Régionales : patates chaudes et école des fans

Publié le 11 janvier 2010 par H16

Alors que le mois de janvier entame tout juste sa deuxième semaine, on peut le dire : ça y est, la campagne des élections régionales est lancée. Les deux mois devant nous s’affichent maintenant clairement dans le domaine de la politique politicienne. Et déjà, on sent frémir les casseroles des popotes diverses.

On pourrait ainsi tenter de décortiquer l’astuce (on ne peut pas vraiment parler de stratégie, vu la nébulosité de l’ensemble) des groupuscules d’extrême-gauche pour apparaître sur les radars médiatiques de ces régionales, avec les tentatives bizarroïdes d’accouplements transpirants du Front de Gauche avec le NPA – la maquette de parti politique d’Olivier B, postier putatif dans le XIVème arrondissement.

Ça occasionnerai probablement quelques savoureux paragraphes de franche rigolade , mais leurs manœuvres sont tellement emberlificotées dans les bidouilles d’appareil et les programmes illisibles qu’ils finissent par fatiguer les zygomatiques.

Ce serait exactement comme étudier les bricolages du Front National : rigolo deux minutes, lassant à la longue, l’impact de ceux-ci et de ceux-là étant marginal (pour ne pas dire nul) sur le résultat final des élections, on ne va pas perdre beaucoup plus de temps. On n’est plus en 2002.

Restent donc, essentiellement, les deux principaux partis politiques franchouilles : le Parti Officiellement Socialiste, débordé sur sa gauche par des Verts de plus en plus pivoine, et le Parti Honteusement Socialiste, mollement raboté, lui aussi sur sa gauche, par un Modem à l’encéphalogramme inquiétant.

Côté UMP, la victoire ne semble pas du tout certaine.

En pratique, c’est même une bonne grosse raclée qui semble plutôt à portée. On pourra lire l’intéressant interview de Ferry dans le Parisien, dans lequel l’ancien ministre fait preuve d’une lucidité prophétique, rare chez les politiciens, en déclarant d’une part :

Si une nouvelle crise venait frapper nos économies, nous aurions du mal à y faire face compte tenu des déficits actuels… En cas de nouvelle tourmente, nous risquons d’être à poil dans la neige.

et d’autre part :

La droite va prendre une tôle aux régionales, ça va être une catastrophe, une bérézina.

La première affirmation, concernant la crise, semble assez logique : l’État est déjà à poil, et pour ce qui est de la neige, on est servi. Et de nombreux petits signes semblent indiquer qu’effectivement, une nouvelle crise pourrait bien arriver.

La seconde affirmation, elle, est évidemment tempérée par d’autres « ténors » de « droite » , comme Raffarin, l’ex-ministre de la pente raide, qui déclare ainsi qu’une défaite de Royal est possible. Dans le fond, il n’a pas tort surtout si les approvisionnements en afghane s’arrêtent et déclenchent un sevrage précoce de l’actuelle présidente de Poitou-Charente.

Mais regardons à présent la situation courante, c’est-à-dire d’où nous partons, et vers où nous allons.

Le bilan de Sarkozy étant globalement merdique – c’était prévisible, prévu et quasi-garanti sur facture – , on sent qu’effectivement, les électeurs auront bien du mal à revoter massivement pour des têtes de listes UMP qui auront, sur les deux dernières années, projeté sur eux deux douzaines de taxes, ponctions vexatoires, idioties frivoles, petits & gros morceaux de bêtises crasses comme un solide légionnaire atteint d’une tourista carabinée.

Côté socialiste, on ne peut pas non plus dire que l’intelligence, le rassemblement, l’unité et la finesse furent de mise depuis juin 2007. Il serait herculéen de reprendre en détail toutes les abrutissantes stupidités que les politiciens de gauche auront enfilées comme des perles d’un collier multi-kilométrique depuis que l’homme sans classe sera parvenu à l’Elysée, mais force est de constater que les clowns qui animent ce parti ont absolument tout tenté pour le faire exploser, et y sont partiellement parvenus. Et par décence, je ne parlerai pas du récent référendum qui illustre assez bien l’absence d’entregent dont les dirigeants socialistes font démonstration actuellement.

Avec un tel passif, miser sur une une victoire écrasante du PS semble un peu risqué. En outre, la carte actuelle des régions française montre une domination écrasante des socialistes revendiqués (20 régions sur 22).

L’issue du scrutin se résume, finalement, à une question de probabilité. Celle, par exemple, que le PS fasse mieux, revient à dire qu’il lui faut non seulement gagner deux nouvelles régions, mais surtout, n’en perdre aucune. Ce n’est pas impossible, mais cela suppose un parcours sans faute sur tout le territoire.

Et c’est là que les choses deviennent amusantes.

En effet, si le PS perd ne serait-ce qu’une région (et ne domine alors que de 19 sur 22), l’UMP pourra déclarer avoir gagné du terrain. Une branlée reproduisant le précédent score, 20 régions socialistes sur 22, pourra être présentée par l’UMP comme un excellent damage control : « On a sauvé les meubles, les enfants : on ne fait pas pire qu’en 2005″. De son côté, le PS pourra toujours prétendre, à bon droit, avoir gagné de façon écrasante. En clair, il semble évident que pour pousser un ouf de soulagement, l’UMP ne doit déployer, finalement que des efforts plus modérés que pour le PS.

Stratégiquement, il apparaît aussi que conserver coûte que coûte des régions n’est peut-être pas, électoralement parlant, judicieux sur le long terme : la plupart des ténors de gauche pensent aussi à 2012. Or, si l’on tient une région entre 2010 et 2012, cela veut dire qu’on va devoir jongler avec des comptes locaux particulièrement dégradés, les sources de financement étant de plus en plus restreintes. D’autant qu’en réalité, rien n’indique que la situation économique va s’embellir au profit des conseils régionaux… Au contraire.

Il ne serait ainsi pas totalement surprenant que certaines régions socialistes, tenues par de futurs présidentiables, tombent fort malencontreusement dans l’escarcelle de la droite, alors que, précisément, les rentrées fiscales se font rares et les dépenses, elles, tournent  à plein régime. L’UMP hériterait alors d’un cadeau douteux, qu’ils auraient d’ailleurs tout fait pour empoisonner avant de se l’administrer.

Autrement dit, nous allons assister à un jeu de patates chaudes, équilibrage savant et subtil entre un désir immédiat de victoire, une pénible équation probabilistique, et l’objectif 2012 dont, pour le moment, tout semble indiquer qu’il va être une véritable foire d’empoigne tant le manque de candidat crédible est évident.

Et au soir du 21 mars 2010, il n’est donc pas impossible que, comme dans une école des fans politiques, tout le monde se déclare gagnant et se distribue de bonnes notes.

Pendant ce temps là, la criiiiise continuera ses dégâts.