Le taylorisme appliqué à la peinture…

Publié le 18 décembre 2009 par Stephaniehk

Un bref retour en arrière sur ma dernière expédition à Shenzhen. Au programme cette fois (en plus de Decathlon, les tailleurs, l’électronique…): la visite de Dafen. Avec ma partenaire d’expédition on en parlait depuis longtemps mais à chaque fois nos journées étaient tellement remplies que nous le remettions à la prochaine…

Cette fois c’est fait

J’ai été très agréablement surprise.

Je m’attendais en effet à un village complètement artificiel, genre parc d’attraction thématique alors qu’en réalité Dafen a une âme et certains charmes.

A Dafen, se trouve un quartier entièrement consacré à la peinture. Cette implantation assez récente (1989) s’est faite dans un quartier résidentiel qui n’avait au départ rien à voir avec cet art. C’est un homme d’affaires hong kongais qui a décidé de s’y installer avec une vingtaine d’employés. Dès l’année suivante, Wall Mart lui passe une commande de 50 000 toiles en un mois et demi, le jackpot !

Depuis, ce succès a évidemment attiré beaucoup de monde. Aujourd’hui le quartier rassemble un nombre incroyable d’ateliers, de galeries et de magasins spécialisés… (plus de 800 d’après ce que j’ai lu ). Plus de 5000 artistes y travailleraient.

On s’y promène sans but précis, au gré des tableaux qui nous interpellent, et dans une agréable odeur de peintures et vernis.

 

Il ne faut pas s’attendre à trouver des artistes peintres ‘originaux’ même s’il y en a certainement. La véritable spécialité de Dafen, c’est la copie de tableaux de maîtres.

Il faut d’abord savoir, au préalable, qu’il n’y a pas de droits d’auteur sur les tableaux de maîtres et qu’il est tout à fait autorisé de les copier et de les vendre – à moins évidemment de dire qu’il s’agit d’un original – dans le mesure où l’auteur est décédé depuis 70 ans et plus. (enfin, ça n’empêche de voir moult tableaux de Yue Minjun – les bonhommes qui se marrent – alors qu’il est bien vivant )

 

Ainsi, c’est de Dafen que partent la plupart des copies de tableaux que vous retrouverez dans vos chambres d’hôtels ou dans les boutiques de Montmartre ! Et comme rien n’est laissé au hasard, et c’est sans doute l’aspect qui étonne le plus en général: les peintures sont réalisées à la chaîne. L’élève peintre débutant se charge du fond du tableau, partie la plus simple. Un peintre intermédiaire peint les contours des paysages, du décor… et un dernier, le plus expert, termine les détails et les personnages.

 

A ce titre, les plus zélés produisent jusqu’à 30 copies par jour ! (les copistes du Louvres sont outrés devant ces chiffres, argumentant qu’il est nécessaire de laisser sécher les couches entre chaque étape…)

Ce principe n’enlève rien à leur mérite: les reproductions sont splendides et à défaut d’inspiration créatrice il faut bien leur reconnaitre un certain talent.

Bon, on trouve du véritable kitsch aussi :

 

Il est d’ailleurs possible de commander tout et n’importe quoi. Nous avons notamment vu un peintre peindre une vue d’une maison à partir d’une photo. La photo agrandie et imprimée sur la toile servait ainsi de base au peintre qui n’avait ‘qu’à’ la recouvrir de couleurs…

Au milieu de ce chaos on tombe un peu par surprise sur un temple (fermé ce jour là )…

… et sur une vieille bâtisse rénovée (mais avec beaucoup de goût) et transformée en magnifique galerie d’art (tarifs haut de gamme )

  

Hasard des rencontres, nous y discutons pendant une demi-heure avec un chinois qui parle parfaitement français pour avoir vécu un an au… Congo, à vendre des téléphones portables !!!

Finalement, nous repartons presque les mains vides (car les murs sont pleins, eux ), avec seulement quelques emplettes de matériel pour mes artistes en culottes courtes. Mais ce ne sont pas les tentations qui ont manqué, surtout quand on demande le prix et que c’est si dérisoire .

Il est déjà prévu d’y retourner en famille…