un de faire entrer un contenu statique, fini, dans un flux, donc dans son temps de lecture, dans ses modes de lecture, comme le propose Daylit par exemple (sur un catalogue hélas restreint et majoritairement anglophone et sans tisser une complémentarité entre le flux et le web, puisque le système ne propose que des commentaires généraux et non pas adressés).» En d'autres termes, l'internaute peut commenter sa lecture d'un livre mais ils ne peut pas adresser ou répondre à un commentaire d'un autre commentateur en particulier. L'interaction est donc limitée.

Selon Hubert Guillaud, il faut plutôt viser «Un flux génératif, qui s’adapte à chaque abonné pour proposer chaque jour sa mise à jour, depuis un contenu clos. Un flux chronologique, qu’on peut prendre en cours de publication ou une fois celle-ci terminée. Un flux génératif qui s’adapte à l’usage. C’est certainement cela qui manque à CommentPress pour devenir une vraie plateforme de lecture au format web.»

Il n'y a qu'une chose au sujet de laquelle je ne m'accorde pas avec Hubert Guillaud, c'est la diffusion du livre lui-même sous la forme de flux, c'est-à-dire, la publication d'un livre partie par partie au fil des jours. Monsieur Guillaud se réfère à cette avenue : «Souvenons-nous du journal d’Orwell, disponible sous forme de flux ! Et d’autres oeuvres classiques mises au format blog… Pourquoi ce journal ne serait-il pas indéfiniment proposé sous ce mode de lecture ? Indéfiniment… C’est-à-dire quelque soit le moment dans le temps auquel vous accédez à ce contenu, vous devez pouvoir le consommer selon votre propre synchronicité. Des solutions existent déjà. Je pense qu’elles gagneraient à se greffer sur CommentPress.»

Comme on peut le voir sur les saisies d'écrans ci-dessous, l'internaute peut s'abonner au journal d'Orwell par courriel et ainsi recevoir au jour le jour le texte écrit par le célèbre auteur au jour le jour dans son journal personnel.

Site original anglais

Traduction française proposée par un amateur

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La publication d'un livre, partie par partie, un jour une semaine ou ou mois à la fois, nous ramène au «feuilleton», le roman-feuilleton, et le feuilleton télévisée (téléroman). À mon avis, revenir au feuilleton en format web, c'est comme revenir à la communication en code Morse. J'image très bien la frustration d'un étudiant voulant se pencher sur un livre dont uniquement les premiers chapitres sont accessibles parce que le diffuseur le propose partie par partie. Cet étudiant se tournera vers un autre livre, un livre complet. Si l'incorporation d'un flux à la publication d'un livre au format web doit susciter la participation, l'oeuvre entière doit être disponible dès le départ. Chacun doit pouvoir prendre sa part librement, selon son propre rythme de lecture. Un flux d'une page par jour , ce serait comme visiter une bonne vieille librairie avec pignons sur rue qui n'aurait que les pages couvertures des livres sur ses tablettes. Je dis oui au flux pour la participation mais je dis non à la diffusion en parties jour après jour.

Évidemment, il se trouvera toujours des lecteurs pour «consommer» des feuilletons mais, personnellement, j'ai toujours perçu ces «produits» comme une arnaque de mise en marché auquel le web doit échapper à tout «prix».

Par définition, un livre est un texte long, qu'importe son support, et ce, en comparaison à un article de journal ou à un billet sur un blogue. Le flux d'un livre aura donc dès le départ la longueur du texte. Puis s'ajouteront les annotations, les commentaires et les discussions des lecteurs et de l'auteur.

Thierry Crouzet dans son billet Même le livre n'échappera pas aux flux parle de la «fluidification du livre» grâce au flux. Il la compare à la fluidification des nouvelles : «La fluidification du livre est une nouvelle étape dans notre histoire dont la fluidification des news n’a fait que nous donner un aperçu.» J'espère que non. Les nouvelles en flux continu dans les médias et sur le web me tombent royalement sur les nerfs car il s'agit ici de simple pique-assiette. On effleure la nouvelle. L'approfondissement a définitivement disparu de nos radars. Les médias et le web nous bombardent de miettes. Malheureusement, je ne suis pas un oiseau. On dit d'un oiseau qu'il mange peu à la fois mais qu'il parvient à vivre en mangeant plus souvent. Je ne passe pas mes journées à lire ici et là les extraits qui me tombent sous la main. Je veux de la substance! Et il ne nous reste plus que le livre pour nous servir un menu complet, une bonne table où se délecter, réfléchir, discuter,... pendant des heures et des heures.

Je souhaite que la fluidification du livre ne donne pas lieu à des commandes de livres courts sous prétexte que les gens n'ont plus le temps de lire, comme c'est le cas avec la fluidification des news. Les nouvelles ne sont plus que des «annonces» de nouvelles, des annonces sans lendemain. Bref, les nouvelles devenues fluides ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes. Je ne veux pas que le livre subisse le même sort en devenant fluide.

Serge-André Guay, président éditeur

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