Philippe Séguin, l’encombrant gaulliste social et le républicain au parcours inachevé

Publié le 07 janvier 2010 par Sylvainrakotoarison

Un homme de réflexion, d’une épaisseur politique et intellectuelle reconnue, à la pensée indépendante, mais d’un potentiel qui n’a jamais réussi à se transformer en victoire personnelle nationale. Une énigme de la vie politique française pour une figure majeure presque oubliée depuis une décennie.
La nouvelle initiée par RTL à huit heures a brusqué un matin couvert de neige sur Paris : Philippe Séguin est mort dans le 7 janvier 2010 à six heures quarante-cinq à Paris (15e) à la suite d’une crise cardiaque. Il était encore présent publiquement le 6 janvier 2010 à Matignon lorsque le Premier Ministre François Fillon présentait ses vœux pour 2010. Il sera enterré le 11 janvier prochain.
Un roc qui s’en va
Philippe Séguin a été l’une des personnalités majeures de la vie politique française depuis l’accession au pouvoir de François Mitterrand en 1981 jusqu’à la fin du premier mandat de Jacques Chirac en 2002. Et pourtant, même certains jeunes journalistes semblent montrer qu’il a été oublié par les médias, malgré quelques épisodiques coups de gueule contre la situation financière déplorable de l’État.
J’ai eu la chance de l’avoir rencontré à plusieurs reprises à partir du début des années 1990 et si son visage intimidant et sa silhouette très imposante pouvaient impressionner, c’était avant tout la densité de sa réflexion politique et son indépendance conquise dès le début de sa trajectoire qui apparaissaient en premier. Indépendance qui ne ménageait pas certaines susceptibilités et qui l’empêchèrent sans doute d’atteindre les plus hautes fonctions de l’État, à savoir Matignon et l’Élysée.
Principal axe de sa doctrine personnelle, le gaullisme social, qui se conjuguait par un souci de préserver la souveraineté nationale et la préoccupation d’une nécessaire solidarité nationale auprès des plus démunis. Rejetant les héritiers du gaullisme qu’il pouvait juger un peu trop libéraux (Jacques Chirac, Édouard Balladur, Alain Juppé), ses réflexions ont abouti à se placer comme le fer de lance du "non" lors du référendum sur le Traité de Maastricht en septembre 1992 (il dira par la suite que la monnaie unique européenne était finalement un succès et qu’il convenait de ne pas revenir au franc) et à souffler à Jacques Chirac le thème très porteur de la "fracture sociale" lors de la campagne présidentielle de 1995.
Il était capable de profondes transformations, même physique, puisqu’à partir de 1991, lorsqu’il a envisagé un destin présidentiel, il avait réussi une cure d’amaigrissement draconienne, et depuis son retrait de la vie politique, en juin 2002, il avait laissé pousser une courte barbe très à la mode chez les quinquagénaires.
Respecté comme un républicain incontestable, il était aussi craint et ses collaborateurs ont souvent fait les frais de ses grosses colères (capables de traumatiser les interlocuteurs).
Une jeunesse déracinée
Né à Tunis le 21 avril 1943, orphelin de père, Philippe Séguin mena avec succès des études de lettres et de sciences politiques à Aix-en-Provence puis réussit le concours de l’ENA (promotion Robespierre). Sorti parmi les meilleurs, il intégra en 1970 la prestigieuse Cour des comptes (mais il aurait préféré le Conseil d’État comme Jacques Attali, son condisciple).
Pendant les années 1970, il collabora dans différents cabinets ministériels, jusqu’à devenir chargé de mission à Matignon auprès du Premier Ministre Raymond Barre entre octobre 1977 et février 1978. Sa grande estime pour Raymond Barre rendit méfiant Jacques Chirac sur sa loyauté.
Parachuté dans une circonscription difficile à Épinal (il aurait préféré dans le Var), Philippe Séguin fut élu député en mars 1978 (à 34 ans) et fit partie de cette nouvelle génération de parlementaires (avec entre autres François Léotard) qui devinrent les principaux opposants aux gouvernements socialistes Mauroy et Fabius entre 1981 et 1986. Dans la lignée des gaullistes sociaux comme Robert Boulin, Philippe Séguin n’hésitait pas, quand il le fallait, à lutter férocement contre ses adversaires, pimentant quelques séances de l’Assemblée Nationale de son verbe résonnant.
Une volonté et un caractère affirmés
L’indépendance, c’était sa prise de position, très claire, en faveur de l’abolition de la peine de mort en septembre 1981 (Jacques Chirac aussi a été abolitionniste).
En mars 1983, Philippe Séguin fut élu maire d’Épinal, fonction qu’il fit renouveler jusqu’en 1997. Bien que membre du Conseil régional de Lorraine de 1979 à 1983, il n’a jamais voulu prendre le leadership politique de la région (ni du département des Vosges "réservé" à Christian Poncelet), préférant se consacrer entièrement à ses ambitions nationales.
À partir de 1984, la grande popularité de Raymond Barre rendit difficiles les relations entre Jacques Chirac et Philippe Séguin, soupçonné de barrisme rampant. Pourtant, Philippe Séguin n’allait pas cesser, par la suite, de faire acte de fidélité et d’allégeance à Jacques Chirac jusqu’à l’élection présidentielle de 1988.
Lors de la mise en place du gouvernement de Jacques Chirac au cours de la première cohabitation entre mars 1986 et mai 1988, ce fut tout naturel pour Philippe Séguin de se retrouver l’important Ministre des Affaires sociales et de l’Emploi. Rappelons que peu avant les élections législatives de 1986, Valéry Giscard d’Estaing avait rêvé, faute de Matignon, d’obtenir un grand Ministère de la Reconstruction nationale incluant les Finances et les Affaires sociales.
Gaulliste "de gauche", Philippe Séguin ne pouvait cependant voir d’un très bon œil les principales mesures du gouvernement Chirac comme la suppression administrative de licenciement (qu’il signa pourtant lui-même) ou la suppression de l’impôt sur les grandes fortunes (rétabli après la réélection de François Mitterrand).
Paradoxalement, ces deux années au gouvernement furent les seules où Philippe Séguin était aux affaires. Il n’y revint plus malgré sa stature politique incontestable. Parmi ses collaborateurs, Roger Karoutchi (ancien ministre sous Nicolas Sarkozy), chargé de mission (puis chef de cabinet à l’hôtel de Lassay puis conseiller politique de Philippe Séguin à la présidence du RPR).
Un leadership autonome
Après l’échec cinglant de Jacques Chirac à l’élection présidentielle de mai 1988, le doute au RPR était très fort. Philippe Séguin en profita pour prendre deux initiatives au sein de l’opposition UDF-RPR qui allaient échouer.
La première en avril 1989, en concertation avec François Bayrou, le plaça parmi les leaders des rénovateurs de l’opposition (en firent partie également François Fillon, Charles Millon et Philippe de Villiers). L’objectif clairement avoué était de changer de génération (en finir avec les "Chirac-Giscard-Barre" avec une échéance immédiate, les élections européennes de juin 1989, à la suite des élections municipales de mars 1989 qui furent un grand succès pour les jeunes têtes de l’opposition (Lyon, Grenoble, Toulouse, Annecy, etc.).
Si le mouvement des rénovateurs prit de l’ampleur grâce à la popularité de Michel Noir et de Dominique Baudis, il fut vite stoppé par les antagonismes européens entre un Philippe Séguin souverainiste et un François Bayrou fédéraliste.
L’échec de cette tentative qui n’eut aucun lendemain provenait aussi de l’absence d’implication des deux héritiers majeurs de l’époque, Alain Juppé (qui devint rapidement le rival récurrent de Philippe Séguin au sein de la Chiraquie) et François Léotard (qui se risqua à une seconde tentative de rénovation avec Michel Noir et Michèle Barzach une année plus tard sans aucun succès médiatique ni politique).
Seconde initiative sans lendemain organisée par Philippe Séguin, la mise en place d’un courant souverainiste au sein du RPR en fin 1990 dans une alliance interne avec Charles Pasqua, gaulliste "de droite" qui étonna beaucoup les observateurs. Dans ses mémoires publiées récemment, Pasqua affirma qu’à l’époque, ne croyant plus aux chances présidentielles de Jacques Chirac et surtout, à son identité gaulliste, il trouva en Philippe Séguin un futur présidentiable prêt à défendre un gaullisme authentique.
Dans ce courant, Philippe Séguin accueillit l’un de ses fidèles, François Fillon, ainsi que Michel Barnier, et le père de Nathalie Kosciusko-Morizet (actuelle secrétaire d’État). Ils n’obtinrent que 31% aux assises du RPR au Bourget le 11 février 1990.
Maastricht, tremplin pour une ambition présidentielle
Encouragé par Charles Pasqua, Philippe Séguin ne prit toute son envergure qu’à partir du débat sur le Traité de Maastricht proposant une monnaie unique européenne. Il réclama un référendum le 5 mai 1992 dans un discours à l’Assemblée Nationale qui fit date. Référendum finalement accordé par François Mitterrand.
Son talent d’orateur et ses arguments bien affûtés contre la construction européenne lui donnèrent un rôle prépondérant dans la campagne référendaire avec la consécration par le Président de la République François Mitterrand qui lui fit l’honneur d’un débat télévisé contradictoire à la Sorbonne le 2 septembre 1992.
Une consécration qui l’a piégé car la maladie de François Mitterrand, ses nombreuses pauses pour soulager ses souffrances l’avaient dissuadé d’attaquer trop fortement et il se montra finalement assez mou dans un débat fort policé (au grand dam de Charles Pasqua). Même si le "oui" l’avait emporté (de très peu), Philippe Séguin avait toutefois acquis une véritable stature de présidentiable.
Choc frontal contre Édouard Balladur et Alain Juppé
La victoire des élections législatives de mars 1993 permit à Philippe Séguin de devenir un Président de l’Assemblée Nationale respecté et apprécié (il a été élu au perchoir au second tour après un premier tour face à Dominique Baudis). Il choisit notamment Henri Guaino (actuel conseiller spécial à l’Élysée) comme chargé de mission, très brièvement puisque Charles Pasqua le nomma ensuite à son cabinet place Beauvau.
De mars 1993 à juin 1997, il a cherché à moderniser l’institution parlementaire en obligeant les députés à venir plus souvent en séance, refusant le vote des absents et très strict sur les temps de paroles (les Guignols de l’Info en fit alors un véritable cauchemar pour les députés).
Placé ainsi en position d’observateur, Philippe Séguin eut tout le loisir de combattre le gouvernement d’Édouard Balladur : « Balladur existe puisqu’il se trompe à chaque fois qu’il prend une décision » (cité par "Le Monde" du 8 janvier 2010) .Il employa même des termes très forts comme celui d’accuser le Premier Ministre de préparer un « Munich social »
Alors que son ancien compère, Charles Pasqua, retrouva à Édouard Balladur quelques qualités (il le laissait tranquille au Ministère de l’Intérieur sans intervention de sa part), Philippe Séguin s’engagea pleinement dans la campagne présidentielle désespérée de Jacques Chirac, à l’instar de très rares responsables politiques (comme Alain Juppé, Jean-Louis Debré, Hervé de Charette, Charles Millon et Alain Madelin). Même François Fillon ne sut résister aux sirènes balladuriennes.
La victoire inespérée de Jacques Chirac en mai 1995 (alors qu’en janvier 1995, Nicolas Sarkozy imaginait même qu’Édouard Balladur serait élu dès le premier tour) ne fut pas à la hauteur des attentes de Philippe Séguin malgré sa part déterminante dans cette campagne. Son rival de toujours, Alain Juppé, fut nommé à Matignon et lui restait au perchoir, la victoire dérobée.

Il ne sera jamais Premier Ministre
Le 21 avril 1997, Jacques Chirac fit la première des deux bêtises de sa Présidence. À savoir, il décida de dissoudre une Assemblée Nationale qui lui était très majoritairement favorable, sur conseil peu avisé de Dominique de Villepin et d’Alain Juppé.
Pourtant, comme l’impopularité commencée avec les dures grèves de 1995 contre la réforme de la sécurité sociale désarmait surtout le gouvernement d’Alain Juppé, Jacques Chirac aurait plutôt dû choisir la seule option possible pour préparer les élections législatives prévues en mars 1998 : le changement de Premier Ministre et la nomination incontournable de Philippe Séguin à Matignon. C’est ce que Jacques Chirac a compris, mais trop tard, seulement entre les deux tours des législatives ("pour convenances personnelles") de juin 1997, où Alain Juppé renonçait dans tous les cas à diriger le gouvernement. Lionel Jospin bénéficia de cette véritable faute stratégique. Et pour cinq années d’une troisième cohabitation.
Patron éphémère du RPR
Philippe Séguin fut en juillet 1997 le recours irrésistible du RPR et des gaullistes ayant échoué (de nombreux députés sortants battus en voulurent à Jacques Chirac de ne même pas avoir été prévenus de la dissolution). Philippe Séguin devenait en quelques sortes le "Michel Rocard du gaullisme", à l’instar de Michel Rocard hissé à la tête du Parti socialiste après l’échec des législatives de mars 1993.
Ce fut donc un binôme qui se forma la tête du RPR : Philippe Séguin à la présidence et Nicolas Sarkozy au secrétariat général. Pendant vingt et un mois, ils travaillèrent ensemble en bonne entente malgré des options idéologiques, des alliances politiques et des personnalités très différentes. Parmi les actions entreprises, Philippe Séguin fit adopter le principe de l’élection directe par les adhérents du président du RPR. Michèle Alliot-Marie bénéficiera (seule) de cette mesure en 1999 (pour lui succéder).
L’échéance cruciale pour lui était les élections européennes de juin 1999 qui s’auguraient très mal : Charles Pasqua, battu car balladurien, en disgrâce définitive de la Chiraquie, et très déçu par Philippe Séguin, décida de monter une liste aux européennes avec les autres souverainistes, comme Philippe de Villiers qui avait eu de beaux scores en juin 1994 et avril 1995 (respectivement 12,3% et 4,7%). Le choc allait être lourd à gérer entre Séguin et Pasqua, anciens alliés.
Beaucoup de chiraquiens (comme Bernard Pons) ayant laissé entendre que les deux listes reflétaient les mêmes idées du RPR, Philippe Séguin démissionna de la présidence du RPR le 16 avril 1999 et renonça à sa candidature aux européennes, constatant « un contexte où la loyauté, la clarté et la transparence ne sont pas des vertus cardinales »
Fin de carrière politique chaotique
D’un point de vue personnel, il n’a pas eu forcément tort puisque Nicolas Sarkozy, assurant l’intérim à la tête du RPR, a dû le remplacer très vite à la tête de la liste et s’est retrouvé seulement à égalité avec la liste Pasqua, un véritable échec. Mais aussi une estime réciproque entre Philippe Séguin et Nicolas Sarkozy.
Michel Rocard a perdu politiquement lors des élections européennes de juin 1994. Sans combattre, Philippe Séguin a également perdu politiquement toute possibilité élyséenne lors des élections européennes de juin 1999.
Dans cette affaire, la responsabilité de Jacques Chirac ne fut pas vraiment nulle, car il pouvait craindre une candidature de Philippe Séguin pour l’élection présidentielle de 2002 en cas de succès aux européennes. Il n’en fut donc rien.
C’est pourtant Jacques Chirac qui remit en scelle Philippe Séguin pour les élections municipales à Paris en mars 2001 malgré les demandes d’investiture d’Édouard Balladur et de François de Panafieu (qui sera candidate officielle en mars 2008). Philippe Séguin, assez peu crédible par son ancienne étiquette de maire provincial, mena une campagne très mauvaise, desservie par la dissidence du maire sortant Jean Tibéri, l’absence de soutien clair de Jacques Chirac et quelques entêtements personnels sur le choix des candidats et des options du projet municipal qui aboutirent à l’élection (historique) du socialiste Bertrand Delanoë.
En juin 2002, Philippe Séguin renonça à se présenter aux élections législatives, ayant d’ailleurs opportunément compris qu’il avait droit à une retraite très généreuse (il a été député pendant vingt-deux ans). Il démissionna aussi du Conseil de Paris (où il présidait le groupe RPR) pour refuser d’adhérer à l’UMP. Il abandonna donc toute activité politique.
Cette retraite politique déçut beaucoup de ses proches et en particulier François Fillon qui l’aurait bien vu candidat à l’élection présidentielle en 2007 (il aura eu 64 ans, soit le même âge que François Mitterrand en 1981).
Le suprême commissaire aux comptes
Le 21 juillet 2004, il fut nommé Premier Président de la Cour des comptes, le bâton de maréchal pour un haut fonctionnaire de ce grand corps de l’État, succédant à quatre autres ministres, Pierre Joxe (1993-2001), Pierre Arpaillange (1990-1993), André Chandernagor (1983-1990) et Lucien Paye (1970-1972).
À ce poste, Philippe Séguin prit la posture qu’il préférait, celui de l’observateur donnant des mauvaises notes. Et l’État, avec ses déficits publics récurrents, sa dette épouvantable et ses gaspillages, était sa cible de choix, son cancre, au fil des rapports annuels qu’il publiait.
Toujours soucieux de la dépense publique et de l’intégrité des hommes, Philippe Séguin avait désapprouvé la nomination du député René André à la Cour des comptes, décidée au Conseil des ministres du 27 septembre 2006 pour permettre au ministre Philippe Bas de se présenter dans la circonscription du nouveau « conseiller maître en service extraordinaire » (comme l’a rappelé le chroniqueur Jean-Michel Aphatie).
Nicolas Sarkozy aurait proposé à Philippe Séguin de devenir Ministre de la Justice au printemps 2007 mais il aurait refusé en considérant que ministre était un poste trop incertain pour lui. En mars 2009, de nouvelles rumeurs faisaient encore état de son retour au gouvernement.
Passionné de football (il présidait même la commission Grands Stades pour l’Euro 2016), Philippe Séguin était un historien dans l’âme, passionné par la vie républicaine (il écrivit la vie des Présidents de l’Assemblée Nationale) et paradoxalement promoteur de la réhabilitation politique de Napoléon III dans un ouvrage qui fit en 1990 beaucoup de bruit médiatique, "Louis Napoléon le Grand".
La classe politique unanimement en deuil
Les réactions à la disparition de Philippe Séguin ont été évidemment nombreuses et élogieuses.
Le Président Nicolas Sarkozy a évoqué le « tempérament chaleureux et généreux » d’un homme qui « a consacré toute sa vie, toute l’étendue de ses talents et la force exceptionnelle de ses convictions à la chose publique ». Il a parlé aussi de son « souci constant de concilier sans jamais les opposer le progrès économique et la justice sociale, avec la préoccupation chevillée au corps d’une gestion rigoureuse des deniers publics ». (Il est cependant étrange d’observer que dans le communiqué de l’Élysée daté de 9:56, il y a une erreur, faisant élire Philippe Séguin au perchoir en 1995 au lieu de 1993, qui n’a été corrigée qu’entre 15:30 et 16:00).
Le Premier Ministre François Fillon a été très ému (jusqu’aux larmes) par la mort de l’un de ses deux parrains en politique, « déchirure avec des années de complicité politique, mais surtout personnelle ». François Fillon a décrit « cette ironie tendre, qu’il me réservait en me voyant assumer mes fonctions de Premier Ministre, lui qui me regardait toujours comme le jeune parlementaire qu’il avait choisi de prendre sous son aile ». Il a ajouté : « L’aura et la culture de Philippe Séguin s’imposaient à tous. Son autorité et son rayonnement intellectuel ne laissaient personne indifférent. Chacun pressentait que dans son patriotisme ombrageux, il y avait en quelques sorte une part de notre histoire nationale. »
L’ancien Président Jacques Chirac a publié un communiqué où il a exprimé son émotion : « Avec [Philippe Séguin], les mots de République, de Nation et d’État prenaient tout leur sens. Je perds, pour ma part, un ami pour lequel j’avais un grand respect et une profonde affection. ».
Un de ses prédécesseur, Valéry Giscard d’Estaing, a observé, très cérébral : « Il était dans le sillon de ce que l’on appelle le gaullisme social ».
Un « parcours exemplaire de rigueur et d’honnêteté » pour le Président de l’Assemblée Nationale Bernard Accoyer. Une « personnalité forte, complexe, capable de résister, capable de dire non, mais, surtout, il y avait chez lui une certaine idée de la France, un grand respect de la République et, surtout, le désir ancré profondément de faire en sorte que la France, la nation française, soit respectée, forte et fière » pour le Président du Conseil constitutionnel Jean-Louis Debré. Un « homme à caractère exceptionnel » pour l’ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin qui l’a ainsi décrit : « Il n’avait peur de personne, il résistait à tout, il avait de fortes convictions et beaucoup de courage, beaucoup d’audace. ». Et pour l’ancien Premier Ministre Alain Juppé (collègue d’enseignement au Québec), « ce n’était pas quelqu’un de facile, nous avons eu des divergences fortes, notamment sur l’Europe. C’était une intelligence, c’est une grande perte pour la République. ».
Selon son "complice" Charles Pasqua, « il n’avait pas d’ambition personnelle, mais une ambition pour la France. Il avait l’étoffe d’un chef d’État. ».
Beaucoup de gaullistes sociaux furent à son "école" comme la Ministre de la Recherche Valérie Pécresse (« une des plus grandes figures du gaullisme social, homme d’engagement, de caractère et d’action ») ou le Président du Sénat Gérard Larcher.
François Bayrou, son autre "complice" à l’époque des rénovateurs, a vu en lui un trait qu’il appréciait bien : « Il ne renonçait pas même s’il apparaissait seul contre tous. (…) Tout le monde entendait bien derrière son grand rire une trace de mélancolie. Cette fêlure sur fond de tristesse le rendait plus attachant aux yeux de ceux qui l’aimaient. ».
La gauche aussi a réagi de façon très consensuelle (sauf Lutte ouvrière).
Ainsi, la première secrétaire du PS Martine Aubry a déclaré : « Ces dernières années, grâce à son travail admirable à la Cour des comptes, il était devenu pour la République un sage dont la voix était une référence et une boussole. ». Beaucoup d’autres leaders sont intervenus également à chaud sur cette brutale disparition, comme les anciens Premiers Ministres Lionel Jospin, Laurent Fabius et Michel Rocard, les anciens candidats à l’élection présidentielle Jean-Pierre Chevènement et Ségolène Royal, et aussi l’ancien Ministre de la Justice Robert Badinter qui a expliqué ceci : « Il était l’un des rares qui maintenait au Parlement la tradition de l’éloquence. »
Tristesse partagée…
Profonde tristesse donc, tant personnelle que nationale, pour la disparition d’un des derniers grands mastodontes politiques que la France ait connu dans sa période postgaulliste.
Sincères condoléances à la famille.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (7 janvier 2010)
Pour aller plus loin :
La disparition de Philippe Séguin (1).
La disparition de Philippe Séguin (2).
Réaction de Nicolas Sarkozy à la disparition de Philippe Séguin.
Réaction de François Fillon à la disparition de Philippe Séguin.
Autres réactions à la disparition de Philippe Séguin.
L'enterrement de Philippe Séguin aux Invalides.
 
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/philippe-seguin-l-encombrant-67821
http://www.lepost.fr/article/2010/01/08/1875935_philippe-seguin-l-encombrant-gaulliste-social-et-le-republicain-au-parcours-inacheve.html
http://rakotoarison.lesdemocrates.fr/article-108
http://www.centpapiers.com/philippe-seguin-l’encombrant-gaulliste-social-et-le-republicain-au-parcours-inacheve/11156/