Arte.tv le 06/10/2004.

Publié le 22 décembre 2009 par Minisym

Cette chronique fut rédigée par Matthias Schneider sur le site web de la chaîne de télévision Arte, le 06 octobre 2004.

Philip Glass voyait en lui le père de la musique minimaliste, Charlie Parker voulait faire un disque avec lui, Charles Mingus et Allen Ginsberg se produisaient en concert avec lui, Janis Joplin fit une reprise de l’un de ses madrigaux et Julie Andrews enregistra ses comptines. De qui s’agit-il ? De Moondog, le musicien le plus résolument atypique du 20e siècle.

Pendant plusieurs années, Louis Thomas Hardin alias Moondog (chien de la lune) a joué dans les rues de New York, déguisé en viking, la barbe majestueuse et les cheveux au vent. Ce furent des musiciens de l’Orchestre philharmonique de New York qui, ayant reconnu son talent hors normes, enregistrèrent ses partitions symphoniques, lançant ainsi sa carrière musicale. Moondog était déjà un mythe de son vivant. Né en 1916 au Texas, il perdit la vue accidentellement à l’âge de 16 ans et se consacra dès lors à l’étude de la musique classique. Il apprit tout seul à jouer de divers instruments et se plongea dans l’harmonie et la composition. Il composait de manière traditionnelle, érigeant les règles contrapuntiques de Bach en principe absolu. Dans le même temps, il parvint aussi à donner de nouvelles impulsions à la musique contemporaine. Invité en 1974 par le Hessischer Rundfunk en Allemagne, il restera dans ce pays jusqu’à sa mort en 1999. Pour commémorer le 5e anniversaire de sa disparition, un double CD sort dans les bacs : une sélection de ses titres allemands et l’enregistrement inédit du concert donné au Festival Mimi d’Arles avec la pianiste française Dominique Ponty.

Il paraît vain de vouloir décrire la musique de Moondog, dont seule l’écoute peut révéler la fascination et l’infinie diversité. Ses textes ont quelque chose de la franchise naïve d’un Daniel Johnston et de l’humour sarcastique d’un Frank Zappa. Dans le domaine instrumental, Moondog est aussi surprenant et imaginatif que Spike Jones, et ses compositions sont à la fois si simples et si énigmatiques que l’on croirait entendre Robert Wyatt chanter en arrière-fond. Son œuvre, à la fois profondément ancrée dans le passé et tournée vers l’avenir, est parfaitement résumée par une phrase de l’un de ses textes : « Today is yesterday’s tomorrow, which is now ».

Matthias Schneider