Épuisés

Par Pause Toujours
Il est des endroits où l'on s'égare parfois en se disant qu'on devrait y aller plus souvent. C'est le cas de Aaapoum Bapoum, rue Serpente à Paris. J'avouerai ne rien comprendre aux prix ni au marché de l'ancien mais quand on y trouve son compte...
Je navigue entre les bacs de livres plus ou moins défraîchis à 3, 5, 7 euros... j'oublie les versions rares, les collectors destinés à d'autres bourses, mieux garnies que la mienne. Radio classique enveloppante, les deux libraires sont beaux: lui, barbu, légèrement émacié; elle, aussi brune que lui, enceinte sous une longue robe noire. Sensation de roman russe. Je fouine, ça sent le bois et l'odeur de vieux livre, j'oublie tout. Un instant de bonheur.
Je dégotte quatre livres pour la jeunesse, quatre BD épuisées, quatre livres qui ont moins de quinze ans!
Félix contre le Nuage qui changeait tout de Fabrice Lebeault. C'est un rêve enfantin, un conte écrit par l'auteur d'Horologiom. Fabrice Lebeault se fait plaisir et c'est un vrai bonheur. Le dessin est plus souple que dans le Mangeur d'Histoires; des souplesses de langage parsèment également les dialogues. Elles ont pu effaroucher les parents sages mais les gamins (petits et grands) y trouveront leur compte de drôleries et de rebondissement naïfs.
Félix contre le Nuage qui changeait tout, éditions Delcourt, 2001.
Bouchon et l'Ogre Noir de Taymans et Di Giorgio. Une découverte et un régal. L'histoire d'un petit cochon qui se met au lit, s'endort et se retrouve dans la forêt magique. Tout est simple, limpide, le dessin comme l'histoire. Cette bande dessinée pour les grands de... quatre, cinq ans est d'une poésie qu'on ne retrouve guère dans l'offre éditoriale actuelle. Amusante, d'une gentillesse rafraîchissante, cette série qui comporte quatre tomes indépendants n'a eu ni les faveurs des critiques ni celles, apparemment, du public. Dommage.
Bouchon et l'Ogre Noir, éditions Casterman, 1997.
MonsieurMadame de Charlie Schlingo. Un vrai pastiche de la série des Monsieur Madame de Roger Hargreaves! Du pur Schlingo! Accessible à tout le monde même aux plus rétifs à son dessin! Et oui, monsieur! C'est d'une drôlerie sans nom! Et quand Madame le lit à son petit bonhomme, c'est toute la famille qui rigole!
Monsieur Madame, éditions du Seuil, 1995.
Le petit dernier? Je le cherchais depuis des années.
"C'est une BD avec deux personnages qui philosophent au bord d'une falaise. Philosopher est un bien grand mot pour désigner leur tête-à-tête. Ils se racontent le Monde de façon rationnelle, forment des explications avec leurs connaissances et leurs nombreuses lacunes. Ils s'inventent un univers qui, pour eux, tient la route. Ils analysent et se rassurent. Enfin, pas toujours..."
Présenté de cette façon, les libraires à qui je faisais part de ma requête me regardaient d'un oeil rond, retournaient à leurs papiers, m'oubliaient dans un soupir sans nom chargé de lassitude et d'exaspération.
Et là, je retrouve cet album, ce souvenir incertain au milieu de ses copains. Comme quoi le bien-être ne vient pas que du massage!
Prop et Emmanuelle: l'Univers mérite une Leçon de Alph (Alphonse Desneuves) est une conversation attachante. Les déductions sont simples, les réactions des héros enfantines. Le non-sens a une logique qu'Alph a su retranscrire. J'en profite pour souligner la jolie mise en couleurs de Yves Lencot et regretter la politique de Casterman qui a sabré son catalogue comme un hussard aveugle et sans pitié.
Prop et Emmanuelle, éditions Casterman 1995.
-Monsieur-