Anthologie permanente : H.D.

Par Florence Trocmé

Nuit

La nuit a séparé
l’un de l’autre
et recroquevillé les pétales
sur le dos de la tige
et dessous, en rangs crêpus :

dessous, sans défaillir,
dessous, jusqu’à ce que les peaux se fendent,
et sur le dos de la tige, jusqu’à ce que chaque feuille
s’en détache à force de pencher

dessous, avec sévérité,
dessous, jusqu’à ce que les feuilles
soient recourbées,
jusqu’à ce qu’elles tombent sur le sol,
courbées jusqu’à ce qu’elles soient brisées.

O nuit,
tu prends les pétales
des roses dans ta main,
mais tu laisses le cœur nu
de la rose
périr sur la branche.

Orage

Tu te fracasses sur les arbres,
tu crevasses les branches vives –
la branche blanchit,
le vert est broyé,
chaque fleur se déchire comme bois fendu.

tu écrases les arbres
de gouttes noires,
tu tourbillonnes, tu fracasses –
tu as rompu une feuille trop lourde
dans le vent,
accablée,
elle pirouette et plonge,
pierre verte

Le Jardin près de la mer, traduit de l’anglais et présenté par Jean-Paul Auxeméry, Orphée/La Différence, 1992, p. 99 et 106

night
the night has cut
each from each
and curled the petals
back from the stalk
and under it in crisp rows;
under at an unfaltering pace,
under till the rinds break,
back till each bent leaf
is parted from its stalk;
under at a grave pace,
under till the leaves
are bent back
till they drop upon earth,
back till they are all broken.
O night,
you take the petals
of the roses in your hand,
but leave the stark core
of the rose
to perish on the branch.

stormYou crash over the trees,
you crack the live branch—
the branch is white,
the green crushed,
each leaf is rent like split wood.
You burden the trees
with black drops,
you swirl and crash—
you have broken off a weighted leaf
in the wind,
it is hurled out,
whirls up and sinks,
a green stone.
Bio-bibliographie de H.D.

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