L'état d'urgence proclamé pour 15 jours en Géorgie

Publié le 07 novembre 2007 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

Par Margarita Antidze (REUTERS)

Le président géorgien, Mikhaïl Saakachvili, a décrété mercredi l'état d'urgence pour 15 jours sur l'ensemble du territoire après avoir accusé la Russie de fomenter des troubles."Nous avons eu affaire à une tentative de mener un coup de force et de semer le désordre", a affirmé le Premier ministre, Zourab Nogaïdéli, à la télévision. Georgy Arveladze, ministre du Développement économique, a quant à lui annoncé la suspension de tous les programmes d'information des chaînes de télévision indépendantes jusqu'à la levée de l'état d'urgence.

Dans une allocution télévisée prononcée après la dispersion de manifestations hostiles au chef de l'Etat, Saakachvili avait auparavant estimé que la Géorgie était confrontée "à une très grave menace de troubles"."Des responsables de haut rang au sein des services spéciaux russes sont responsables de tout cela", a-t-il ajouté en affirmant disposer de preuves.

Tbilissi, dont les relations avec Moscou sont déjà très tendues, a rappelé son ambassadeur en Russie, convoqué l'ambassadeur russe en Géorgie et expulsé trois diplomates russes.

"A Moscou, nous considérons cette initiative de l'administration géorgienne comme une provocation. Une réponse adéquate y sera apportée", a assuré le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué. Dimitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a par ailleurs dénoncé l'"hystérie antirusse" qui règne selon lui à Tbilissi.

Les chefs de file de l'opposition géorgienne, qui n'ont jamais remis en question la ligne pro-occidentale de Saakachvili, ont jugé ses allégations stupides et infondées. Signe de son inquiétude, l'Union européenne a fait savoir qu'elle dépêchait son émissaire spécial dans le sud du Caucase, Peter Semneby, en Géorgie pour y rencontrer toutes les parties concernées.

Peu après l'allocution présidentielle, la principale chaîne de télévision d'opposition, Imedi, qui couvrait largement le mouvement de contestation, a annoncé que des unités spéciales de la police avaient pris d'assaut son siège et interrompu ses transmissions.

"SORDIDES ÉQUIPÉES"

Des témoins de la scène ont vu la police contraindre le personnel à se coucher au sol, détruire du matériel et des téléphones mobiles et menacer certains employés d'une arme sur la tempe. Une autre chaîne, Kavkazia, qui n'émet que dans la capitale, a également vu sa diffusion interrompue mercredi.

Au sixième jour du mouvement de protestation contre Mikhail Saakachvili, accusé de corruption et d'autoritarisme, les policiers anti-émeute ont chargé dans la matinée à coups de matraque, de canon à eau et de grenades lacrymogènes plusieurs centaines d'opposants rassemblés aux abords du Parlement.

Les forces de l'ordre sont intervenues à nouveau, quelques heures plus tard, contre des manifestants regroupés dans la vieille ville de Tbilissi. Le ministre de la Santé a déclaré que 250 personnes, pour la plupart incommodées par les gaz lacrymogènes, avaient été admises dans les hôpitaux."Nous ne pouvons pas laisser notre pays devenir le théâtre de sordides équipées géopolitiques des autres pays", a justifié le chef de l'Etat. "Notre démocratie a besoin d'une main ferme des autorités."Les chefs de l'opposition ont critiqué ce recours à la force, preuve selon eux de la dérive autoritaire du régime.

Le médiateur géorgien pour les droits de l'homme, Sozar Subari, a déclaré avoir été frappé par la police. Le patriarche Ilia II, chef de l'Eglise orthodoxe géorgienne, a jugé la répression du mouvement totalement inacceptable. "Il n'y a qu'une seule voie, la négociation", a-t-il déclaré.

Saakachvili a annoncé dimanche qu'il excluait d'organiser des élections législatives anticipées, comme l'exige l'opposition. Porté au pouvoir par la "révolution des roses" en 2003, le président géorgien est favorable à des réformes économiques d'inspiration libérale et à un rapprochement avec Washington. Ses détracteurs soulignent que les conditions de vie ne s'améliorent pas pour la grande majorité de la population et dénoncent la corruption et les violations des droits de l'homme dans l'ancienne république soviétique du Sud-Caucase.

Même si le nombre de manifestants - ils étaient 70.000 vendredi - semble s'être réduit au fil des jours, l'opposition a exhorté ses partisans à poursuivre le mouvement jusqu'à la démission de Saakachvili.Des marches anti-gouvernementales ont été signalées dans plusieurs villes de province. "Les autorités ont utilisé des armes contre des manifestants pacifiques. Elles auront ce qu'elles méritent", a lancé une responsable de l'opposition, Kakha Koukava, citée par l'agence russe Interfax.