L'exercice du droit de préemption et la condition suspensive

Publié le 17 janvier 2010 par Christophe Buffet

A travers cette décision :

"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix en Provence, 29 mai 2008), que par acte sous seing privé des 10 et 28 août 2002, les consorts Z... se sont engagés à vendre aux époux X... un domaine rural sous la condition suspensive de la purge de tous droits de préemption publics et privés ; que cette promesse de vente devait être réitérée par acte authentique au plus tard le 15 janvier 2003 ; que les époux B..., titulaires d'un bail rural sur les biens vendus, ont exercé leur droit de préemption, mais n'étant pas d'accord sur le prix, ont précisé saisir le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de fixation du prix ; que par lettre du 19 novembre 2002, les consorts Z... ont indiqué aux preneurs renoncer à la vente ; que par jugement du 5 mai 2003, le tribunal paritaire des baux ruraux a constaté le désistement d'instance des preneurs ; que par deux actes du 28 mai 2003, les consorts Z... ont vendu, d'une part, aux époux B..., d'autre part, aux époux C... deux terrains comprenant notamment quelques unes des parcelles cadastrales qui avaient été comprises dans la promesse synallagmatique de vente des 10 et 28 août 2002 ; que le 10 juin 2003, les époux X... ont assigné les consorts Z... aux fins de faire dire que la vente était parfaite et que la promesse synallagmatique de vente des 10 et 28 août 2002 valait vente, et de faire condamner les consorts Z... à leur payer des dommages intérêts ;

Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes, alors, selon le moyen :

1° / qu'en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que les preneurs s'étaient désistés de leur action en révision judiciaire du prix de vente, ce dont il leur avait été donné acte par décision du tribunal paritaire des baux ruraux en date du 5 mai 2003, de sorte qu'ils devaient être regardés comme ayant renoncé à exercer leur droit de préemption, faute d'avoir accepté le prix initialement proposé par les vendeurs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 412-7 et L. 412-8 du code rural ;

2° / qu'en retenant par adoption des motifs des premiers juges que les preneurs B... avaient préempté et n'avaient jamais renoncé à leur préemption, et en considérant néanmoins que la préemption du preneur n'était pas rapportée et que le droit de préemption des preneurs n'était pas purgé, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction et méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3° / qu'en retenant que les droits de préemption des preneurs et de la SAFER n'avaient pas été purgés et que la condition suspensive du non-exercice du droit de préemption prévue à la promesse synallagmatique de vente n'avait jamais été levée, tout en constatant que les preneurs s'étaient désistés de leur action en fixation judiciaire du prix de vente et n'avaient pas notifié leur accord sur le prix initialement proposé par les vendeurs, et sans rechercher si la SAFER n'avait pas elle-même fait savoir qu'elle avait renoncé à exercer son propre droit de préemption, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 412-1 et suivants et L. 143-8 et R. 143-4 du code rural ;

4° / qu'en statuant encore comme elle l'a fait, sans répondre au chef précis et isolable des conclusions d'appel des époux X... qui faisaient valoir, d'une part, que ni les époux B... ni eux-mêmes en leur qualité d'acquéreurs, n'avaient eu connaissance de la prétendue lettre de renonciation des vendeurs à la vente des biens en cause en date du 19 novembre 2002, et d'autre part, qu'à la supposer existante, cette lettre était sans incidence sur la validité du compromis et sur l'engagement pris par les vendeurs à l'égard des acquéreurs, la cour d'appel n'a pas davantage satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile et des articles L. 412-1 et suivants du code rural ;

5° / qu'en retenant que le compromis était caduc, en l'absence dans ce document de toute mention relative à une possible caducité de l'acte de vente, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs de ce compromis, violant l'article 1134 du code civil ;

6° / qu'en l'absence de caducité et en l'état de la procédure de préemption, le compromis de vente conservait sa validité autorisant les tiers acquéreurs à mettre les vendeurs en demeure de réaliser la vente ; que dès lors, en se déterminant encore comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation des articles 1134 et 1176 du code civil ;

7° / qu'en statuant encore comme elle l'a fait, sans répondre au chef précis des conclusions des époux X... qui avaient soutenu que l'opération était entachée d'une collusion frauduleuse entre les vendeurs et les preneurs en place en vue d'évincer les époux X... de la vente, la cour d'appel n'a pas de ce nouveau chef satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la défaillance de la condition suspensive entraîne la caducité de la promesse de vente ; qu'ayant constaté que, selon jugement du 5 mai 2003, les preneurs s'étaient désistés de leur instance aux fins de fixation du prix, et retenu à bon droit que ce désistement ne remettait pas en cause leur décision d'exercer leur droit de préemption, la cour d'appel qui en a justement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que la condition suspensive de non exercice du droit de préemption n'avait pas été levée, a, sans dénaturation, répondant aux conclusions, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les époux Bernard X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procedure civile, condamne les époux Bernard X... à payer aux consorts Z... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des époux X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour les époux Bernard X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, constaté qu'à la date du compromis passé entre les époux X... et l'hoirie Z..., un preneur agricole était en place sur le bien querellé, constaté que le preneur avait exercé son droit de préemption et n'en avait jamais donné mainlevée, constaté que le droit de préemption de la SAFER était quant à lui toujours réservé ; qu'à la date limite de réitération du compromis qui était le 15 janvier 2003, la condition de purge de tous les droits de préemption publics et privés n'était pas réalisée et qu'à cette date les parties n'étaient pas en état de s'obliger l'une l'autre, constaté qu'aucun accord de prorogation n'était intervenu entre les cocontractants au compromis et constaté la caducité du compromis, dit que la renonciation à vendre intervenue dans le cadre de la procédure paritaire était conforme à l'article L. 412-7 du Code rural, dit que le désistement du preneur à la procédure paritaire en fixation n'emportait pas renonciation à préempter mais valait acquiescement à l'exercice anticipé de la renonciation du bailleur à vendre dans le cadre de la procédure de l'article L 412-7 du Code rural, dit valables les conventions ultérieures conclues entre bailleurs et preneurs, dit que ces conventions postérieures ne font pas présumer une quelconque collusion frauduleuse entre bailleurs et preneurs et débouté en conséquence les époux X... de l'intégralité de leur demande ;

AUX MOTIFS QUE compte tenu de la nature agricole d'au moins une partie des terres et de l'existence d'un bail rural en cours sur les lieux concernés à la date de la promesse synallagmatique de vente les 10 et 18 août 2002, celle-ci comportait une condition suspensive relative au droit de préemption ainsi libellée : « droits de préemption. la purge de tous les droits de préemption publics ou privés. Etant précisé que le bien objet des présentes a fait l'objet d'un bail sous seing privé au profit de M. et Mme B... Marcel. Les présentes seront donc notifiées à M. et Mme B... afin soit que la propriété, objet des présentes soit libérée par eux, au plus tard le 1er novembre 2002, soit qu'ils aient donné leur engagement de libération pour cette date. Toutefois, pour le cas où M. et Mme B... ne se porteraient pas acquéreurs des immeubles présentement vendu, en vertu d'un accord écrit intervenu entre les consorts Z... et M. et Mme B..., dont une copie est demeurée jointe, demande de libération a été faite par les consorts Z... pour une prise d'effet au 1er novembre 2002 » ; que par lettre recommandée avec avis de réception reçu le 24 septembre 2002, les preneurs ruraux se sont vus notifier par M. Y..., notaire, les termes de la promesse synallagmatique de vente passée entre les consorts Z... et les époux BERNARD X... ; que par lettre recommandée avec avis de réception, postée le 13 novembre 2002, les preneurs ruraux ont notifié au notaire des vendeurs leur décision d'exercer leur droit de préemption ; qu'ils ont saisi le Tribunal Paritaire des baux ruraux d'une demande de fixation judiciaire du prix ; que si les époux X... ont fait savoir qu'ils entendaient attendre la décision du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux, aucune prorogation de la durée de réalisation des conditions suspensives de la vente n'a été convenue entre les époux BERNARD X... et les consorts Z... ; qu'en tout état de cause, ni le droit de préemption des preneurs, ni celui de la SAFER n'ont été purgés ; que ce n'est que le 5 mai 2003 que le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux a constaté que les preneurs ruraux se désistaient de leur instance ; que l'instance dont se sont désistés les preneurs ruraux ne remettait pas en cause leur décision d'exercer leur droit de préemption alors que cette instance n'avait trait qu'au montant du prix et non à l'exercice du droit de préemption lui-même ; que la condition suspensive du non-exercice du droit de préemption prévue à la promesse synallagmatique de vente n'a jamais été levée ; qu'en conséquence, la promesse synallagmatique de vente est devenue caduque et c'est à bon droit que les consorts Z... ont vendu par la suite le 28 mai 2003, parties des biens qui en avaient fait l'objet ;

ALORS, D'UNE PART, QU'en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant que les preneurs s'étaient désistés de leur action en révision judiciaire du prix de vente, ce dont il leur avait été donné acte par décision du Tribunal Paritaire des Baux Ruraux en date du 5 mai 2003, de sorte qu'ils devaient être regardés comme ayant renoncé à exercer leur droit de préemption, faute d'avoir accepté le prix initialement proposé par les vendeurs, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 412-7 et L. 412-8 du Code rural ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant par adoption des motifs des premiers juges que les preneurs B... avaient préempté et n'avaient jamais renoncé à leur préemption, et en considérant néanmoins que la préemption du preneur n'était pas rapportée et que le droit de préemption des preneurs n'était pas purgé, la Cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction et méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QU'en retenant que les droits de préemption des preneurs et de la SAFER n'avaient pas été purgés et que la condition suspensive du non-exercice du droit de préemption prévue à la promesse synallagmatique de vente n'avait jamais été levée, tout en constatant que les preneurs s'étaient désistés de leur action en fixation judiciaire du prix de vente et n'avaient pas notifié leur accord sur le prix initialement proposé par les vendeurs, et sans rechercher si la SAFER n'avait pas elle-même fait savoir qu'elle avait renoncé à exercer son propre droit de préemption, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 412-1 et suivants et L. 143-8 et R. 143-4 du Code rural ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'en statuant encore comme elle l'a fait, sans répondre au chef précis et isolable des conclusions d'appel des époux X... qui faisaient valoir, d'une part, que ni les époux B... ni eux-mêmes en leur qualité d'acquéreurs, n'avaient eu connaissance de la prétendue lettre de renonciation des vendeurs à la vente des biens en cause en date du 19 novembre 2002, et d'autre part, qu'à la supposer existante, cette lettre était sans incidence sur la validité du compromis et sur l'engagement pris par les vendeurs à l'égard des acquéreurs, la Cour d'appel n'a pas davantage satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile et des articles L. 412-1 et suivants du code rural ;

ALORS, DE CINQUIEME PART, QU'en retenant que le compromis était caduc, en l'absence dans ce document de toute mention relative à une possible caducité de l'acte de vente, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs de ce compromis, violant l'article 1134 du Code civil ;

ALORS, DE SIXIEME PART, QU'en l'absence de caducité et en l'état de la procédure de préemption, le compromis de vente conservait sa validité autorisant les tiers acquéreurs à mettre les vendeurs en demeure de réaliser la vente ; que dès lors, en se déterminant encore comme elle l'a fait, la Cour d'appel a procédé d'une violation des articles 1134 et 1176 du Code civil ;

ALORS, ENFIN, QU'en statuant encore comme elle l'a fait, sans répondre au chef précis des conclusions des époux X... qui avaient soutenu que l'opération était entachée d'une collusion frauduleuse entre les vendeurs et les preneurs en place en vue d'évincer les époux X... de la vente, la Cour d'appel n'a pas de ce nouveau chef satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile."