Toute trace de l’homme est perdue (Annunzio)

Par Arbrealettres


Toute trace de l’homme est
perdue. Aucune voix ne résonne,
si j’écoute. Toute souffrance
humaine m’abandonne.
Je n’ai plus de nom.
Et je sens que mon visage
se dore de l’or
méridien,
et que ma barbe
blonde brille
comme la paille marine;
je sens que le rivage sillonné
par le travail
si délicat des vagues
et du vent s’assimile
au creux de ma main
là où le toucher s’affine.

Et ma force passive
se grave sur le sable,
se répand dans la mer;
et le fleuve devient ma veine,
la montagne mon front,
la forêt mon pubis,
le nuage ma sueur.
Et moi je suis dans la fleur
du typha, dans l’écaille
de la pomme de pin, dans la baie
de genévrier; je suis dans le fucus,
dans la paille marine,
dans chaque chose insignifiante,
dans chaque chose immense,
dans le sable contigu,
dans les sommets lointains.
Je brûle, je brille,
Et je n’ai plus de nom.

(Annunzio)